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Stéphan Paroche, chef, & Lise Roche, responsable des espaces verts, à Castigno

Stéphan Paroche, chef, & Lise Roche, responsable des espaces verts, à Castigno

Sylvie Berkowicz | 23/07/2024

Dans le cadre de notre série "Un cuisinier, un maraîcher & leur potager", direction le Domaine de Castigno. Le chef Stéphan Paroche et Lise Roche y forment un duo hors pair pour sublimer La Table de Castigno.

Castigno est avant tout un domaine viticole, et non pas, comme on pourrait peut-être le penser, le nom d’un village, car il s’agit bien de celui d’Assignan. Pour bien identifier le projet Castigno, il suffit de suivre le fil rouge, rose et violet, colorant les portes, volets, parasols… On y retrouve trois restaurants, un spa et des chambres disséminées dans le village. Il est cependant clair qu’Assignan ne serait pas ce qu’il est sans l’intervention du propriétaire belge, qui a d’abord acquis le domaine en 2007, l’a converti en agriculture biologique puis en biodynamie, et a annexé une partie du village, lui redonnant une opportune vitalité.

L’offre gastronomique – un bistro, un restaurant thaï et un gastro – permet d’explorer différents types de cuisine et de partir à la rencontre de produits locaux, en particulier ceux d’un potager placé sous la supervision de la responsable des espaces verts, Lise Roche. Elle connaît bien les exigences des chefs pour avoir déjà travaillé dans les jardins de Gilles Goujon. Ici, c’est avec les chefs Justine Viano et Stéphan Paroche, à la tête de La Table de Castigno (3 toques), qu’elle cultive légumes, aromatiques et fleurs qui participeront à la création d’une cuisine gastronomique aussi belle que vivante.

En quoi, après quelques années passées au Vietnam, la proposition du Domaine de Castigno, était-elle irrésistible ?

Stéphan Paroche :  C’est le Covid qui nous a forcé à revenir. Ce n'était pas une évidence au début. Nous avions d’autres propositions qui tenaient la route, mais celle-ci correspondait le mieux à notre philosophie. Montpellier me plaisait bien, mais la ville, ce n'est pas mon truc. A Hoï An, au milieu des rizières, on était baignés dans la nature. En sortant de la maison, on voyait des buffles, des canards, des animaux en liberté, et on habitait au coeur d'un village végétal, tout poussait facilement. Il fallait qu'on retrouve quelque chose de similaire.

Est-ce que le contexte viticole, était également intéressant ?

S.P. :  Honnêtement, si je n'avais pas été cuisinier, je pense que j'aurais été vigneron. La seule chose qui me déplairait, serait de ne pas maîtriser le climat, le soleil et les éléments naturels. Vous pouvez d’un coup perdre votre récolte, votre vie… mais sinon je trouve que vigneron et cuisiner, ça se ressemble. Je ne pense pas forcément au vin quand je cuisine, mais plutôt à la philosophie qu'il y a derrière sa production, il va de soi que tout doit être en corrélation.


© Alexia Roux

Ce sol qui est celui de l’appellation Saint-Chinian, est-il propice au maraîchage ?

Lise Roche : Non, c’est la raison pour laquelle nous travaillons surtout en bacs, ce qui n’empêche d’ailleurs pas les échanges avec le sol. Après, même si ce n'est pas une terre qui de base se au maraîchage, le fait de la travailler en biodynamie et en permaculture, avec du paillage et des apports en fumier, nous permet de la nourrir afin d’obtenir de bons rendements et de beaux légumes.

Est-ce vous qui avez installé le potager ?

S.P. : Non pas du tout, je ne suis arrivée qu’en mars 2024. Il était déjà là, organisé par Romain de la ferme Campesina, un producteur bio avec lequel les chefs travaillent beaucoup. Il y a le potager principal situé sur le domaine viticole et un autre près du restaurant pour les fleurs et les herbes aromatiques. 

L.R. : La culture, c'est de la surveillance, de l'observation. Du temps, en fait. C'est comme un enfant dont on s’occupe du matin au soir et même la nuit, on y pense ! C’est vrai, on n'est jamais à l'abri d’une grêle ou d’autre chose, mais ça fait partie de ce travail. Quand on travaille avec la terre, on doit savoir s'adapter. On y est obligé, en fait. Par exemple, nous avons eu beaucoup d'humidité, beaucoup de pluie. Pour les tomates, j'avais préparé un purin de tanaisie, comme on fait en biodynamie. Mais ça n'a pas freiné la propagation, et comme j'ai quand même une production à tenir, je ne peux pas laisser les maladies et les champignons manger mes cultures. Alors j'ai dû faire un traitement au cuivre et au soufre. Mais ce sera le seul de la saison. J’ai mis des œillets entre les rangs de cultures, ce qui est assez courant. Déjà, ça attire les pollinisateurs, et leurs racines sécrètent une substance répulsive pour tous les nématodes. J'ai aussi fait une association des "trois sœurs" : haricot-courgette-maïs, comme on le fait en Amérique du Sud. La courgette fait office de couvre-sol. Le maïs, en montant, va donner de l'ombre et tutorer le haricot. En permaculture et biodynamie, on travaille au maximum les associations.

Votre ambition est-elle de devenir auto-suffisant ?

S.P. :  Non. Au début, avec les producteurs locaux, il a fallu montrer patte blanche. Il a fallu se faire accepter, observer, participer à l'échange. Donc, ça a pris un peu de temps. 4 ans en fait. Ce que nous essayons de mettre en avant sur le Domaine, ce n'est pas nous, mais la région, le département, le terroir. Et puis on a eu la chance de rencontrer Romain, notre maraîcher, avec lequel Lise travaille en corrélation. Donc ce que nous faisons ici aujourd'hui, c’est du test. C'est un pas vers quelque chose qui nous permet de savoir quels produits on pourrait avoir ou non. Toujours dans cet esprit de bien faire. 

L.R. En termes de valorisation du produit, que mes légumes soient travaillés par des chefs, c'est le top. Il est vrai que cette année je n'ai pas encore eu le temps de pousser dans la recherche de légumes hors du commun. Mais il y en a quand même quelques-uns : des minilégumes, de la coriandre vietnamienne, du shiso, une variété de salicorne cultivée…Comme je n'ai assez de surface, la priorité c'est la Table du Castigno (3 toques) et mon but d'y apporter de la diversité végétale.

Comment ce potager contribue-t-il à l’expérience du restaurant ?

S.P. : Par sa valorisation auprès de la clientèle. Il faut leur faire comprendre qu’à l'instant T, ils ont la chance de goûter à des légumes qui viennent du jardin en petite quantité. On parle d’un circuit vraiment très court. Je pense qu’un chef doit s'adapter au lieu où il se trouve. Ici, par exemple, on n'élève pas de cochons ou de bœufs, cependant, au Domaine, on est en plein milieu des vignes et on sait faire les légumes. En revanche, la mer n’est pas loin, l'Aubrac, non plus. Donc il va de soi aussi qu'on travaille aussi ces produits, mais une grande partie de nos menus est végétale.On construit notre menu comme un voyage en Occitanie, mais loin des sentiers battus. Notre rôle en tant que chefs de cuisine est aussi d'apprendre aux gens à se nourrir différemment.

 

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