Un chocolatier, un brasseur : une collab
Gault&Millau poursuit sa série de portraits croisés « sucrés » pour partager les coulisses de la rencontre de deux créateurs. Loin d’être une commande, ces collaborations naissent d’un dialogue, d’un échange en totale liberté. Quand la chocolatière japonaise Emiko Sano rencontre la brasseuse de saké Ayako Tawa, de la maison Takara Shuzo, cela donne lieu à un beau produit et à une conversation gourmande.
Encore méconnu en France, le saké est souvent assimilé à une boisson forte et sans goût dont on ne retient de la dégustation que la brûlure de l’alcool. Produit par fermentation alcoolique – et non par distillation, comme le cognac –, ce vin de riz présente des saveurs complexes. Mais c’est aussi un révélateur de goût, qui amplifie les arômes de chocolat comme ses propres notes.
Pour ce nouvel échange, Gault&Millau vous invite à découvrir cette tradition japonaise séculaire au travers de la collaboration inédite entre Emiko Sano, chocolatière aux Trois Chocolats, à Paris, et Ayako Tawa, brasseuse chez Takara Shuzo, une maison artisanale dédiée à la fabrication du saké depuis 1842 à Kyoto, au Japon. Pour l’occasion, Emiko Sano imagine un chocolat dont les arômes rappellent et s’accordent au saké Shirakabegura « Mio Pétillant ».
Gault&Millau : Comment est née cette collaboration ?
Emiko Sano : Il s’agit de ma première collaboration avec un autre univers que le mien. Je suis tombée sous le charme du saké pétillant il y a très longtemps. Plus léger et plus fruité qu’un saké traditionnel, très pur, il permet toutes les audaces. La découverte du Mio lors de l’un de mes voyages au Japon a été décisive.
Ayako Tawa : Nous avons précédemment travaillé avec deux autres chocolatiers, Susumu Koyama en 2016 et Arnaud Larher en 2017, pour imaginer un accord entre leurs chocolats et notre saké pétillant. Forts de ces collaborations passées, nous avons choisi, avec Emiko, d’aller plus loin en imaginant un chocolat inédit à base de saké pétillant, dont les notes rappellent la boisson qui vient enrober le chocolat.
G&M : Pourquoi ce mariage saké et chocolat ?
E. S. : J’ai immédiatement fait le rapprochement entre le processus artisanal de fabrication du saké, qui nécessite une fermentation du riz, comme celle des fèves de cacao. Par ailleurs, les arômes des sakés sont riches et variés. Chaque dégustation est une découverte. Le côté umami et gourmand de la boisson se marie alors naturellement avec le chocolat. Pour les cacaos, cela fonctionne de la même façon, en fonction de leur terroir et de la torréfaction. La palette aromatique est très large. De ces parallèles, j’ai choisi de relier la France et le Japon en créant un chocolat dans lequel je reproduis les arômes fruités de ce saké singulier.
A. T. : Jusqu’à présent, le saké a l’image d’un alcool fort servi pour accompagner un repas traditionnel. Par cette association au chocolat, nous voulions donner une autre image de cette boisson. Le saké pétillant a la particularité d’associer la douceur du riz à une acidité modérée, et il se marie magnifiquement aux cacaos. Son goût très fruité et son taux d’alcool moins élevé (5 %) que d’autres sakés permettent de le servir en apéritif, en cocktail, avec un dessert et, bien sûr, un chocolat.
G&M : Comment avez-vous imaginé cet accord ?
E. S. : Pour reproduire la fraîcheur de la boisson, j’ai d’abord choisi de réaliser une truffe très fondante rappelant cette sensation en bouche. Puis, pour créer une harmonie de saveurs, j’ai réalisé ma recette à base de Shine Muscat, de marc de saké et de saké pétillant. Ce raisin muscat est très particulier. Cultivé exclusivement au Japon, il est constitué de gros grains verts, de près de 20 g chacun, très sucrés. Pour le chocolat, je me suis tournée vers un cacao du Cameroun assez cacaoté aux notes de fleurs et de miel qui s’harmonisent avec le fruit et les arômes du saké.
A. T. : Emiko a créé une séquence de dégustation qui rappelle le goût du saké pétillant avec, en attaque, les notes du Shine Muscat, puis le goût du chocolat, pour finir par les arômes très fruités, presque floraux, de notre saké. Pour la dégustation, nous avons choisi de commencer par le chocolat avant de boire le saké frais afin de respecter les goûts de chaque produit et de créer une belle longueur en bouche.
G&M : Et la durabilité ?
E. S. : J’ai travaillé la durabilité comme le fait la maison Takara Shuzo pour ses sakés. J’ai donc utilisé les raisins avec leurs peaux et la lie de saké issue de son processus de fabrication pour parfumer les chocolats. Ici, aucune perte !
A. T. : Nous travaillons activement sur le choix d’ingrédients respectueux de l’environnement et sur la réduction de nos déchets, notamment en introduisant des bouteilles ultralégères certifiées Eco Mark. Nous menons également des actions de sensibilisation dans les écoles. Nous avons d’ailleurs reçu l’Eco Mark Award 2018 pour ces campagnes. C’est dans cet esprit que nous avons collaboré avec Emiko.
©ESano
G&M : Liberté ou contrainte ?
E. S. : Liberté, bien sûr ! Lorsqu’on apprécie les arômes de ce saké, il est assez facile d’imaginer un chocolat aux notes qui s’en rapprochent.
A. T. : Liberté absolue. Pour imaginer ses chocolats, Emiko s’est fiée à sa première impression. Nous avons ensuite choisi de mettre en valeur le Japon en utilisant, pour la recette, hormis le chocolat, des ingrédients exclusivement japonais.
G&M : Cette collaboration aura-t-elle un impact sur vos créations futures ?
E. S. : Sans aucun doute ! Grâce à elle, j’ai imaginé un accord entre fruit et alcool, ce que je ne faisais pas auparavant. J’ai toujours utilisé des alcools pour leur goût propre, par exemple j’ai un chocolat au vin de riz et un autre au vin chaud, mais je n’avais pas songé à pousser leur goût en associant des fruits aux liqueurs.
A. T. : Chaque collaboration a un impact direct ou indirect sur notre travail. Avec Emiko, nous avons franchi une autre étape en allant plus loin qu’un accord chocolat-saké, en utilisant la boisson comme ingrédient de la recette. Le futur nous dira la suite.
Les Trois Chocolats
45, rue Saint-Paul, 75004 Paris
Ces actualités pourraient vous intéresser
Le kouglof, son histoire et nos bonnes adresses
Le kouglof, un gâteau aux mille et une histoires. De l'Alsace à nos assiettes, ce dessert emblématique nous transporte à travers les siècles. Mais où trouver le meilleur kouglof ? Suivez-nous dans un voyage gourmand à la découverte de ses origines et des adresses incontournables.Bohême, l'insoutenable légèreté du verre
En République tchèque, un vent nouveau souffle sur la tradition du cristal de Bohême. Dépoussiéré et lesté de son plomb, le verre revient à table grâce à des designers inspirés et à l’aide de financiers aux pieds de fakirs. Voyage dans le monde fragile de la transparence.Produit de bouche, équipement de cuisine, art de la table, solution de service ...
Retrouvez la liste complète des partenaires qui font confiance à Gault&Millau
Tous nos partenaires