Champagne en campagne

Longtemps, les maisons de champagne ont rayonné en proposant des itinéraires magiques dans les crayères, remontant ainsi les souterrains de Reims ou d’Épernay. Une formule de visite impulsée dès 1878 par Madame Pommery, femme à poigne et surtout visionnaire. La Champagne s’en est longtemps satisfaite, jusqu’à ce 4 juillet 2015…

Flashback. L’Unesco intègre sur la liste du patrimoine mondial les « Coteaux, Maisons et Caves de Champagne ». Sur cette terre martyrisée par deux guerres mondiales, c’est un détonateur. Le paysage champenois peut aussi être un atout touristique. Une forêt en hauteur, des vignes en coteaux, des bâtiments reconstruits en alternant brique et craie… Les vignerons prennent conscience de la valeur intègre d’un terroir qui puise son authenticité dans 300 ans d’histoire, où chaque village a su maintenir sa typicité.

L’œnotourisme prend ainsi un tournant. Hier ignorée, la zone de production du champagne suscite désormais de l’intérêt. Totalement fermés au public, les pressoirs subissent de grands travaux pour mettre en place un accueil en bonne et due forme. Tandis que les visiteurs révèlent un besoin de reconnexion avec la nature, la décision de l’Unesco stimule leur curiosité pour remonter jusqu’à la première étape de fabrication du vin roi. On ne veut plus seulement assister à son vieillissement. On emprunte le TER de la « Ligne des bulles » pour sillonner la montagne de Reims. Et l’on s’enfonce encore mieux dans la campagne rémoise depuis l’ouverture en mai 2024 de la ligne de bus Grand’R vers Verzy. Au programme : randonnée dans les vignes, expérience du vendangeur d’un jour et visite des œuvres contemporaines au festival Vign’art.

 La Table des Chefs de la Maison Mumm

À deux pas du centre-ville de Reims, la maison Cordon Rouge n’est plus un hôtel particulier réservé aux people ou aux personnes influentes venues des quatre coins du monde. GH Mumm l’a profondément rénové pour l’ouvrir aux gastronomes et servir d’écrin à la cuisine de chefs émergents. De la même manière que les artistes investissent des crayères ou des vignobles à tour de rôle, des cuisiniers prennent les commandes des fourneaux de la Table des Chefs le temps d’une saison. La maison Mumm a inauguré le concept avec Mallory Gabsi (à Paris, 3 toques G&M), suivi de Florian Barbarot (Quelque Part, à Paris, 2 toques G&M), Kelly Rangama (Le Faham, à Paris, 2 toques G&M), Tom Meyer (La Chèvre d’Or, à Èze, 4 toques G&M) et Sato Hideaki (Ta Vie, à Hong Kong), premier chef étranger de la programmation. Le jeune Victor Mercier (Fief, à Paris, 2 toques G&M) a bouclé le millésime 2024. Pour composer la carte, chaque résident adapte des plats signature et planche sur des créations exclusives, comme cette mémorable volaille fermière cuisinée au vin jaune par Tom Meyer. Raimonds Tomsons, meilleur sommelier du monde 2023, s’occupe des accords. Ouvert le lundi midi et du jeudi midi au samedi soir. Menu en 4 ou 6 séquences à partir de 75 euros.

Une villa de luxe au cœur des vignes chez Leclerc Briant

La maison d’Épernay remet le couvert en matière d’hospitalité. Sept ans après avoir ouvert une maison d’hôtes dans une ancienne demeure familiale datant du xviiie siècle en plein cœur de la très désirée avenue de Champagne, Leclerc Briant propose un doux réveil au son du bruissement du vent lorsqu’il s’engouffre entre les ceps de vignes. Rendez-vous à Villers-Allerand, une discrète commune de la Marne, où la griffe compose sa précieuse cuvée « Le Clos des Trois Clochers ». C’est également le nom de la villa centenaire que Leclerc Briant utilise pour des réceptions. Conçu par le célèbre architecte Max Sainsaulieu (à qui l’on doit notamment la bibliothèque Carnegie à Reims), où le bâtisseur vécut entouré de ses neuf enfants et de sa femme, l’édifice vient de faire l’objet d’une transformation en hôtel de luxe de classe 5 étoiles. Lors des travaux, la villa a accueilli l’équipe du film Champagne ! de Nicolas Vanier sorti en juin 2022.

