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Patrice Vander, cuisinier, & Valentin Prost, jardinier au Royal Évian

Patrice Vander, cuisinier, & Valentin Prost, jardinier au Royal Évian

Sylvie Berkowicz | 08/12/2023

Dans le cadre de notre série "Un cuisinier, un jardinier & leur potager", direction l'hôtel Royal Évian, sur les rives du lac Léman.

Depuis leur balcon, les clients du majestueux Royal Évian ont vue sur le lac Léman et un magnifique parc de 19 hectares, avec ses pelouses et massifs, ses splendides arbres centenaires et un potager qui n’est pas qu’ornemental. À ces 3000m² de carrés de culture s’ajoutent en contrebas, un second potager en permaculture, un verger, un jardin de fruits rouges, des ruches, le tout alimentant une grande partie du restaurant Les Fresques, la table gastronomique du chef Patrice Vander. Des espaces verts placés sous la responsabilité de Valentin Prost, responsable des jardins du domaine depuis 23 ans, arrivé peu de temps avant le chef qui, en 2010, après avoir gravi les échelons, a été nommé Chef Exécutif des cuisines du palace.

À quoi ressemblait le parc à votre arrivée il y a 20 ans ?

Patrice Vander : Cela a toujours été un beau parc. Il y avait déjà le potager en carrés avec des herbes et des aromatiques, on l’utilisait, mais beaucoup moins qu’aujourd’hui. On parlait moins de local à l'époque. On faisait un peu de cueillette et on ramassait des herbes sauvages… Et puis il avait de la pelouse partout. L'année dernière, les jardiniers ont transformé une grande surface en une prairie naturelle qui va se renouveler d'année en année. On évite de trop tondre, on arrose moins. Certains clients trouvent que le parc est moins entretenu, mais il faut vivre avec son temps et plein de fleurs vont pousser. Et puis, le temps que Valentin gagne ici, il peut le passer avec son équipe dans les potagers.

Valentin Prost : En 2000, le potager, c'était essentiellement pour faire du joli. Il fallait que ce soit beau et ludique. C’est quand le chef a pris son poste qu’il a décidé d’avoir du vrai, du goût. Par contre, il va falloir qu'on agrandisse parce qu’avec tout ce qu’il me demande ; il m’en faudrait beaucoup plus!  Je pense qu'aujourd'hui, vu ce qui se passe avec le réchauffement climatique, il va falloir que chacun réussisse à produire lui-même ses légumes.

©Event Picture

Comment est organisé ce premier potager ?

V.P. : Ce qu'on a essayé de faire ici, c'est d’abord de faire plaisir aux clients. Qu’ils puissent se dire : ça, c'est joli, c'est rare ou c'est bizarre… Et puis, il y a surtout ce que Patrice me demande de faire.

P.V. : Je lui fais une liste d'herbes. Parfois, on a juste besoin d’une ou deux bandes, mais il nous les faut. On est des enfants gâtés, plus on en a, plus on en veut !

L’objectif est-il d’atteindre l’autosuffisance ?

P.V. : On l’espère. Je pense que tout doucement, on pourra le faire. Un exemple : sur les fraises cette année, on l’a été à quasiment à 95 % pour Les Fresques.

©Edouard Guibaud, ©Nicolas Jacquemin

Pouvez-vous utiliser tout le surplus ?

P.V. : On arrive à passer la grande majorité du frais. Mais on a eu, par exemple, beaucoup de tomates qui, à cause du changement de temps, commençaient à s’abîmer. Donc, on a fait de la sauce tomate. Le top, ça serait de faire des concassés de tomates, des tomates confites… Malheureusement, avec la réduction du temps de travail, ce sont des tâches que je ne peux difficilement faire faire à l'équipe. Cet été, on a eu beaucoup de courgettes et de pâtissons, on les a passé au self. Cela représente quand même 180 couverts le midi. 

Valentin, qu’essayez-vous de faire dans le second potager ?

V.P. : Je teste des techniques de permaculture. Surtout en vérifiant si ce qu'on fait au sol va permettre de garder la feuille le plus longtemps possible. Ici, les végétaux durent beaucoup plus longtemps qu’en haut dans le premier potager. Par contre, il arrive un moment où on est obligé d'arroser. On s'est rendu compte que ça ne suffisait pas.

©Edouard Guibaud, ©Event Picture

Comment parvenez-vous à minimiser la consommation d'eau ?

V.P. : Sous le jardin des fruits rouges, il y a un réservoir d'eau dans lequel on récupère toutes les eaux pluviales. On avait calculé en sorte de ne pas avoir besoin d'eau potable. Mais aujourd'hui, i nous faudrait des réservoirs qui fassent 150 millions de mètres cubes pour être sûr ! On « mulche », c’est-à-dire qu’on couvre nos sols. On laisse le bois, des parties de branches, d'écorces, qui jouent le rôle d'éponge et relâchent l’humidité quand il fait trop sec.  Avant, nos feuilles, on les balançait dans la déchèterie. Aujourd'hui, on récupère tout. Mais le déficit hydrique est tellement fort, que même le permaculture est dépassée. Au niveau du parc, nous préparons des zones forestières, parce qu'on se rend compte qu’en été, les clients ne vont plus sur le gazon, c'est trop chaud. Ils se mettent sous les arbres. Donc on va faire des micro forêts et protéger nos sols, avec de la matière organique, en recréant plus ou moins ce qui se passe dans une forêt naturelle. Le chef parlait plus tôt de notre prairie mellifère, mais nous sommes déjà sur une nouvelle philosophie. On va faire de la prairie permanente avec des plantes qui poussent naturellement sur le terrain d'ici, avec le climat d'ici. Parce qu'en fait, les prairies fleuries qu'on voit aujourd'hui, sont ressemées tous les deux ans et coutent cher. On a ressemé à peu près 32 espèces indigènes et il y a plein de choses intéressantes dedans pour le chef, comme de la pimprenelle.

Serait-il aujourd’hui possible pour vous de cuisiner sans avoir un potager à proximité ?

P.V. : J'ai obtenu mon poste de chef en 2010, et plus j’avance, plus je pense que la signature du Royal et des Fresques, c'est le jardin. Sur le filet de bœuf, sur la volaille de Bresse, on n’inscrit plus de garniture, on la fait évoluer au fur et à mesure des saisons. Je me dois de mettre en valeur le travail de Valentin. Chaque année fait une tomate collection, une courgette collection. Certains habitués vont dire que je ne change pas beaucoup, mais ce qu'ils ne voient pas, c'est tout le travail qui a été fait par Valentin et son équipe pour trouver et cultiver ces variétés de courgettes ou de tomates et c’est ça qu'on souhaite mettre en avant.

Si cette collaboration vous a donné envie de manger au restaurant Les Fresques à l'Hôtel Royal retrouvez l'avis de Gault&Millau et toutes les informations pratiques sur la fiche de cette bonne adresse.

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