Brocante et cuisine : un duo gagnant pour une gastronomie plus durable
Dans un contexte où les restaurants tendent vers l'unicité et le sur-mesure, certains chefs et restaurateurs optent pour une approche plus durable et créative : la récupération et la seconde main.
Dans un monde où la personnalisation et le sur-mesure dominent les tendances gastronomiques, certains chefs et restaurateurs prennent une voie différente, celle de la récup' et de la seconde main. Plutôt que d'opter pour de la vaisselle neuve ou des décors taillés à leur image, ces professionnels de la cuisine choisissent de dénicher leurs pièces au gré des brocantes, des marchés aux puces ou encore des collections vintage. Cette démarche s'inscrit souvent dans une philosophie écoresponsable, créative et profondément ancrée dans la culture culinaire. À travers le témoignage de quatre chefs et restaurateurs, Gault&Millau explore les raisons derrière cette approche, et la façon dont elle enrichit leur identité culinaire et l’expérience de leurs clients.
Chiner par passion
Pour Alain Ducasse, dénicher des pièces uniques dans des brocantes, des marchés aux puces ou au fil de ses voyages est devenu un véritable art de vivre. Cette passion est née en 1995, au moment de l’acquisition puis de la rénovation de la Bastide de Moustiers. « Le projet était à l’origine d’en faire ma propre maison. J’ai donc porté un intérêt tout particulier à sa décoration. C’est à ce moment-là que j’ai commencé à courir les brocantes et antiquaires de toute la région », se souvient le chef, qui chine toujours de nouvelles trouvailles pour ses différentes manufactures.
« Elles comptent chacune cinq à dix pièces majeures, toujours chinées. Ce parti pris nous permet de donner le même style à toutes nos manufactures, mais en utilisant des éléments à chaque fois différents. Il y a un côté un peu chasse au trésor, très amusant », assure le chef.
Ce sentiment de satisfaction est partagé par Thomas Bonnel, cofondateur des restaurants Mieux et Super Huit à Paris. « Avec mes associés, on adore la brocante. C’est dans notre ADN depuis toujours. Dans notre premier restaurant, Mieux, on voulait quelque chose de très identitaire, aux allures d’auberge urbaine, avec de la vaisselle champêtre. On ne pouvait obtenir ce résultat qu’en sillonnant les dépôts de déstockage et les brocantes.»
Recycler et économiser
David Gallienne, chef du restaurant Le Jardin des Plumes (3 toques) à Giverny, est, lui aussi, un adepte des antiquaires et marchés aux puces pour dénicher de la vaisselle et de la décoration, notamment pour sa maison d’hôtes O Plum’Art. « Ça a toujours fait partie de mon éducation de recycler ou détourner les objets. Quand j’étais petit, par faute de moyens, on a toujours acheté d’occasion », admet-il.
Même discours du côté de Jean Covillault. Depuis sa participation à l’émission Top Chef, le jeune cuisinier a ouvert plusieurs restaurants éphémères, qui ne lui laissaient pas le temps d’amortir l’éventuel achat de vaisselle neuve. « Je préfère consacrer plus de temps à la recherche d’objets de seconde main que de payer plein pot », reconnaît-il. « Et puis cela fait partie de mes convictions personnelles de limiter ma consommation et de faire de la récup’. Je connais des brocantes et des lieux de déstockage. J’ai aussi des amis qui me prêtent de la vaisselle… Ma cuisine est simple, donc je n’ai pas besoin d’assiettes sur-mesure pour mettre en avant ce que je fais. »
Même chose pour la décoration de ses lieux éphémères, où Jean Covillault prend un malin plaisir à vouloir amuser sa clientèle : « Mes projets sont assez fun. Il faut que les gens rigolent… J’estime que si tout est lisse et épuré, le lieu a moins de personnalité. Dernièrement, j’ai trouvé une lampe en forme de canard magnifique ! Je l’ai ensuite gardée pour mon appartement », s’amuse-t-il.
De son côté, David Gallienne adore collectionner les malles anciennes et les coffres à jouets, qui le font directement retomber en enfance. « Je trouve ça joli et assez symbolique », souligne-t-il. Un sentiment que pourrait parfaitement comprendre Alain Ducasse, qui compte parmi ses pièces favorites une mallette de représentant en confiserie de 1932, contenant des dizaines d’échantillons de bonbons enfermés dans des tubes en verre !
Quant à Thomas Bonnel et ses collaborateurs, l’une de leurs plus belles trouvailles est un frigo Pictet tout simplement trouvé dans le sous-sol de leur restaurant Mieux. « Il s’agit d’un vieux frigidaire en bois utilisé autrefois chez les bouchers pour pendre des pièces de viande. Nous avons ouvert une cave juste à côté du restaurant, qui était une boucherie il y a plus de 100 ans. On s’est dit qu’avant, les deux établissements ne devaient former qu’un. On l’a complètement retapé pour en faire une chambre noire de fermentation », se réjouit-il.
Mélanger le neuf et l’ancien
Si tous ces chefs et restaurateurs aiment dénicher de la vaisselle ancienne et donner une seconde vie à de vieux meubles, aucun ne boude son plaisir d’acquérir un objet neuf. « Nous sollicitons beaucoup d’artisans d’art pour nos restaurants. L’exemple le plus récent est celui de Jean-Guillaume Mathiaut, à qui nous avons demandé de faire ses meubles-paysages pour notre restaurant de la Maison Baccarat, dans le 16ᵉ arrondissement, à Paris, qui a ouvert mi-septembre », explique Alain Ducasse. « J’aime allier l’ancien et le moderne ! », conclut David Gallienne. « Cela apporte du caractère et un intérieur qu’on ne trouvera pas ailleurs. Pour cela, nous commandons certaines pièces à des artistes qui nous font du sur-mesure »... Jusqu’à ce qu’elles soient à nouveau utilisées ailleurs, pour une autre aventure…
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