La cheffe Dominique Crenn va cueillir Paris
Trente-cinq ans après avoir quitté ses terres bretonnes, Dominique Crenn est de retour en France. La star des fourneaux de San Francisco, avec son restaurant gastronomique Atelier Crenn, ouvre le 1er juillet, à Paris, une table qui rend hommage à la diversité culturelle de la Californie. Son nom : Golden Poppy, comme celui de la fleur emblématique de l’État américain qui l’a adoptée. Rencontre à l’hôtel La Fantaisie, au cœur de Paris.
Gault&Millau : Votre retour en France sur la scène culinaire est très attendu. Comment vivez-vous cette effervescence autour de l’ouverture de Golden Poppy ?
Dominique Crenn : Je ne ressens aucune pression. Cela me fait plaisir et cela m’émeut. Je viens ici avec humilité pour présenter ma cuisine.
G&M : Comment le projet a-t-il démarré ?
©ErinKunkel, ©MakiManoukianD. C. : Je suis amie avec la cheffe Caroline Rostang. Un jour, elle m’appelle pour me confier que le groupe Leitmotiv prévoit d’ouvrir un deuxième hôtel, cette fois dans la capitale [outre l’inauguration de La Fantaisie, le jeune groupe hôtelier indépendant fondé par Martine Kampf, propriétaire du Cœur de Megève, réfléchit à s’implanter à Paris et à Rome, NDLR]. Le projet était de proposer une expérience culinaire complètement nouvelle. De plus, il portait des valeurs que je partage, celles du respect de l’humain et de l’environnement. J’ai signé moins d’une année plus tard. J’ai aussi beaucoup fait confiance à mon feeling.
G&M : Quelle direction culinaire avez-vous souhaité donner à la carte ?
D. C. : Tout en utilisant les produits français, je voulais apporter quelque chose d’authentique, qui vienne de Californie. L’idée était aussi de travailler de la même manière que dans mon restaurant de San Francisco. Ce n’est pas un pont entre Paris et la Californie, c’est une fenêtre sur cet État américain qui m’a accueillie. Je souhaitais démontrer qu’il est riche de cultures et d’histoires diverses et que la cuisine s’en nourrit.
G&M : Comment décririez-vous la cuisine californienne ?
©ErinKunkel, ©MakiManoukianD. C. : Je n’emploierai pas le mot «fusion», dont j’ai horreur. C’est une gastronomie multiculturelle, libre et sans frontières, construite sur le partage. On n’hésite pas à manger avec les mains. De cette façon, on se reconnecte à l’essentiel. Et puis c’est amusant de se servir ainsi de ses doigts…
G&M : La carte de Golden Poppy va engager les clients à vivre ces expériences. Avez-vous conscience que vous allez bousculer certaines habitudes ?
D. C. : Je ne suis pas là pour bousculer, mais pour proposer une autre façon de manger. Quand on doit mobiliser ses doigts, on est obligé de poser son smartphone et cela invite davantage à la discussion.
G&M : La particularité, c’est aussi l’absence de viande...
©MakiManoukianD. C. : Même si je ne me revendique ni végétarienne ni végane, je ne cuisine plus de viande depuis de nombreuses années. Quand on est chef, j’estime que l’on doit être engagé. J’ai pris cette décision dans un contexte où la grande majorité de la viande produite en Californie provient d’une industrie gigantesque. On pourrait me répondre que je propose du poisson à la carte. Je travaille uniquement avec des petits pêcheurs et je sers des espèces qui ont été abattues selon la méthode ikejime [une technique japonaise pour obtenir une mort sans douleur, NDLR]. Les Français trouveront dans leur assiette des poissons qu’ils n’ont pas forcément l’habitude de goûter.
G&M : Votre brigade est aussi à l’image de l’identité multiculturelle de la Californie…
©GoldenPoppyD. C. : Elle est composée d’hommes et de femmes de nationalités très différentes : sri lankaise, sénégalaise, canadienne, américaine, japonaise, colombienne, australienne… Mes quatre sous-cheffes sont des femmes. Deux d’entre elles ont travaillé à mes côtés à San Francisco. Mais je ne les ai pas choisies pour leur genre. J’ai apprécié leur envie de transmettre, et je leur ai surtout enseigné les valeurs qui me tiennent à cœur. Je souhaitais aussi engager des gens réceptifs à ce qu’ils ne connaissaient pas. Les CV que l’on m’envoie, je les mets à la poubelle. Ce qui m’intéresse, c’est de discuter avec la personne et de comprendre qui elle est. Quand on arrive au travail le matin, c’est important de dire bonjour à tout le monde. Le respect, c’est primordial.
G&M : Nous vous verrons donc davantage à Paris ?
D. C. : Je viendrai ici tous les mois, ou tous les deux mois. Je ne signe pas seulement une carte à Golden Poppy.
G&M : Vous avez déposé la marque «Golden Poppy». Envisagez-vous d’ouvrir d’autres restaurants sous ce nom ?
D. C. : J’aimerais bien, mais dans tous les cas je m’adapterai au pays et au terroir. Le Japon est évidemment un rêve. Le respect et la gentillesse de la population y sont incroyables, sans compter la qualité des produits.
Golden Poppy - La Fantaisie
24 rue Cadet, 75009 Paris
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