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Quand les chefs s’offrent une salle de restaurant pour deux ambiances

Quand les chefs s’offrent une salle de restaurant pour deux ambiances

Bérangère Chanel | 21/11/2023

C’est une formule qui séduit de plus en plus de restaurateurs : ouvrir deux restaurants à la même adresse. Entre nouveau modèle économique et prise de conscience écologique, les chefs ont aux quatre coins de la France diverses raisons d’opter pour cette organisation.

Côté pile, il y a bien souvent une offre gastronomique. Côté face, la carte arbore une promesse davantage bistronomique. Des chefs à la tête de plusieurs adresses, cela ne date pas d’hier. Sauf que désormais, ils n’ont plus besoin de se dédoubler. Ils officient au même endroit pour deux tables bien distinctes. Un choix qui permet parfois d’optimiser les coûts des matières premières, en réalisant des achats communs pour les deux lieux. À plus d’un titre, l’objectif est économique, d’autant que cela réduit le gaspillage alimentaire. Les restaurateurs ambitionnent aussi de séduire une autre clientèle qui n’est pas nécessairement intéressée par un menu dégustation, préférant l’accessibilité d’un menu de bistrot.

Oka à Paris 

Le chef brésilien Raphaël Rego a décidé de tourner une page dans l’histoire de son restaurant Oka, en changeant d’adresse, mais surtout en l’affublant de deux tables au sein du même endroit. En lieu et place de l’ancien Papillon de Christophe Saintagne, le cuisinier originaire de Rio de Janeiro articulera, d’un côté, son offre gastronomique, et de l’autre, une carte consacrée au goût du barbecue brésilien. La cuisine sera ancrée au milieu des deux univers s’imposant telle une séparation naturelle tandis que deux entrées bien distinctes sont prévues. “Je souhaitais placer la flamme au centre de mon projet. N’importe quel cuisinier doit savoir la maîtriser. Et puis, je veux présenter un lieu dans l’esprit de ces bistrots de quartier à Rio où tout le monde se retrouve” raconte le chef. Chez Fogo, on dévorera des morceaux brésiliens emblématiques tels que la picanha qu’un éleveur français fournira au chef Rego. L’ouverture est prévue pour la fin d’année. 

©CharlotteJacobsen

“LA” Table d’Hôtes - Le Quatrième Mur à Bordeaux 

Deux ans après avoir mis le couvert sous le majestueux plafond voûté de l’Opéra national de Bordeaux, Philippe Etchebest annexait en 2017 à sa brasserie chic une table bien plus intime. Pour cette promesse gastronomique, il faut descendre au sous-sol et prendre place dans une somptueuse cave métamorphosée en salle de restaurant. Par service, seuls douze chanceux jouissent d’une vue privilégiée sur les fourneaux derrière lesquels la brigade du chef cathodique s’active pour mettre en œuvre un menu surprise en accord avec des vins soigneusement choisis. Le temps du déjeuner ou du dîner, on se sent privilégié dans cet écrin caché, quand les cuisiniers dressent une sauce, ou mieux quand le chef Etchebest dirige les opérations culinaires. 

©CharlesToulza

Le Petit Jardin à Montpellier 

Formé auprès de Davy Tissot, détenteur du Bocuse d’Or 2021, Clément Geudré n’a rien changé au fonctionnement de cette institution montpelliéraine lorsqu’il en est devenu propriétaire en 2022. Déjà scindée en deux offres – l’une gastronomique et l’autre bistrotière, l’adresse lui donne l’opportunité de laisser libre cours à ses idées culinaires. “On n’a pas toujours des inspirations nécessairement adaptées à l’offre d’un restaurant gastronomique. On ne se sent ainsi pas frustré de rester dans un seul répertoire” nous explique-t-il. Chaque lieu dispose de sa propre brigade, de ses propres fourneaux et même de son propre garde-manger. Seul le poste de pâtissier est mutualisé pour servir les deux cartes.

©Versatile

Orgueil à Paris

Il y a 18 mois, lorsque Eloi Spinnler et son équipe s'installent dans le 11ᵉ arrondissement de la capitale, tout est déjà tracé pour le projet Orgueil, comptant côté pile un bistrot et côté face une table façon speakeasy. Alimentés par un menu dégustation, dix couverts assistent au ballet de la brigade en cuisine. “Nous l’avons conçu comme une expérience immersive” lance le chef. Le concept est surtout réfléchi pour être en phase avec des aspirations écologiques. “Nous sommes un restaurant zéro déchet. En réunissant deux offres au sein du même lieu, nous optimisons la matière première” explique Eloi Spinnler. En l’occurrence, le restaurant acquiert une bête entière et répartit ainsi les morceaux entre le bistrot et le speakeasy. Et de préciser “pour la viande, les parties nobles sont généralement réservées au speakeasy parce qu’on réalise la cuisson instantanément. Pour les légumes, il n’y a pas de règle. On peut tout à fait servir un bouillon d’épluchures dans la partie gastronomique”. En mars prochain, l’équipe d'Orgueil rempilera dans le 9ᵉ arrondissement avec le restaurant Colère, qui suivra le même fonctionnement. “Et nous cherchons un troisième local pour un projet supplémentaire”. Affaire à suivre.

Bierbuik à Lille

Fervent défenseur du terroir flamand, Florent Ladeyn a ressuscité la forme de restauration la plus emblématique de sa région natale : l’estaminet. Fin 2019, le colosse du nord dépoussière cette catégorie d’établissement authentique qui, jadis, rassemblait les convives autour d’une bière et de parties de jeu, dans un projet global consistant à proposer deux façons différentes de se restaurer. À l’étage, la toque de l’Auberge du Vert Mont propose une formule estaminet à 28 euros, concoctée à partir d’une cuisine au feu de bois et alimentée par des produits du nord. Au rez-de-chaussée, dans un esprit « brewpub », on sert les envies intempestives de flamiches ou de frites nappées de sauce au maroilles, le tout arrosée par des mousses locales, conformément au nom du lieu. Bierbuik signifiant "ventre à bières" en flamand… Au printemps dernier, Florent Ladeyn a dupliqué son concept dans la ville de Béthune (Pas-de-Calais).

©AgenceCamilleCarlier - Alexandra Battut

27/4 à Paris

Tokyo, comme si vous y étiez ! De la même manière que la capitale nippone ne se vit qu'à travers la verticalité de ses expériences qui sont empilées à chaque étage des buildings, le repaire parisien 27/4 superpose tout autant les découvertes culinaires. 27 comme le numéro de rue et 4 septembre pour rappeler le nom de celle-ci. Il y a d'abord le bar à saké, où le vin de riz traditionnel est mis en valeur par une sélection de petites assiettes à partager. Nom de code : Omasake, les puristes auront compris le jeu de mot puisque "omakase" correspond à ce type de menus au cours duquel un maître cuisinier japonais enchaîne une myriade de préparations à base de poisson et de végétal. À l'étage, le chef Tomoyuki Yoshinaga délivre une leçon de rigueur nippone en façonnant des sushis dans la plus pure tradition derrière ce comptoir qui transporte jusqu'à Tokyo seulement dix convives par service.

 

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