Marion Graux : la potière qui façonne les émotions des grandes tables
Christine Robalo | 23/11/2024 08:56
Marion Graux transforme la terre en poésie, créant une vaisselle qui enchante les tables des particuliers et des plus grands chefs français. Entretien
Après une carrière dans la mode et le stylisme déco, Marion Graux s'est tournée vers la poterie, créant des pièces uniques qui subliment les tables des restaurants de la capitale et de Bretagne, collaborant avec des marques de produits « alimentaires » comme À la mère de Famille ou de déco comme Enamoura. Installée aujourd'hui à Port-Louis, dans le Morbihan, elle nous raconte son parcours, sa passion pour la terre et son approche artistique qui allie tradition et modernité.
Il y a 14 ans, vous avez décidé de changer de voie professionnelle. Était-ce une reconversion ou une évolution naturelle pour vous ?
Ce n'était pas vraiment une reconversion, mais plutôt la suite logique d'un cheminement. J'ai décidé de choisir la vie que je voulais mener, être créatif sans rester assis derrière un bureau toute la journée. J’ai commencé la céramique il y a 13 ans par un CAP tournage. J’avais envie de fabriquer de la vaisselle. En 2010, je suis donc devenue potière, un terme que je préfère à celui de céramiste, une nuance qui compte à mes yeux !
Je me suis formée auprès de potiers de village, je tenais à cette approche "paysanne" du métier. Chez Augusto Tozzola, je tournais sept heures par jour sans cuire une seule pièce… ça apprend l'humilité ! Dauphine Scalbert, elle, m'a enseigné les secrets des émaux et la rigueur de l'atelier. Ces deux mentors ont ancré en moi des valeurs profondes qui me guident encore aujourd'hui.
Qu'est-ce qui caractérise vos créations et votre philosophie artistique ?
Ma passion pour la poterie, mon respect du matériau et mon approche font de mes créations bien plus que de simples objets. Chaque forme est mûrement réfléchie et la couleur est travaillée comme une matière. Mes créations livrent une philosophie de vie tournée vers la sincérité et le partage.
Vos pièces ont rapidement séduit les grands noms de la gastronomie. Comment expliquez-vous cet engouement ?
Je fais partie de cette nouvelle génération d'artisans qui se servent des réseaux pour faire découvrir leur travail au plus grand nombre. Très vite, j'ai eu la chance que les clients viennent à moi. Des architectes, mais aussi des chefs comme Hélène Darroze, qui m’est restée fidèle pour toutes ses adresses gastronomiques, Guy Martin avec qui j’ai travaillé quand il occupait les cuisines du Grand Véfour, Nicolas Conraux de La Table de la Butte dans le Finistère ou Greg Marchand du Frenchie. Être choisi par un chef est un cadeau. Ils savent ce qu'ils viennent chercher chez moi, et nous travaillons dans une entente mutuelle.
D’où vient votre attachement aux arts de la table ?
Ma mère disait : "Ce soir, on fait une belle table". Cela signifiait que c'était la fête ! Choisir les assiettes, disposer les couverts en argent chinés, cueillir des fleurs du jardin... C'était tout un rituel pour ma sœur et moi, qui rendait ces moments uniques. Pour moi, une belle vaisselle s'accompagne d'une table soignée. Quand tout est beau, on ne peut que bien manger !
La couleur occupe une place importante dans vos œuvres, notamment le rose. Pourquoi cette prédilection ?
Je crois que je mettrai une vie à trouver le rose juste, celui de la peau qui rougit au soleil, celui de mes enfants, la teinte de la chair... J'aime aussi toutes les couleurs qui rappellent la nature, avec une minéralité, le vert, le gris, la terre. Pour manger dedans, il faut que la couleur puisse être trouvée dans la vraie vie. La couleur est essentielle pour créer une connexion émotionnelle avec l'objet.
Votre collaboration avec la Manufacture de Digoin a marqué un tournant dans votre carrière
Travailler avec la célèbre Manufacture de Digoin m'a permis de rendre mes pièces accessibles au plus grand nombre sans renier mon identité. Là-bas, j’ai fait fabriquer cinq moules, trois assiettes et deux bols. Avec eux, je n'ai pas eu l'impression de vendre mon âme au diable. Ils respectent mon cahier des charges, avec un procédé de fabrication adapté pour être au plus près de mon travail à l'atelier. Ici, comme sur mon tour, la main de l'homme intervient à chaque étape. L'émaillage, par exemple, se fait à la main et non en cabine comme pour les autres pièces de la marque bourguignonne. Deux procédés de fabrication différents que les clients recherchent chez moi.
Vous avez récemment déménagé à Port-Louis, dans le Morbihan. Qu'est-ce que ce changement vous apporte ?
Après plusieurs années passées entre l'Oise et la capitale, j'ai embarqué mari et enfants pour établir notre nouvelle vie en Bretagne. Loin de l'agitation parisienne et proche de la mer, j’ai trouvé ici une nouvelle source d'inspiration. Dès janvier, dans mon atelier breton, je continuerai de façonner assiettes, bols et autres objets usuels. Si mes pièces peuvent apporter de la beauté et de la sincérité dans le quotidien des gens, alors j'ai atteint mon objectif. Je me vois bien encore fabriquer des assiettes à 90 ans.
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