Quand les cuisiniers deviennent pâtissiers
Un pâtissier qui devient cuisinier… On en a vu pléthore troquer le sucré contre le salé. Le mouvement inverse a longtemps été moins évident jusqu’à ce qu’une nouvelle génération de toques se découvrent un penchant pour les desserts.
Restée dans l’ombre du succès des plus grandes cuisines durant des décennies, la pâtisserie a pourtant été un bouillon de culture à grands chefs. Alain Ducasse n’a pas démarré sa carrière en faisant rôtir des carottes, mais bien en façonnant des croissants sous l’œil de Gaston Lenôtre. Michel Guérard n’est devenu un pionnier de la "nouvelle cuisine" qu’après avoir été le chef pâtissier de l’hôtel de Crillon. Et puis bien sûr, avant d’être la toque cathodique que l’on sait, Cyril Lignac a d’abord été pâtissier. Une formation que l’Aveyronnais n’a d’ailleurs pas manquée de rappeler au lancement de l’émission de télévision « Le Meilleur pâtissier » sur M6 en 2012. Maîtriser le salé quand on est au départ un virtuose du sucré n’a plus rien de surprenant tant de nombreux talents ont échangé de tablier.
Mais, un cuisinier qui devient pâtissier, la "reconversion" est moins habituelle. Pourtant, dans un contexte où la pâtisserie est à son tour starifiée, de plus en plus de chefs se lancent dans de nouvelles affaires axées sur le sucre, surtout depuis la fin de la crise sanitaire. La preuve par cinq.
Maison Mathieu Pacaud à Paris
C’est un lancement qui a eu lieu en toute discrétion, à l’automne 2023. Alors que Mathieu Pacaud s’affairait aux détails de la réouverture du restaurant Le Laurent, aux côtés de Laurent de Gourcuff, le chef d’entreprise se lançait dans une nouvelle affaire différente de toutes celle qu’il avait pu mener jusqu’ici : une pâtisserie/boulangerie ! En plein triangle d’or parisien, celui qui dépoussière les institutions gastronomiques de la capitale telles que le Divellec ou Apicius se frotte désormais à l’exercice de la pâte feuilletée, de la pâte à brioche ou de la miche de pain. Derrière sa vitrine, on retrouve des pâtisseries inspirées de ses restaurants. Le palmier, dont la taille a été adaptée à un grignotage en quelques bouchées, est déjà un plaisir signature. Pour autant, Mathieu Pacaud n’en a pas oublié le salé, avec une formule traiteur et épicerie fine intégrée à son concept de quartier.
- Où ? 180 Rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris
- www.maisonpacaud.com
RomainRicard , ©Julien Knaub
Tapisserie à Paris
Quelle meilleure idée qu’un paronyme pour marquer les esprits avec un concept que l’on n’attendait pas, en tout cas pas de la part de Bertrand Grébaut et de son équipe Septime ? Aidé de son fidèle acolyte Théophile Pourriat, le chef qui a fait du onzième arrondissement de Paris son terrain gastronomique a surpris son monde en ouvrant sa pâtisserie Tapisserie sans attendre que la page de la Covid-19 ne soit tournée. Début 2021, Grébaut et sa brigade trouve un écrin adapté au service de la tarte au sirop d’érable, devenu un must-have au comptoir de Clamato. On savoure les quelques recettes qui garnissent la vitrine au rythme des fournées de cette pâtisserie de quartier, dont la gamme est volontairement courte, et conçue avec des farines bio et des ingrédients de qualité comme le chocolat de la manufacture Plaq. Le succès s’est depuis dupliqué jusque dans le septième arrondissement, avenue de la Motte-Piquet.
- Où ? 65 rue de Charonne, 75011 Paris
- www.tapisserie-patisserie.fr
L’A Pâtisserie KG à Fontainebleau
Sur les terres acquises aux desserts du grand pâtissier Frédéric Cassel depuis 1994, le chef japonais Kunihisa Goto a ouvert une pâtisserie en 2021, L'A Pâtisserie KG, lorsqu’un local s’est libéré à côté de son restaurant gastronomique l’Axel. « Au moment de la crise sanitaire, je me suis interrogé quant à la faisabilité d’ouvrir une pâtisserie » nous raconte le chef originaire d’Oita, sur l’île de Kyushu. Et de se souvenir « quand j’étais petit, j’adorais préparer des gâteaux. J’essayais de réaliser des tiramisus, même si ce n’était pas simple de trouver du mascarpone au Japon. Je faisais des pancakes aussi ».
À Fontainebleau, rue de France, le nippon, formé auprès de Philippe Etchebest époque Hostellerie de Plaisance, avait déjà commencé à solidifier sa présence avec Fuumi, un comptoir à okonomiyaki, la fameuse crêpe traditionnelle japonaise à base de chou en provenance de Hiroshima. Le voilà désormais pâtissier avec des recettes traditionnelles françaises twistées par une touche nippone. Il y a ce chou au sésame noir et cœur de banane, mangue et passion. Kunihisa Goto a confié la mise en œuvre de ses desserts à la cheffe Ayako Kishi, passée par les cuisines du Bristol. « Elle a carte blanche pour réfléchir à la collection, mais nous goûtons ensemble les recettes avant de les mettre en vitrine. Nous avons à cœur d’associer les traditions pâtissières françaises à certains marqueurs de la culture culinaire nippone ».
- Où ? 41 rue de France, 77300 Fontainebleau
- www.lapatisserie-kg.com
©SimonDetraz
SaQuaNa à Honfleur
On l’a connu dans le pool des toques qui ont alimenté la bonne réputation des tables normandes. Mais voilà, la Covid-19 est passée par là ! Alexandre Bourdas a pris un virage à 180° pour préférer servir un concept culinaire plus accessible, dans un style davantage bistronomique. Osant même confectionner des sushis, cette "reconversion" n’est pourtant pas l’unique nouveauté : le chef est devenu boulanger/pâtissier tout en gardant sa casquette de restaurateur. En 2021, Alexandre Bourdas ouvre un commerce de quartier qu’il imagine comme un lieu de vie : Sa.Qua.Na. Les habitants viennent se fournir en pain au levain, à base d’une fermentation de 24 h, mais aussi en croissants, en brioche, en kouign-amann... Cette nouvelle adresse n’en reste pas moins une table puisqu’elle fait aussi office de salon de thé, et ce, dès le petit-déjeuner.
- Où ? 22 place Hamelin, 14600 Honfleur
- www.alexandre-bourdas.com
Grain de Vanille à Cancale
C’est une adresse pionnière dans ce nouveau registre des cuisiniers pâtissiers. À Cancale, Olivier Roellinger a confié les clés d’une pâtisserie estampillée Maison de Bricourt à Yannick Gauthier, son ancien chef pâtissier. Depuis février 2001, chez Grain de Vanille, on peut grignoter les desserts qui ont alimenté la carte du restaurant gastronomique, mais aussi saliver pour le Rocher de Cancale, sorte de revisite normande du merveilleux ch’ti avec une meringue, un croquant au praliné amande noisette et une mousse au chocolat blond. Désormais associé à son illustre patron, Yannick Gauthier continue de régaler le tout-Cancale avec son millefeuille à la vanille Bourbon.
- Où ? 12 place de la Victoire, 35260 Cancale
- www.grain-de-vanille.com
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