Une «folie» dans les vignes
Adresse légendaire aux portes de Saint-Émilion depuis trente ans, le Château-Hôtel Grand Barrail vient de rouvrir ses portes après avoir fait peau neuve sous la houlette de l’architecte Jean-Philippe Nuel. Gault&Millau est allé à sa découverte.
Dressée au milieu des vignes de Saint-Émilion, cette «folie» du siècle dernier était une belle endormie qui avait besoin d’un sérieux coup de fouet. Car il est loin le temps où elle attirait tous les regards grâce à un jeune trublion des fourneaux – Philippe Etchebest y occupa son premier poste de chef de cuisine en 1995 et y resta cinq ans. La famille Guillard, propriétaire depuis 2019, vient d’en réveiller les murs avec le concours de l’architecte Jean-Philippe Nuel. Sept mois de travaux auront été nécessaires pour redonner lustre et identité au Château-Hôtel Grand Barrail et lui rendre tout son panache.
Depuis l’extérieur, rien n’a changé – à l’exception d’une discrète marquise. L’étonnante façade de la bâtisse, où pas une seule fenêtre n’est identique, est toujours cachée par une bien malheureuse extension imaginée par d’anciens propriétaires. C’est d’ailleurs par ce bâtiment que l’on entre dans «l’antichambre» du château. La réception, désormais baignée de lumière naturelle, a davantage des airs de salon que de lobby. Bacchus semble être passé par là : de (fausses) taches de vin couvrent le plafond. Où est-il donc ? Sans doute dans le château, quelques marches plus loin, au bout de ce passage couvert rhabillé en «jardin d’hiver»…
Jean-Philippe Nuel a suivi ici une inspiration orientale. Sa palette chromatique répond à celle de la salle Mauresque, petit bijou exotique à la mode d’autrefois, où l’on sert aujourd’hui le petit déjeuner. Cette curiosité donne lieu à plusieurs avis. Certains évoquent le caprice de René Bouchart, industriel malteur et brasseur qui fit construire ce château en 1902. D’autres, celui de son architecte, Louis-Marie Cordonnier, qui dessina l’Opéra de Lille. Peu importe aujourd’hui. La maison, au départ un cadeau pour une femme, a gardé les vibrations de l’amour mais a perdu les vignobles qui l’entouraient. Il n’en reste pas moins une âme singulière. Le matin, les rayons du soleil traversent les vitraux d’origine, totalement rénovés, en dansant comme des carillons de bonbons acidulés. Il y a de la féérie dans l’air.
Le soir, l’ambiance se fait plus feutrée, avec la table gastronomique du chef Quentin Merlet. La seconde salle de restaurant, blanc et lie de vin, embrasse la vue sur le parc joliment dessiné avec son étang, les anciens vitraux ayant été retirés. Une élégance simple et moderne qui tranche avec les étages. Car les 9 chambres et suites du château invitent à des rêves de prince et princesse : tentures, lits à baldaquins, moquette épaisse, meubles d’époque… Une façon de marquer la différence avec les 37 autres chambres et suites des extensions modernes. Là, un jaune doux moutarde, ici un bleu profond ou encore un vert pistache aux murs continuent de donner le ton. Le baldaquin est moderne et le papier peint est encadré.
Le Grand Barrail a pris un sacré coup de jeune, jusqu’au spa, signé Sothys, où Jean-Philippe Nuel a su nouer avec brio un dialogue entre le patrimoine et le contemporain. C’est un habitué du genre – on lui doit les transformations en hôtels de la piscine Molitor à Paris et de l’Hôtel-Dieu de Lyon. Et c’est aussi un familier de la famille Guillard (CHG Participations), qui fit appel à son coup de crayon pour l’Hôtel Le Cinq Codet à Paris et pour le chai du Château Fonroque. Un chai qui n’est d’ailleurs qu’à quelques coups de pédales de là, à vélo électrique et à travers les vignes. Une jolie échappée pour un prétexte à une dégustation de vins…
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Trois questions au chef Quentin Merlet du restaurant du Château-Hôtel Grand Barrail
Gault&Millau : Comment définissez-vous votre cuisine ?
Quentin Merlet : C’est une cuisine authentique, simple et gourmande qui vise à faire plaisir, pour un moment de convivialité et de générosité. J’aime par exemple travailler avec des sarments de vigne pour fumer le poisson, la viande ou les légumes, comme en famille. J’ai grandi avec ce goût, qui entre toujours dans au moins une de mes recettes.
G&M : Quelle est votre ambition ?
Q. M. : Continuer à progresser. Nous sommes partis de rien au Grand Barrail. L’important est donc de poursuivre notre montée tout en prenant notre temps. Je tente aussi de rendre le restaurant accessible à toutes les bourses avec une offre bistronomique à midi et une autre gastronomique le soir. J’aime bien titiller le goût des locaux dont certains sont devenus des habitués. Mon plus grand rêve serait d’avoir un potager sur place. Peut-être l’an prochain ?
G&M : Outre la cuisine, vous avez une autre passion, le rugby…
Q. M. : Oui, et cela m’aide beaucoup dans le management. Le rugby, c’est une philosophie, une école de la vie. On apprend à travailler ensemble et sans distinction. On est tous pareils sur le terrain ou en cuisine. On sera d’ailleurs bientôt 15, comme dans une équipe de rugby. Moi, je suis un peu le capitaine. Ma femme m’aide aussi, c’est ma seconde sous-cheffe. Je n’ai plus le temps de jouer comme avant, mais cela m’arrive encore parfois. Cela détend de plaquer au sol !
Route de Libourne D243, 33330 Saint-Émilion.
Tél. : 05 57 55 37 00.
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