Des visites personnalisées chez Moët & Chandon

À Épernay, la visite des caves de Moët & Chandon est incontournable, notoirement effectuée par Napoléon Iᵉʳ en 1807. Aujourd’hui, ce sont plus de 72 000 visiteurs qui arpentent une partie des 28 kilomètres de galeries souterraines, situées sous l’avenue de Champagne. Une destination qui peut donner le tournis étant donné sa popularité. La maison de champagne du groupe LVMH a donc repensé les parcours de visites pour proposer des expériences plus intimes. En l’occurrence, il s’agit de former des groupes réduits – jusqu’à six personnes seulement – pour l’itinéraire dédié à la découverte de la nouvelle cuvée « Collection Impériale Création N° 1 ». Au bout du chemin, on approche l’œuvre de l’artiste américain Daniel Arsham, réalisée pour les 280 ans de Moët & Chandon, et exposée dans la Galerie Impériale. Toutes les visites se terminent par une dégustation, parfois dans un salon privatif comme pour le « Grand Vintage ». Entre 40 et 200 euros, selon la dégustation.

Immersion gastronomique à la maison Taittinger

Pas moins de 18 mois auront été nécessaires pour rénover le site historique de la butte Saint-Nicaise, là où Taittinger entretient un patrimoine comptant les vestiges d’une ancienne abbaye mais aussi des crayères datant de l’époque gallo-romaine. Les clés de ce chantier titanesque ont été confiées à l’architecte rémois Giovanni Pace, qui a dû prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas bousculer le sommeil des cuvées de prestige « Comtes de Champagne ». Depuis la réouverture de la maison Taittinger cet été, les parcours de visite ont été repensés, invitant les visiteurs au sous-sol en lieu et place de l’ancienne salle de dégorgement pour une immersion complète dans son histoire. Entretenant toujours un lien étroit avec l’univers gastronomique dans le sillage de son prix culinaire désormais intitulé Prix ArsNova, qui félicite les cuisines d’auteur depuis 1967, Taittinger réserve un itinéraire aux gourmets qui prennent part à une dégustation de brut millésimé et de « Prestige » rosé en accord avec la cuisine du chef Philippe Mille (L’Arbane, à Reims, 3 toques G&M). 80 euros par personne. En mars 2025, la maison Taittinger ouvrira aussi le restaurant Polychrome, la carte sera signée Charles Coulombeau (La Maison dans le Parc, à Nancy, 3 toques G&M).

Expériences bucoliques aux côtés de Veuve Clicquot 

Sur les hauteurs de la montagne de Reims, la maison de « la grande Dame de la Champagne » s’inspire du vignoble en contrebas de son Manoir de Verzy pour proposer des rendez-vous éphémères qui orchestrent des accords saisonniers entre la nature et la variété de ses cuvées. Au printemps, immersion dans le potager de 2 500 m² où l’on cueille soi-même des légumes produits en permaculture. Pour servir ce que Veuve Clicquot intitule une « gastronomie de jardin », les chefs de la maison s’occupent de cuisiner les végétaux dressés dans un menu arrosé par la « Grande Dame » rosé et blanc en magnum. L’été, un pique-nique dans l’esprit d’un déjeuner sur l’herbe est organisé dans le parc. Pour ceux qui sont à Reims, le Café Clicquot les accueille toute l’année (sauf en janvier et février) autour d’une carte décontractée à mi-chemin entre bistronomie et street food, à base d’ingrédients locaux.

