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Un artiste de l'affinage

Un artiste de l'affinage

Sylvie Berkowicz | 12/03/2023

C’est à 30 km de Tours que se trouve la fromagerie de Rodolphe Le Meunier. C’est là, dans ses caves d’affinage –  qui sont ici plutôt des chambres froides –, que des centaines de spécialités attendent patiemment d’être expédiées. Elles partiront vers la boutique des halles de Tours, vers des restaurants, des points de vente et supermarchés en France, et vers une multitude de pays, dont l’Arabie saoudite, la Corée, le Japon, les ÉtatsUnis… Fromager-affineur doté d’un titre de MOF, Rodolphe Le Meunier est aussi un businessman au franc-parler qui déboulonne les idées reçues.

«Trouver le bon fromage pour le bon client.» Voilà ce que l’artisan répond quand on lui demande ce qui fait un fromager d’excellence. Une formule un peu passe-partout qui, au fil de la conversation, va finalement trouver son sens. «Alors, qu’est-ce qu’un bon fromage? » se hasarde-t-on. « Il n’y en a pas de bon ou de mauvais. Un camembert vendu 1 € dans un supermarché n’a certes pas de goût, mais il a les qualités nutritives pour nourrir convenablement une famille qui n’a pas les moyens de s’en payer un à 5 €.»

«Lait cru ou pasteurisé? » insiste-t-on. «On s’en fiche. Ce qu’il faut, c’est que le produit soit bon et plaise au plus grand nombre. J’ai des fabricants qui font à la fois des camemberts au lait cru et au lait pasteurisé. Eh bien, à la dégustation, on ne fait pas la différence. Pourquoi ? Parce qu’ils y mettent la même bactériologie, qui fait 95% du goût.» Dernière cartouche avant de rendre les armes : «Petit commerçant ou GMS [grande et moyenne surface, NDLR] ? » «Là encore, je peux vous montrer de petits commerçants qui vendent plus de mauvais produits que les grandes surfaces. Il existe de la GMS sérieuse en termes de qualité et de suivi. D’ailleurs, les fromages de mes corners en supermarché sont exactement les mêmes que ceux de ma boutique.»

On l’a compris, Rodolphe Le  Meunier n’aime ni les dogmes ni les injonctions. Ce métier, il l’a choisi non seulement parce c’était celui de sa grand-mère, puis de son père, mais aussi parce qu’il y a vu une opportunité d’entrepreneuriat. Pas question pour lui de se contenter du commerce familial de Tours et d’y passer sa vie à découper des morceaux de fromage pour un salaire médiocre. Son ambition était ailleurs. Bien réaliser son travail de sourcing et d’affinage, mais également s’inspirer de la réussite de belles entreprises françaises en s’autorisant à voir grand. «À 20  ans, quand je travaillais pour mon père, j’étais payé au smic pour 60 heures hebdomadaires. Un jour, j’ai vu à la télé le patron de Quiksilver, qui disait: “Je bosse 60 heures par semaine, mais je gagne 150000 F par mois [environ 20000 €, NDLR].” Là, je me suis dit qu’il fallait que je me bouge les fesses.»

Une première étape consiste pour lui à s’inscrire au concours des Meilleurs ouvriers de France. Un sacre qu’il obtient en 2007, doublé d’un titre de Meilleur fromager international. «Je m’y suis préparé non-stop pendant quatre ans. Le titre de MOF donne en effet des clés, mais il faut savoir choisir la bonne, et la bonne porte. Avec le recul, je me dis ça été plus facile d’être MOF que d’être chef d’entreprise pendant les quinze ans qui ont suivi ! »

Le col tricolore au cou et sa valise remplie de trésors, il parcourt le monde pour présenter cet emblème de la gastronomie française. «Quand on fait du grand export, on vend de l’exotisme. Et, pour bien le faire, on va essayer de trouver des spécialités qui correspondent au maximum de palais. Des Japonais sont venus chez moi en hiver et ont goûté un munster qui était plutôt doux. Quand ils l’ont commandé et reçu au mois d’août, ce n’était plus le même. Ils ne l’ont pas mangé et ne l’ont jamais payé ! Les produits fermiers, ça va, ça vient, ça bouge beaucoup selon les saisons. Alors, il vaut mieux envoyer un petit munster pasteurisé, pas trop fort. Comme ça, tout le monde est content. Après vingt-cinq ans d’expérience, et au risque de me répéter, je peux vous le garantir: mon métier, c’est vraiment de trouver le bon fromage pour le bon client! »

 

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©Laurent Thiébault
  • Rodolphe Le Meunier, fromager Meilleur Ouvrier de France

Pour vous, quel fromage représente le mieux la région?

RLM : C’est évidemment un fromage de chèvre. J’aurais pu choisir du sainte-maure-de-touraine, l’AOP local, mais c’est un produit fragile, qui ne peut pas être pasteurisé. Je ne peux donc le vendre qu’en France. Je préfère parler de la couronne de touraine, qui, parce qu’elle n’est pas AOP, me donne plus de liberté. Les couronnes arrivent chez moi toutes fraîches – pour les sainte-maure, c’est forcément après onze jours chez le producteur –, je peux les essuyer à nouveau si elles partent à l’export, pour un affinage plus serré, ou je peux les affiner crémeuses, coulantes, si elles vont au magasin. Comment je la préfère? Ça dépend. À 10 h, un matin d’hiver, alors que vous avez déjà travaillé 7 heures, vous allez choisir un truc qui déboîte un petit peu. Mais si c’est au mois de juillet et qu’il fait 40 °C à l’ombre, vous le prendrez tout frais.

Un salon dédié aux fromages

Depuis 2013, Tours accueille le Mondial du fromage et des produits laitiers, un salon créé par Rodolphe Le Meunier et Tours Événements. L’idée est de proposer aux acteurs des filières fromagère et laitière une alternative au salon parisien, inabordable pour beaucoup. «C’est la base du Mondial, explique Rodolphe Le Meunier, organiser un salon qu’à l’époque je n’avais pas les moyens de me payer. À Paris ou à Lyon, ça peut coûter 10000 € la semaine. Ici, c’est trois à quatre fois moins cher. » Bisannuelle, la manifestation est programmée en alternance avec celle de Paris, ce qui permet aux producteurs, commerciaux et clients de se rencontrer tous les ans. Il accueille aussi le Concours mondial du meilleur fromager, piloté par Rodolphe Le Meunier, durant lequel une dizaine de candidats internationaux se départagent autour de diverses épreuves : questions théoriques, dégustations à l’aveugle, découpe, mariage des goûts et création d’un plateau sur un thème imposé.

Les 10, 11 et 12 septembre 2023, au parc des expositions de Tours 
Entrée gratuite réservée aux professionnels
www.mondialdufromage.com

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