Le chanvre de la maison Trévero
Dans sa Ferme de Trévero, Régis Durand cultive avec son associé, Benjamin Frézel, le chanvre, une petite graine pleine de vertus, aussi bonne pour les hommes que pour la terre, trop peu exploitée en cuisine. Rencontre avec ce défenseur de l’agriculture paysanne.
Blé, seigle, petit épeautre, millet, sarrasin, colza… la liste des cultures de la Ferme de Trévero, à Sérent (Morbihan), est d’autant plus longue qu’aux côtés de ces semences, Régis Durand a fait le pari du chanvre. « Sur 75 hectares de terre, 7 sont consacrés à sa culture », précise celui qui ne manque pas de vanter les nombreuses qualités de cette plante, notamment ses vertus « antipolluantes naturelles ». « Il n’est pas nécessaire d’utiliser de pesticides, car elle n’est victime d’aucun nuisible ni d’aucune maladie connue. Sa haute taille – jusqu’à 4 mètres – empêche les mauvaises herbes de pousser à son pied, car elles sont privées de lumière. » Le chanvre est également peu gourmand en eau et résiste aux variations de température. « Un hectare de culture capte autant de CO2 qu’un hectare de forêt », assure l’agriculteur.
Le choix du chanvre fait sens dans la carrière de Régis Durand qui, avant de lancer la Ferme de Trévero, avait une tout autre activité. « J’étais ingénieur en traitement de l’eau. Un jour, je me suis dit que j’en avais assez de dépolluer l’eau contaminée par l’élevage intensif. » En 2013, il lâche tout pour entamer une reconversion, lente mais durable. Formations et stages s’enchaînent jusqu’à sa rencontre déterminante avec Benjamin Frézel. « Nous nous sommes connus en travaillant dans une ferme laitière du pays de Rennes. En discutant, nous avons découvert des aspirations communes et avons décidé de nous lancer ensemble. » Après plusieurs années de montage de projet et de recherche de lieu, ils s’installent finalement à Sérent, entre la rivière Claie et les landes de Pinieux. L’affaire a officiellement débuté en 2019.
Une fois le décor planté, Régis Durand et Benjamin Frézel ont eu l’envie de mettre en place une ferme écologique et paysanne, où les multiples activités sont complémentaires. En plus des différentes cultures, les deux associés et leurs cinq salariés élèvent des porcs (après tout, nous sommes en Bretagne), des bovins et des poules. « On récupère les parties non comestibles des récoltes pour nourrir les animaux », ajoute l’agriculteur.
Si les déchets du chanvre sont idéals pour le bétail, sa graine est également excellente pour la consommation humaine. Riche en protéines, le chanvre est source de fibres, de vitamines B et E, de magnésium et d’oméga-3 et 6. Il peut être utilisé de diverses façons en cuisine, notamment en graines, torréfiées ou non, dans un yaourt, sur une salade, dans une soupe, sous forme de poudre… Son goût subtil de noisette permet des préparations sucrées comme les financiers, les gâteaux bretons et les tartes. Malgré ses nombreuses propriétés, 80% des récoltes de chanvre de la Ferme de Trévero sont exportés vers les pays du nord ou de l’est de l’Europe, où cette graine fait partie intégrante de la culture culinaire. En France, quelques restaurateurs locaux curieux commencent à la faire connaître à leurs clients.
Trois question à Romain Le Cordroch, chef du restaurant Bvañ à Vannes
Comment avez-vous connu la Ferme de Trévero, et surtout le chanvre qu’elle produit ?
Romain Le Cordroch : J’avais déjà cuisiné le chanvre quand j’exerçais à Paris. En m’installant à Vannes, je suis allé sur le marché et j’ai rencontré Régis et Benjamin, qui m’ont présenté leurs produits. Leurs graines ainsi que leur huile et farine de chanvre m’ont tout de suite interpellé, car j’aime travailler des ingrédients peu communs, parfois qualifiés «d’alicaments », comme la baie de goji ou la spiruline. Mon but est également de faire connaître à mes clients des produits insoupçonnés qui poussent pourtant près de chez eux.
Quel produit dérivé du chanvre affectionnez-vous le plus ?
R. C. : C’est difficile de choisir. J’utilise l’huile de chanvre pour faire sauter les légumes et j’aime ajouter quelques graines torréfiées dans une huître nature. Ce qu’on appelle la farine de chanvre, qui s’emploie plus comme une poudre d’amande, est également intéressante pour apporter un côté herbacé à une pâtisserie.
Avez-vous quelques exemples d’utilisation du chanvre dans votre restaurant ?
R. C. : J’aime préparer une mayonnaise que je termine de monter avec de l’huile de chanvre, ou un gomasio, où le sésame est remplacé par des graines de chanvre. En saison, je prépare un plat de saint-jacques en viennoise de chanvre. J’ai également imaginé un « chanvrotto», une sorte de risotto où le riz est mélangé avec des graines de chanvre. J’encourage tout le monde à essayer à la maison, ne serait-ce qu’en ajoutant un filet d’huile sur une salade.
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