Rendez-vous gastronomique à la Maison Belle Époque de Perrier-Jouët 

Une toile originale de Toulouse-Lautrec, un véritable Rodin qui orne la cheminée, des chaises intactes de Louis Majorelle… On entre à la Maison Belle Époque comme dans un musée, à la différence près que la proximité avec la plus importante collection privée d’Art nouveau en Europe est très étroite. Les œuvres ne sont pas mises sous cloche, elles sculptent la décoration d’une vraie demeure où l’on aurait pu être invité le temps d’un dîner. Justement, on y vient pour savourer la cuisine de Pierre Gagnaire, mise en œuvre par le chef Sébastien Morellon. Ici, l’ancienne résidence privée d’Eugène Gallice, beau-frère et associé de Charles Perrier, le fils du couple fondateur de la griffe champenoise, devient le refuge d’un temps suspendu où l’on savoure les accords de la cheffe de cave Séverine Frerson. Aux beaux jours, l’ambiance est encore plus intime lorsqu’on déjeune sur la terrasse devant le jardin de la propriété, entretenu selon une typologie à l’anglaise. 350 euros le menu tout compris.

Un jardin tout neuf pour déambuler entre les œuvres d’art chez Ruinart

Voilà quinze ans que la plus ancienne maison de champagne entretient un lien étroit avec le monde de l’art contemporain, avec les artistes les plus en vue, dont certains voient leurs œuvres exposées dans les caves de la maison. Ruinart a décidé de donner davantage de matière à cette relation en « offrant » son tout nouveau jardin rémois à 20 artistes, dont Nils Udo, Jeppe Hein, Henrique Oliveira, Cornelia Konrads… Accessible gratuitement, cette bulle verte enveloppe l’audacieux pavillon Nicolas Ruinart, imaginé par l’architecte Sou Fujimoto, ancré dans un ambitieux projet qui aura nécessité trois ans de travaux. Nom de code : la métamorphose. Face à sa bâtisse historique, Ruinart invite à prendre le temps de déguster du champagne, de partager un déjeuner ou un brunch, et à picorer les assiettes imaginées par la cheffe exécutive Valérie Radou. En terrasse ou à l’abri des regards installés dans des alcôves, on vient désormais aussi à la maison Ruinart pour s’offrir un moment de détente, imprévu ou pas.

Le nouveau repaire œnotouristique de la Maison Thiénot

C’est un chantier d’ampleur dans lequel s’est lancée la jeune griffe familiale de Thaissy. À moins de dix minutes de la gare de Reims, Thiénot entend séduire tous les publics, les Rémois comme les visiteurs internationaux, avec une variété d’expériences déployées sur les cinq niveaux d’un hôtel particulier. Objectif : offrir une palette d’activités à 360 degrés pour tous les publics, même les plus jeunes. Dans ce bâtiment de 5 000 m2, on pénétrera dans un cloître où l’on découvrira l’histoire du champagne sous le prisme de la ville de Reims. On joindra aussi l’utile à l’agréable en participant à des ateliers de manipulation afin de mieux comprendre le processus d’élaboration du vin à bulles. La dégustation ne manquera pas, avec un bar à champagne dont la carte prévoyant des petites bouchées sera aussi servie sur un rooftop végétalisé de 500 m2, avec vue sur la cathédrale de Reims. Et les plus chanceux dormiront sur place. Douze chambres et une suite composeront l’offre hospitalière de cette adresse baptisée Le 3, dont les fondations auront nécessité deux années de travaux. Ou ils se relaxeront dans un spa de 80 m2, accessible aux clients autant qu’aux visiteurs extérieurs.  Rendez-vous au printemps 2025 pour la première partie de l’ouverture, concernant les expériences et la visite de caves. L’hôtel et le bar à champagne accueilleront leurs visiteurs fin 2025.