Un chocolatier, un designer : une collab
Gault & Millau poursuit sa série de portraits croisés « sucrés » pour partager les coulisses de la rencontre de deux créateurs. Loin d’être une commande, ces collaborations naissent d’une conversation, d’un dialogue, d’un échange en totale liberté. Conversation gourmande entre Pierre Marcolini, chocolatier, et Charles Kaisin, designer, tous deux d’origine belge.
Pionnier dans l’art de sélectionner et de transformer les fèves de cacao, Pierre Marcolini a une imagination sans borne qui l’ouvre en toute liberté à la découverte d’autres univers, notamment celui de l’art et du design. Avec Charles Kaisin, designer dont les œuvres n’ont de limites que celles de son imagination, ils collaborent pour créer des collections de chocolats singulières et de fascinants desserts. Du partage d’une idée, ils donnent vie à une collection, l’un comme l’autre portés par leur enthousiasme communicatif. Une créativité commune et un regard décalé teinté de surréalisme.
Gault&Millau : Est-ce votre première collaboration avec un autre univers ?
Pierre Marcolini : Je me souviens de ma première collaboration avec Daniel Firman, je m’étais inspiré du modèle de son éléphant empaillé en lévitation sur sa trompe, d’une incroyable légèreté. Il m’avait demandé d’imaginer une sculpture à base de chocolat mâchouillé, une œuvre qu’on avait intitulée « Use ». Nous cherchions à voir si la gourmandise pouvait dépasser le côté révulsif de ce chocolat mâché. C’était un acte délibéré de création dans le cadre d’une manifestation d’art contemporain à Bruxelles, je me suis accaparé son univers avec exaltation et je l’ai traduit à ma façon.
Charles Kaisin : Ma première collaboration avec un chocolatier était déjà avec Pierre, qui a pratiquement créé tous les desserts de mes dîners surréalistes. Elle remonte à une quinzaine d’années. Nous avons collaboré sur 7 ou 8 collections. Je me souviens notamment de l’objet à bascule en chocolat que nous avions imaginé pour les 30 ans du Centre Pompidou. Un projet inattendu et décalé.
G&M : Parlez-nous de votre rencontre, qu’est-ce qui vous a rapproché ?
P. M. : En tant que chocolatier artisan, artiste de l’éphémère, je me suis interrogé sur l’importance de travailler avec d’autres univers. Dans une collaboration, on commence toujours par ouvrir la page de l’autre. Il faut ensuite réfléchir à ce qu’il va être possible de faire ensemble. Avec Charles, ce sont deux mondes qui cohabitent, s’interrogent et avancent l’un avec l’autre. Cela nous a conduit à une amitié fidèle et sincère. Aujourd’hui, nous collaborons en complicité, nous réalisons ensemble de véritables quatre mains.
C. K. : Nous nous sommes rencontrés par l’intermédiaire d’un ami. Pierre n’a aucun préjugé sur les choses, nous partageons le même enthousiasme, la même passion, une énergie particulière. Nous avons en commun l’art, les voyages et le chocolat. Notre parcours est d’ailleurs assez similaire, nous avons construit seuls nos univers respectifs. Il m’impressionne par sa vision, il choisit les artisans, les coopératives en fonction de la manière dont ils travaillent, il a d’ailleurs été parmi les premiers à travailler le chocolat depuis la fève. Il va au bout des choses en maîtrisant la qualité de ce qu’il fait. Visionnaire en tout, même dans la présentation de ses écrins de chocolats. Aujourd’hui, grâce à nos collaborations, nous avons l’un pour l’autre une profonde admiration mutuelle.
G&M : Quelques mois après le Covid, l’idée d’origami en chocolat est née...
P. M. : J’ai eu un coup de cœur pour l’univers de Charles et pour le regard qu’il porte sur les choses. Son travail sur les origamis pendant le Covid s’est fait tout naturellement. C’était un acte à la fois créatif et décoratif, un élan de solidarité, mais en même temps une approche culturelle de l’art de l’origami. La collection de chocolat « Origami » est née à l’issue de cette période, nous l’avons lancée en 2022 pour la Fête des mères.
C. K. : Les boutiques étant fermées, Pierre a été le premier à offrir ses chocolats. Et de mon côté, je me suis spontanément demandé ce que je pouvais faire pour aider les habitants durant cette période difficile. C’est ainsi qu’est né le projet artistique et participatif sur le thème de l’origami impliquant la population. Chacun devait faire son propre pliage en forme d’oiseau grâce à un tuto en ligne et, pour chaque origami, 5 € étaient reversés aux bénéficiaires. En parallèle, j’ai créé l’exposition éphémère « Origami for Life » avec tous les pliages reçus. Par la suite, nous avons eu l’idée avec Pierre de concrétiser ces œuvres sous la forme de chocolat et c’est ainsi qu’en 2022 sont nées ces belles bouchées réconfortantes à partager ou à croquer en solitaire.
G&M : En quoi cette collaboration « Origami » est-elle singulière ?
P. M. : Nous sommes tous les deux de fervents amateurs de la culture japonaise. Cette collection est porteuse d’espoir. L’origami séduit par son apparente simplicité et par la dextérité que demandent ces pliages. La complexité et la complicité nous ont réunis pour cette nouvelle création de chocolat.
C. K. : Nous avons à cœur tous les deux de valoriser notre pays que nous adorons. De notre première collaboration est immédiatement née une immense complicité qui rend nos créations faciles et singulières. Nous avons envie de partager le beau, le bon avec tout un chacun. Le coffret « Origami » était une évidence.
G&M : Comment avez-vous travaillé ensemble ?
P. M. : En connivence. Le défi d’un travail à deux autorise à sortir de sa zone de confort et permet de se poser des questions sur son propre travail. Cela nous ouvre de nouvelles perspectives qui rejaillissent consciemment ou pas sur la suite de notre travail.
C. K. : Nous avons travaillé ensemble, dans un va-et-vient constant, Pierre apportait ses idées d’ingrédients, moi, mes prototypes. Je rêvais d’un chocolat qui nous renvoie en enfance, tendre et doux, un moment enveloppant, un goût et une texture proches de notre madeleine de Proust. À l’atelier, lors de l’une de nos dégustations, nous avons eu l‘idée de rajouter de la feuille d’or en hommage aux origamis en papier doré.
G&M : Collaboration, liberté ou contrainte ?
P. M. : Dès lors que nous sommes créatifs de part et d’autre, la contrainte amène à une certaine liberté. Pénétrer dans l’univers de l’autre met forcément des contraintes, mais celles-ci ne sont pas oppressantes, bien au contraire. Dans une collaboration, il y a une notion de challenge, de défi extrêmement énergisant.
C. K. : Ce n’est jamais aussi binaire. Je dirais que c’est une liberté de contraintes. Liberté dans le sens passion, envie, création, mais ce sont aussi des contraintes, car il faut s’insinuer dans le monde de l’autre, arriver à comprendre une maison, en saisir l’ADN, il faut répondre à de nombreux critères. Une collaboration est toujours stimulante.
G&M : Y a-t-il des collaborations impossibles ?
P. M. : Je pense que non, les collaborations sont mues par la volonté de l’un et de l’autre. J’aime cette phrase « Entre le rêve et la réalité, la seule porte qui nous sépare est le courage. » À partir de ce moment-là, tout est possible !
C. K. : Sans aucun doute, si nous ne partageons pas les mêmes valeurs, s’il n’y a pas la même idée de partage. Quand on collabore, il se crée forcément un lien affectif.
Pierre Marcolini
89, rue de Seine, 75006 Paris
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