Au cœur de My Fermentation, le laboratoire-café d’Hugo Chaise
Le café My Fermentation, rue Saint-Bon à Paris, ne ressemble à aucun autre. Ici, Hugo Chaise met la fermentation au cœur de chaque plat et boisson pour faire découvrir au grand public ses créations.
Au 3 rue Saint-Bon à Paris, tout près de Rivoli, une douce odeur de céréales chaudes se glisse sur le trottoir. Derrière une façade presque timide, My Fermentation ne ressemble à rien de connu. Ni véritable coffee shop, ni restaurant, ni laboratoire… et pourtant un peu tout à la fois. À l’intérieur, quelques tables, un comptoir brut, et des rangées de bocaux aux teintes ambrées. Le décor est minimaliste, presque monacal, mais l’air vibre : ici, tout fermente.
Hugo Chaise, silhouette calme et regard concentré, apparaît derrière le comptoir. Il soulève le couvercle d’un pot comme d’autres ouvrent un coffre à bijoux. « La fermentation, c’est vivant », dit-il, sourire discret. Vivant, et surtout central : dans ce micro-lieu ouvert au printemps 2025, le miso n’est pas un condiment d’appoint. C’est le cœur, la signature, l’obsession assumée.
Un café pensé comme un laboratoire ouvert
La carte le confirme. Le barista Maximiliano a mis au point une série de “buvages” qui réconcilient café et fermentation : latte au miso, chai miso latte presque caramel, café filtre enrichi d’une pointe d’umami, ou l’envoûtant Ice Amazake Latte, réalisé à base de riz fermenté. Un goût neuf, précis, rond.
Côté assiettes, Hugo parle de « mangeages », avec cette humilité des cuisiniers qui ne cherchent pas à briller mais à nourrir juste. Omelette palace ultra-moelleuse, grilled kim-chesse au kimchi maison, brownie mochi collant comme un bonbon japonais, cheesecake nappé de sauce tamari : une cuisine rapide, mais pas simpliste. Un travail de précision, où le miso joue le rôle d’exhausteur naturel.

© Clémence Sahuc
Le miso, langage d’un chef voyageur
Si My Fermentation semble maîtrisé, c’est que son fondateur a roulé sa bosse. « J’ai toujours voulu faire de la gastronomie », glisse-t-il. Quelques noms surgissent dans son parcours : Christophe Bacquié, Joël Robuchon ou encore Christian Le Squer. Puis l’Australie - ses premiers pas dans la fermentation -, le Japon - « la découverte du bon miso, de la bonne sauce soja » -, et surtout le Noma au Danemark, où un stage dédié au sujet devient un tournant : « C’était la révélation. »
Ce parcours, les chefs l’ont senti avant le public. Anne-Sophie Pic (Pic, 4 toques à Valence), Romain Meder (Prévelle, 4 toques à Paris), Guillaume Sanchez (NE/SO, 2 toques à Paris) ou encore Omar Dhiab (2 toques à Paris) utilisent ses misos. Certains - comme celui de pain de seigle, créé à partir d’invendus de la maison Poilâne - sont réservés aux cuisines professionnelles tant la demande est importante. Le miso de lupin, lui, cartonne auprès des habitués de la boutique.

© Clémence Sahuc
Un lieu minuscule, une vision immense
Avant d’obtenir pignon sur rue, Hugo travaillait dans l’arrière-boutique de Poilâne. « Les clients devaient traverser toute la boulangerie pour me trouver. Ça m’a fait connaître mais ce n’était pas idéal », sourit-il. My Fermentation est donc aussi une libération : la possibilité de montrer, d’expliquer, de transmettre. Le lieu accueille désormais des ateliers pour apprendre à fabriquer son miso ou le cuisiner.
Dans cette enclave brute au cœur de Paris, chaque détail raconte une idée simple : faire entrer la fermentation dans le quotidien. Dédramatiser les bactéries, apprivoiser le koji, montrer qu’un latte au miso peut être aussi naturel qu’un cappuccino.
My Fermentation n’est pas un temple, ni un laboratoire secret. C’est un café où l’on prend le temps de sentir. Un endroit de douceur, presque intime, où l’on comprend que le goût n’est pas une affaire de puissance, mais de lenteur. Et que parfois, un bocal de miso peut en dire bien plus qu’un long discours.