Arthur Lecomte X Pierre Fierens : un restaurateur, un éleveur, une collab
D’un côté, un entrepreneur, notamment à l’origine du restaurant Bien Élevé à Paris. De l’autre, un éleveur de boeufs à Audincthun, dans le Pas-de-Calais. Ensemble, ils luttent pour la consommation raisonnée de viande.
Tartare, faux-filet, basse-côte, côte de bœuf maturée, ribs… À l’heure où la plupart des chefs parient sur la végétalisation de leurs assiettes, la carte de Bien Élevé (1 toque) dénote. La table parisienne mise en effet sur un credo : manger moins de viande, mais mieux. Depuis plusieurs années, le co-fondateur du restaurant, Arthur Lecomte, fait ainsi confiance à la Ferme de Châteauneuf à Audincthun, dans le Pas-de-Calais, pour proposer du bœuf d’exception, avec une traçabilité et une transparence totales.
Alimentation, élevage, abattage, découpe, transformation, livraison… Tout est pris en charge par la ferme qui ne laisse rien au hasard. Pour en savoir plus sur cette collaboration en circuit très court, Gault&Millau a posé quelques questions à Arthur Lecomte mais aussi Pierre Fierens, directeur général chez Châteauneuf.
Comment s’est faite votre rencontre et pourquoi avoir eu envie de travailler ensemble ?
Arthur Lecomte : Avant d’ouvrir, je voyais que la plupart des restaurants proposaient de la viande d’Argentine ou d’autres pays et je me demandais pourquoi on ne faisait pas la même chose avec la viande française alors qu’il y a plein de bons éleveurs. Mais souvent, les volumes demandés par les restaurants sont trop gros alors peu de fermes peuvent répondre à nos besoins. Finalement, c’est en discutant avec le boucher Yves-Marie Le Bourdonnec que nous avons découvert la Ferme de Châteauneuf. Nous sommes allés les rencontrer et leur façon de faire correspondait à nos valeurs.
Pierre Fierens : De mon côté, je suis arrivé à Châteauneuf après le début de la collaboration. Mais au-delà de ça, je dirais surtout que nous sommes partenaires ! C’est un mot très important à mon sens. Quand on est éleveur, on doit s’assurer des débouchés car un animal vit au moins trois ans à nos côtés. C’est précieux pour nous d’avoir des restaurants avec lesquels nous travaillons sur le long terme
Comment sont élevées les bêtes à la Ferme de Châteauneuf ?
© Géraldine MertensA.L. : Elles reçoivent de la nourriture saine, aucune cochonnerie, avec un protocole de nutrition particulier à la fin pour développer le bon gras. Au départ, il y avait deux races : Angus et Limousine, mais les choses évoluent.
P.F. : En effet, nous avons aujourd’hui quatre races à la ferme. L’Angus, la Normande, la Salers et le boeuf Simmental. Dans tous les cas, elles sont élevées selon des méthodes traditionnelles avec une croissance progressive des animaux. Les veaux sont élevés sous la mère et les bovins vivent le plus souvent possible en plein air. Nous les nourrissons uniquement avec les produits de la ferme, comme la betterave, et bien sûr l’herbe des pâtures. Nous sommes situés entre le Boulonnais et le Ternois, deux régions propices au développement du pâturage ! Au total, nous avons 110 hectares pour environ 250 bêtes.
Comment se passent l’abattage, la découpe et la transformation ?
P.F. : Là aussi, nous sommes très attentifs au bien-être animal. Nous avons la chance d’avoir près de chez nous un abattoir avec une quinzaine d’associés, dans lequel nous avons pris des parts. À la ferme, nous avons un atelier de découpe, ce qui nous permet une traçabilité complète, puis nous faisons nous-mêmes les livraisons. Nous avons choisi d’intégrer tous les systèmes car, en passant par des distributeurs, il n’est pas certain que notre projet soit transmis de la bonne façon. Notre viande coûte un certain prix et pour la valoriser, il faut expliquer le système correctement.
A.L. : De notre côté, nous commandons des demis ou des quarts de bête et faisons un travail de petite boucherie directement sur place, au restaurant. Nous avons également une cave de maturation pour tout faire nous-mêmes.
Le fait de ne pas avoir d’intermédiaire facilite également la communication avec le restaurant ?
P.F. : Exactement ! Quand on a le patron ou le chef directement au téléphone, le dialogue est direct et le message n’est pas déformé. Cela permet une meilleure fluidité dans les échanges
Et économiquement, ça change quoi ?
A.L. : Le fait de ne pas avoir d’intermédiaire permet évidemment de réduire les coûts. Je ne dirais pas que notre viande n’est pas chère, mais qu’elle est au juste prix. Ici, une côte de bœuf maturée va coûter 100€/kg. C’est presque le même prix que dans une bonne boucherie alors qu’elle est servie cuite et accompagnée. Aujourd’hui, la relation est d’autant plus importante que j’ai racheté une partie de l’élevage. Je suis minoritaire bien sûr, mais cela me paraissait important afin de contribuer à la création d’une filière économiquement viable. À terme, je pense que les gens consommeront moins de viande mais d’une meilleure façon et l’offre devrait se “premiumiser”, un peu comme cela a été le cas avec la bière. De nos jours, les consommateurs savent ce qu’est une blonde, une pale ale, ça sera pareil avec les différents morceaux de viande et les origines.
Pierre, avez-vous le temps de passer à Paris de temps à autre pour manger chez Bien Élevé ?
P.F. : Dès que je le peux, oui ! Et à chaque fois, je prends la basse-côte avec les frites à la graisse de bœuf !
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