Les légumes sur mesure de Benoît Deloffre
Benoît Deloffre aime les légumes comme il aime la vie. À moins que cela soit l’inverse. Il en parle avec une sincérité touchante, une vraie franchise, sans forfanterie ni excès de superlatifs, au plus près du terroir et de ses racines champenoises, à Romain, dans la campagne rémoise.
Ses cheveux argentés, son regard vif comme l’eau claire et son sourire souvent mutin accompagnent ses gestes et ses mots. Benoît Deloffre a tout appris de son père, maraîcher comme lui : les bases du métier, l’art d’observer la terre, la comprendre, la travailler… Avec ce supplément d’audace qui le projette sans arrêt dans de nouveaux projets, aujourd’hui à Romain, demain à Reims dans une ferme urbaine, après-demain en Thaïlande, où il participe à l’installation d’une ferme maraîchère photovoltaïque. Du lointain, il rapporte des légumes exotiques qu’il met en culture dans sa Champagne natale. Audrey, son épouse, est la compagne de toutes les aventures. Elle déniche les graines des variétés qui sauront attiser la curiosité des chefs.
Benoît raconte les légumes avec un mélange de sensualité – comme lorsqu’il frotte avec délicatesse une carotte juste arrachée de la terre – et de rigueur scientifique presque mathématique. Chez lui, le bon légume est une juste équation avec la nature. L’intuition, les erreurs et le hasard font souvent bien (ou mal) les choses. Presque hilare, il évoque ainsi une attaque de mildiou sur les pommes de terre : « J’ai dit à mon père, “on va les tondre ! Comme le champignon n’attaque que les feuilles, on devrait s’en sortir”. Il a cru que j’étais tombé sur la tête. » Bien vu, le mildiou a pris la poudre d’escampette. Mais quand les Deloffre ont arraché les pommes de terre, les tubercules avaient la taille de l’ongle d’un pouce… De minuscules légumes qu’Emmanuel Renaut, le chef des Flocons de Sel, en Haute-Savoie, a adorés. Depuis, Benoît lui cultive des pommes de terre lilliputiennes. De la carotte toupie au haricot vert de 5 centimètres de long, le maraîcher propose des légumes sur mesure pour l’élite de la gastronomie française. "Je les vois comme de grands couturiers", lance-t-il avec admiration. Avant de préciser : "À condition que l’assiette finale ne soit pas déconnectée du produit qui est à son origine." Une manière de mettre en valeur les relations entre chefs et maraîchers.
- 18, rue de la Grimonne, 51140 Romain
- Tél : 03 26 48 06 71
Arnaud Lallement, chef de l’Assiette Champenoise, près de Reims
Comment avez-vous rencontré ce couple de maraîchers ?
Arnaud Lallement : À Reims, sous les halles du Boulingrin, Audrey et Benoît y vendaient leurs légumes et je les ai connus en faisant mon marché. J’ai d’emblée été séduit par la beauté de leurs produits. Et leur histoire de famille me renvoyait à la mienne, cette idée de la transmission de père en fils, et cette ambiance particulière, faite de proximité et de professionnalisme. Avec le temps, une relation d’amitié et de confiance s’est établie. On peut dire que nous travaillons ensemble, avec une qualité d’échange : je lui suggère des idées et, en retour, il me fait part de ses idées. L’idée du potager attenant au restaurant est née de nos conversations. Benoît nous aide pour le cultiver, et nos clients, en se promenant, peuvent découvrir quelques-uns des légumes qu’ils ont dégustés ou qu’ils s’apprêtent à manger au restaurant.
Quelle est la place du légume dans votre cuisine ?
A. L. : Elle est centrale. Je peux construire tout un plat à partir d’un légume de Benoît, parce qu’il est capable de nous fournir la carotte ou le haricot dont on a rêvé pour sa texture, son parfum et son goût. C’est une chance précieuse. Pour moi, le légume est aussi important que la viande et le poisson. Un plat n’est abouti que lorsque l’équilibre entre le végétal et les protéines est atteint, la sauce (parfois à base de légume) venant parfaire l’ensemble. Il arrive que le légume se suffise à lui-même et le plat est alors entièrement végétal.
Le légume est-il plus important que lorsque vous avez commencé à cuisiner ?
A. L. : Je répondrai oui et non. Il a toujours eu une place importante dans ma cuisine, mais le légume a beaucoup changé grâce à des maraîchers comme Benoît. Le nombre de variétés a explosé et la palette végétale de couleurs, de parfums, de texture et de goûts que nous avons à notre disposition est sans commune mesure avec le passé.
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