Des algues fraîches et vivantes : le pari d’Omanori pour une gastronomie durable
Ewen Frin, 28 ans, fondateur d'Omanori, révolutionne la gastronomie bretonne en l'approvisionnant d'algues fraîches grâce à un système innovant de conservation en bassin.
Basé à Saint-Malo, Omanori répond à une demande croissante des restaurateurs de proposer un produit marin local, sain et durable. Fasciné par l'océan depuis son enfance en Bretagne, Ewen Frin a longtemps pratiqué la plongée et la chasse sous-marine. Après des études de commerce en Normandie et cinq années passées à Paris dans le conseil, il décide de retourner à ses racines. "En Bretagne, j'avais une connaissance intime de la richesse des ressources marines, notamment des algues, confie-t-il. En découvrant que la cuisine de la mer à Paris se limitait souvent à des produits surpêchés comme le saumon ou le thon, j'ai voulu valoriser des espèces locales et vertueuses."
Il s'intéresse rapidement aux algues, un produit naturel aux propriétés gustatives et nutritionnelles souvent sous-estimées. "La Bretagne compte 700 espèces d'algues, dont une trentaine autorisée à la consommation. Chacune a une saveur, une texture et une couleur uniques. Elles sont peu valorisées car elles ne font pas partie de notre patrimoine gastronomique."
Une méthode de conservation innovante
Traditionnellement, les algues sont commercialisées soit déshydratées, soit "fraîches" mais conservées dans le sel, ce qui présente des inconvénients majeurs pour les chefs. "Le sel, utilisé pour conserver les algues, nécessite de les rincer abondamment avant de les cuisiner, ce qui les altère, leur fait perdre des nutriments et modifie leur texture", explique l'algoculteur. C'est là qu'Omanori innove en proposant un principe révolutionnaire. Grâce à un partenariat passé avec une entreprise cancalaise spécialisée dans la culture d'algues, les algues fraîchement cueillies (comme la laitue de mer, la dulse et l'aonori) sont conservées dans des bassins, recréant leur milieu naturel. Elles vivent ainsi plusieurs semaines après la récolte. D'abord cueillies à la main lors des grandes marées sur l'estran, elles sont ensuite nettoyées et purifiées dans différents bassins.
"Ce procédé permet aux algues de conserver leurs propriétés gustatives et nutritionnelles intactes, comme si elles venaient d'être récoltées, même hors période de grandes marées." Grâce à cette innovation, Ewen Frin a rapidement séduit des restaurants prestigieux comme Maison Vermer à Saint-Malo (2 toques), Ombelle à Dinard (2 toques) ou encore Iodé à Vannes (3 toques).
En parallèle, Omanori a développé une gamme d'algues déshydratées, d'utilisation plus pratique, notamment dans les bouillons et sauces. Ewen Frin collabore également avec des artisans de bouche, comme la fromagerie Kerouzine à Vannes, avec laquelle il crée des fromages aux algues. Le jeune entrepreneur propose également des herbes marines, comme le fenouil sauvage et la criste marine, très appréciées des chefs.
Omanori s'inscrit dans une démarche à la fois gastronomique et environnementale. Les algues, naturellement vertueuses, n'ont besoin ni d'eau douce ni de pesticides pour se développer. De plus, leur culture contribue à la biodiversité marine, en servant d'abri pour de nombreuses espèces. "La culture des algues est bénéfique pour l'environnement, et c'est un produit d'avenir qui a toute sa place dans la cuisine de demain", conclut Ewen Frin.
3 questions à Quentin Durand, chef de la Maison Vermer
Chef du restaurant 2 toques Maison Vermer, Quentin Durand travaille avec les produits d'Ewen Frin.
Qu'est-ce qui vous a donné envie de travailler les algues Omanori ?
J'utilise les algues dans ma cuisine depuis longtemps. Quand nous nous sommes installés avec ma compagne, Sophie Rolin, nous cherchions un partenaire local. Ewen est venu se présenter et sa démarche collait parfaitement avec notre univers, très axé sur le végétal et le maritime, deux aspects réunis dans ce produit. Mais ce qui fait vraiment la différence, c'est le fait d'avoir des algues vivantes. Gustativement, ça change tout ! On sent toute la palette aromatique.
Quelles sont vos algues de prédilection en cuisine ?
J'aime beaucoup la dulse, qui a une très jolie couleur qui tire sur le violet, chose que l'on voit rarement dans une assiette. Je trouve que cette algue a une texture et un croquant intéressants. Je cuisine aussi régulièrement le kombu, une algue un peu gélatineuse qui peut apporter beaucoup de relief. J'ajoute aussi quelques touches de plantes du littoral comme le fenouil sauvage ou la criste marine.
Pouvez-vous nous parler d'un plat que vous avez créé autour de l'algue ?
Cet article est extrait du guide Bretagne 2025. Celui-ci est disponible en librairie et sur le e-shop Gault&Millau.Durant l'été 2024, nous avons beaucoup travaillé sur un plat autour de la tomate de Saint-Malo et des algues d'Ewen. Il s'agissait d'une extraction de tomate par les algues, qui nous permettait d'obtenir un bouillon très clair et légèrement iodé, servi avec une tomate semi-confite, un tartare d'algues fraîches, quelques plantes marines et un siphon glacé de stracciatella bretonne, déposé en dernière minute devant le client. Ewen Frin et le producteur de tomates ont apprécié de voir ce que l'on pouvait faire avec leurs produits.