Plat et whisky, quels sont les accords possibles ?
Mettre un verre de whisky sur la table en dehors de l’apéritif ou du digestif, est-ce imaginable ? Si très peu de chefs osent chez eux l’accord mets et spiritueux, certains relèvent le défi dans le cadre de lancements de nouveaux produits.
Particulièrement quand il s’agit d’éditions rares et limitées, les marques de whiskies n’hésitent pas à faire appel à des chefs pour mettre en valeur leurs créations. Récemment, c’est Thomas Graham (le Mermoz) et Kei Kobayashi (restaurant Kei) qui se sont prêtés à l’exercice, l’un pour Mortlach, l’autre pour une édition limitée de Johnnie Walker Blue Label. L’occasion de nous pencher sur les accords possibles entre gastronomie et whiskies, et sur la réalité d’une telle proposition au restaurant.
À deux pas de la Place Vendôme, dans une ambiance feutrée de bar nocturne, contrastant avec l’ardeur du soleil d’un après-midi de septembre, des invités triés sur le volet s’apprêtent à vivre une expérience immersive et gastronomique, imaginée par un chef parisien de haut vol, Kei Kobayashi (4 toques Gault & Millau). Il s’agit pour Diageo, (géant britannique des spiritueux) de présenter en première mondiale une nouvelle création, le Blue Label Elusive Umami. Un exercice d’équilibriste, autour de ce 5ᵉ gout, un peu mystérieux, difficile à qualifier qui sert de fil conducteur à cet assemblage et à une dégustation de plats conçus par le chef en accord avec ce whisky d’exception.
Le whisky à table, un pari gagnant
Durant cette présentation, aux côtés du chef et d’Emma Walker, première femme "master blender " de la maison, Nicolas Julhès, fin connaisseur des spiritueux et créateur de La Distillerie de Paris jouait le rôle de guide de dégustation. Le whisky à table, il y croit.
"À chaque fois que je bosse avec des chefs et qu'il propose un tel accord dans leur resto, dans le cadre d’un partenariat avec une marque, ça cartonne. Mais à la fin de l'opération, ils arrêtent parce qu'en fait, ça ne fait pas partie de leur culture, ni même de la culture de la sommellerie". Mais c’est aussi du côté du monde des spiritueux, que manque la culture gastronomique, souvent réduite aux évènements médiatiques et partenariats.
"Suggérer des accords gastronomiques, n’est pas habituel dans le monde du whisky" admet Emma Walker,"Mais nous commençons à nous approprier cet espace. Il y a plus de conscience des accords possibles entre whisky et cuisine. Nous sommes en train d’apprendre. C’est aussi, pour nous, une façon de montrer que le whisky peut vivre selon différents scénarios. Pas uniquement en fin de soirée. Par exemple, j’adore boire un high ball (whisky allongé d’eau pétillante) avec un curry, cela fonctionne parce que c’est à la fois complexe et rafraîchissant. Persuader les gens d’essayer un "Scotch highball" avec un curry, j’en fais une bataille personnelle ! ". Pour les chefs Kei Kobayashi et Thomas Graham, concevoir des plats en accords avec des whiskies est un défi qui requiert quelques règles.
© Leo Kharfan / Johnny WalkerAvec quel plat accordé du whisky ?
"Le whisky, c’est fort et pour un chef, c'est compliqué", concède le chef Thomas Graham, qui a su trouver pour la maison Mortlach, lors d’un dîner en petit comité, de justes accords : des tagliatelles de seiche crue nappées d’une crème au chorizo, le gras nécessaire pour accueillir en douceur le Mortlach 12 ans, et un tataki de thon rouge Ikejimé au poivre vert, accompagné d’un moussetage de petits pois (à mi-chemin entre un potage et une mousse) à la livèche pour le 16 ans. "Le fil liant ce plat au whisky est la livèche" précise-t-il. Une plante herbacée dont le principal composé aromatique est le sotolon, également présent dans le sirop d’érable et… le curry. Tiens, on y revient !
Pour le dessert, il a imaginé un "panini press" mille-feuille au chocolat noir, dans lequel il a inséré de morceaux de coing fermenté comme de l’ail noir, l’oubliant dans sa cuisine quelques années. "Le gout du temps qui passe". La formule est de Nicolas Julhès et elle résume bien les accords qui fonctionnent, souvent basés sur le vieillissement, l’affinage, la torréfaction… le plus souvent des techniques de conservation.
"Pour ce menu autour de l’umami, j’ai tout de suite pensé à quelque chose de fumée, et aux modes de cuisson.", précise le chef japonais, "Quelque chose de poêlé, grillé ou frit. On pourrait faire une cuisson vapeur, mais avec impérativement quelque chose de fumé à l’intérieur. Sinon le côté épicé fonctionne très bien aussi." Pour preuve, ces quelques accords très réussis comme un homard fumé au foin, un pigeon laqué au miso et un savoureux curry japonais que complémente, sans les dominer, l’élégant Élusive Umami, ni trop doux, ni trop exubérant. "Le whisky aime l'umami, mix de certains types d'acides et de protéines, parce que c'est un exhausteur d'arômes", poursuit Nicolas Julhès. "Ce qui est génial, dans cette culture du spiritueux, c’est qu’avec un tout petit centilitre d’une bouteille comme l'Élusive Umami ou - encore plus rare - le Mortlach 30 ans (300 bouteilles dans le monde), on peut offrir aux gens un moment exceptionnel, - ce qui est impossible à faire avec une Romanée Conti -, et grâce à cet accord cristalliser un souvenir".
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