CuisineCuisine d'auteur | Français | Gastronomique
PrixBudget à titre indicatif par personne (hors boissons)
445 € à 480 €
L'avis de Gault&Millau
19/20
Table d'Exception
C'est quoi un palace cool ? Cela ressemble fort à un oxymore. Qui dit palace dit personnel engoncé, sans cesse aux petits soins, intervenant dès que vous soulevez une fesse, cérémonie à table et récitation d'usage, avis doctes et péremptoires du sommelier, sourires crispés et on en passe... Bref, l'ennui et la tension. Pourtant, en trois ans de Cheval Blanc au sommet de la hiérarchie gastronomique, Plénitude commence doucement à se démarquer des oukases pour parvenir à une atmosphère respirable. Tous les codes sont respectés, certes, pour un des plus beaux services de Paris, mais il y a de la vie et de l'envie de partage dans cette belle salle en rotonde. Il y a l'aisance d'Alexandre qui dirige la salle, la bienveillante attention du chef sommelier Emmanuel Cadieu, le naturel épatant d'un jeune personnel, comme Emma ou Marion entre autres, qui semblent tous réellement participer à votre plaisir de table. Tout cela n'existerait pas si le capitaine de cette croisière enchantée n'était pas Arnaud Donckele. Qui communique à ses équipes, Clément son chef et toute la brigade en tête, de l'émotion et même de l'amour que chacun doit ressentir et partager. C'est aussi cela, la haute cuisine d'Arnaud, un message vibrant pour la chaîne humaine qui conduit à l'assiette, la grande famille des producteurs, vignerons, céramistes, éleveurs, pêcheurs, commis, chefs de partie, chefs de rang qui offrent, par leurs efforts conjugués, une soirée de fête unique. Tout transparaît dans l'assiette, cette précision horlogère, ces sauces magnifiques qui s'inventent et se réinventent à chaque plat, cette harmonie des goûts, le tout lié par le zeste d'humanité et d'offrande du grand chef normand. Le lapin malin court dans les champs, trouve quelques girolles et les très fins haricots verts du jardin avec la vinaigrette "persifleuse", fruit d'un énorme travail avec le lard fumé, la livèche, l'oseille, la cive au vinaigre de fleurs, le romarin sur un consommé de lapin ; la morille des pins fait merveille sur la sole et le cresson avec ce fumet "fontaine boisée", jus d'haliotis, baie de maceron, essence de morilles et autres secrets, et le colvert céleri passion sonne les premières chasses, avec un salmis "gabion", infusion sarriette et tagète, réduction passion, gin, vinaigre "confidentiel", huile d'olive de genévrier, liaison au sang, poivre voatsipériféry.... Tout est si subtilement dosé, millimétré que l'on devine une machinerie clinique et des répétitions innombrables pour parvenir à cette perfection qui reste humaine. Maxime Frédéric, le chef pâtissier, intervient pour la bonne bouche finale, aux desserts aériens, savoureux, enjôleurs. Lui aussi a l'œil pétillant en présentant ses assiettes, ajoutant de la gourmandise à un tableau tout en séduction, comme la Normandie affective qui rappelle aussi sa région mère, délicieuse concentration de pomme avec son "baume du verger", essence de coing, cannelle et râpé de pomme fraîche. Cave précise et pointue qui permet à des amateurs éclairés de s'offrir une "grosse quille", mais aussi à ceux qui veulent découvrir, avec les conseils d'Emmanuel, des horizons proches et lointains avec des bouteilles à partir de 55 €.
