Le Succès Berckois, un trésor sucré
Sur la Côte d’Opale, une virée à Berck-sur-Mer a un savoureux goût d’enfance. On n’y vient pas seulement pour les Rencontres internationales de cerfs-volants. On s’offre aussi une parenthèse enchantée dans la boutique du Succès Berckois, une confiserie qui alimente, telle une madeleine de Proust, les souvenirs parfumés d’un week-end passé au bord de la mer du Nord.
Au retour de la plage de Berck, on prend le temps de se perdre dans une caverne d’Ali Baba du centre-ville qui sent bon la bergamote, la banane, la réglisse ou encore la cerise. Celle de Jean-Yves Matifas, à la différence près que le propriétaire n’a certainement pas volé son succès. Il est la sentinelle d’un savoir-faire qui se perpétue depuis 1922. À l’instar de ses aïeules d’origine basque, qui ont d’abord intitulé leurs sucreries « bonbons des Pyrénées », le confiseur réalise toutes les étapes de fabrication des berlingots à la main, jusqu’à la découpe aux ciseaux. Ici, pas de machine, ni pour travailler le sucre, ni pour former les fameux succès. « Si nous avions mécanisé le travail, nous ne pourrions pas utiliser de fruits frais ni des morceaux de biscuits », déclare Jean-Yves Matifas, fier d’entretenir des méthodes datant du XIXᵉ siècle. Destiné à une carrière de marinier, il décide il y a quarante ans d’en devenir le gardien séculaire lorsqu’il prend goût au travail manuel aux côtés de sa mère. Micheline Matifas lui enseigne tous les secrets du sucre cuit.
Dans ce qui est le plus ancien magasin de Berck-sur-Mer, les berlingots se sucent, mais surtout se croquent, comme cet étonnant « graine de folie », à base de graines de courge, de lin, de sésame, de tournesol et de millet. « C'est la baguette aux céréales de notre boulanger du coin qui m’a inspiré. Quand vous croquez dedans, vous éclatez la graine et vous délivrez toutes les saveurs », raconte ce représentant de la quatrième génération à la tête du Succès Berckois. Une expérience gourmande qui n’est garantie que par l’absence de glucose. « Avec ce dérivé du maïs, le bonbon est dur. Vous ne pouvez pas le croquer, contrairement au mien, qui s’effrite sous les molaires. »
Dans la recette : de l’eau, du sucre cristal fabriqué dans le Nord, et du « perlimpinpin magique ». Jean-Yves Matifas tient à taire ce petit truc en plus qu’il utilise pour concocter les 38 parfums de ses bonbons, se distinguant des autres berlingots français par leur forme en coussin et l’absence de lignes, comme à Carpentras. Le best-seller, c’est la recette historique, celle à l’anis. La plus originale est audacieuse : elle est aux algues. L’artisan imagine certains de ses succès comme des ingrédients qui, sans complexe, ont droit d’entrée en cuisine. Il conseille ainsi de concasser son berlingot confectionné avec du nori et du wakamé et de déposer quelques brisures sur une huître. « J’essaie de créer un nouveau parfum par an, que je dévoile bien souvent à l’occasion des Rencontres internationales de cerfs-volants. »
Au total, Le Succès Berckois produit chaque année entre 3 et 4 tonnes de berlingots par an, dont une grande partie sous les yeux de petits et de grands enfants ébahis par la dextérité du maître d’œuvre, qui n’utilise même pas de thermomètre au moment de la cuisson du sucre. « Je fais confiance à mon oreille, à mon œil et à la forme des bulles », confie-t-il. Même s’il doit aussi travailler la nuit pour alimenter sa boutique de 90 m 2, le confiseur tient particulièrement à cette fabrication en direct. « Nous ne voulons rien cacher ! » lance l’artisan, considérant avoir le devoir de « sauvegarder le patrimoine culinaire français ».
Une bière au goût de berlingo
Jamais à court d’idées, Jean-Yves Matifas propose dans sa boutique une gamme de brassins aromatisés à l’aide de ses confiseries fétiches. Il s’est associé à la Micro-Brasserie des 2 Forts, située entre Calais et Dunkerque. Pomme tatin flambée au calvados ou framboise-cassis pour la blonde, pain d’épices flambé au whisky pour l’ambrée, melon pour la blanche… Des blocs de berlingots sont ajoutés au moment du brassage avant que le breuvage ne subisse une période de vieillissement d’un mois.
▶ Cet article est extrait du guide Hauts-de-France 2025. Vous pouvez le retrouver en librairie ou sur notre boutique en ligne.Ces actualités pourraient vous intéresser
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