Quand la mode passe à table

Au cœur d'une époque où le fast-food passe aux contenants en résine plastique et où les soirées se parent d'assiettes en noyau d'avocat ou en canne à sucre, les arts de la table connaissent un renouveau étonnant. Ironiquement, dans cette ère du jetable/recyclable, c'est la mode qui vient au secours de l'élégance à table. Des maisons telles que Louis Vuitton, Dior, Hermès, et autres géants du luxe, se jettent dans la bataille, brouillant allègrement les lignes entre la mode et la gastronomie.

Dans une société où la photo de notre plat prime sur son goût, la vaisselle éclipse soudainement son contenu. Sur les réseaux sociaux, les images de mets soigneusement arrangés rivalisent avec celles des derniers accessoires à la mode, révélant un monde où briller par ce qu'on mange devient aussi crucial que ce qu'on porte. Les marques de luxe, déjà maîtresses dans l'art de la séduction visuelle, s'engouffrent dans cette brèche. Après tout, pourquoi la porcelaine ne serait-elle pas le nouveau "it" accessoire ? L'incursion de ces icônes de la mode dans l'univers de l'art de la table n'est pas juste une question d'élargissement de marque. C'est une véritable ode à l'élégance quotidienne, une harmonie entre le beau et le fonctionnel. Ces maisons rappellent avec panache que la tradition et le luxe ont toujours leur place à la table, peut-être même plus que jamais.

Louis Vuitton : voyage culinaire des bagages aux banquets

Dans un élan audacieux de diversification, le célèbre malletier Louis Vuitton a récemment lancé "Monogram Flower Tile", sa première collection de vaisselle. Certains chanceux qui « trainaient » sur la croisette à Saint-Tropez, ont pu avoir un avant-goût de cette collection présentée, durant l'été, dans le cadre du restaurant éphémère White 1921. Fidèle à son héritage de luxe, Louis Vuitton a collaboré avec des artisans de Limoges, berceau de la porcelaine française, pour créer cette série. Cette union représente une fusion naturelle de deux mondes d'excellence artisanale française. La collection "Monogram Flower Tile" se compose de 18 pièces en porcelaine, alliant le monogramme iconique de la marque à des nuances aquarellées. Chaque élément, qu'il s'agisse d'assiettes, de plats de service, de tasses à café ou à thé, arbore ce bleu intense sur un fond blanc éclatant, incarnant le luxe distinctif de Louis Vuitton. Il s'agit d'un véritable hommage à l'art de la table, où la mode et la tradition se rencontrent pour créer une expérience culinaire raffinée.
► www.louisvuitton.com/fra-fr/art-de-vivre

Dior, quand l'art de la table prend une dimension artistique

Tour à tour, sous la direction de Maria Grazia Chiuri (directrice Artistique des collections femme de Christian Dior) et Cordelia de Castellane (directrice artistique pour la Maison), la Maison Dior dévoile des collections éphémères mêlant tradition et innovation, comme en témoigne la dernière collaboration avec l'artiste et sculpteur Jean-Michel Othoniel. Mais l’art de la table n’est pas une nouveauté chez l’illustre maison de l’avenue Montaigne. Dès 1947, les premières pièces ont fait leur apparition au rez-de-chaussée de la boutique de Paris. Depuis, les pièces raffinées, qui incarnent un luxe à la fois intime et spectaculaire, équipent les tables les plus chics. Assiettes à dessert imprimées de toile de Jouy ou de cannage, les iconiques de la marque, fragiles verres où semble flotter un brin de muguet, porte-bonheur de Christian Dior ou bols colonisés par de petites abeilles, sont aujourd’hui présents dans de nombreuses « house of Dior » autour du monde.
► www.dior.com/fr_fr/fashion/maison

Hermès, à cheval sur les principes

C'est en 1984 que naît le département Arts de la table, avec la première collection Pivoines, marquant l’engagement d’Hermès dans l'art culinaire. Au cœur de cette aventure, la maison française célèbre sa culture à travers des services de thé, assiettes, et couverts, tous réalisés à la main avec soin. Chaque création reflète des thèmes chers à Hermès comme le soleil, les courses hippiques ou la nature. Parmi les collections notables, "Hippomobile" de Gianpaolo Pagni, fusionne l'univers équestre avec le style de la bande dessinée, s'inspirant d'une gravure des archives d'Émile Hermès. Cette démarche illustre la capacité d'Hermès à mêler tradition et innovation, tout en restant fidèle à son héritage.
► www.hermes.com/fr/category/maison

Gucci

En 2013, Gucci a élégamment élargi son empire en dépensant 13 millions pour acquérir Richard Ginori, illustre entreprise italienne qui régnait sur le marché de la porcelaine depuis près de 300 ans. Sous la baguette magique d'Alessandro Michele, alors directeur artistique, la collection art de la table a pris un nouvel essor, s'alignant sur les créations textiles de Gucci. Pour Michele, ces pièces n'étaient rien de moins « qu'une nouvelle façon de s’habiller en Gucci ». Avec l'arrivée récente de Sabato de Sarno à la tête de la direction artistique, on croise les doigts pour que l'esprit baroque et légèrement surréaliste, rappelant un tea-time chez Alice au Pays des Merveilles, continue d'orner les tasses, assiettes et plats de service de la marque.
► www.gucci.com/fr/fr/ca/decor-lifestyle

Castelbajac, créateur le touche à tout

Jean-Charles de Castelbajac ne cesse de jongler entre l'art, la mode et le design avec une aisance colorée. Connues pour leurs teintes vives et leur touche de nostalgie enfantine, ses créations marquent l'esprit. Connu pour ses collaborations avec des maisons de mobilier comme Maison Dada ou Ligne Roset, il s'est aussi aventuré, dès 2007, dans les arts de la table avec Deshoulières et Bernardaud. Au début de l’année dernière, il change de crémerie et collabore avec Gien, une autre grande maison de faïencerie, révélant « L'Archipel Sentimental », une collection haute en couleurs. L’année 2024 lève le voile sur une nouvelle collab’ du très prolixe créateur :  une série de verres délicats et poétiques avec WawwLaTable. La marque créée par Péri Cochin et Arabelle Reille qui veut « dépoussiérer » les arts de la table a trouvé en Castelbajac un parfait complice.

• www.gien.com/fr/collections/decors
• www.fr/collections/jean-charles-de-castelbajac

Ann Demeulemeester et Serax, la reconversion d’une styliste

L'évolution d'Ann Demeulemeester, de figure emblématique de la mode à créatrice d'arts de la table, est aussi surprenante que ses collections. Après avoir fondé sa marque en 1985 et marqué le monde de la mode avec son approche unique, Demeulemeester a pris un virage inattendu en 2013. En collaborant avec Axel Van Den Bossche, le patron de Serax (une autre figure belge !), elle a infusé son minimalisme caractéristique dans une ligne de vaisselle et d'objets, produite en Chine avec un souci du détail. Après le coton et la dentelle, c’est la porcelaine, l’acier et le cristal (sans plomb) qu’elle façonne. Des couverts fins et sensuels, des assiettes jouant sur l’ombre et la lumière, des verres nervurés façonnés à la bouche… des dizaines d’objets, fruits du nouveau chapitre de sa carrière, qui prouvent que même les arts de la table peuvent être une toile pour l'expression artistique.
► www.serax.com/fr/pages/ann-demeulemeester