Les chefs font épicerie
Simple étagère dans un coin du restaurant ou boutique entière, l’épicerie est devenue pour certains chefs un manifeste, une continuité naturelle de leur démarche, voire un axe de développement de leur activité. Pour beaucoup, c’est durant les confinements que sont apparues la nécessité et l’envie de proposer non seulement des plats à emporter, mais aussi des produits frais ou d’épicerie, faisant ainsi profiter à leurs clients des liens étroits qu’ils entretiennent avec leurs producteurs et artisans.
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Alan Geaam, Le Doukane, à Paris
En plus de son restaurant triplement toqué du 16e arrondissement, rue Lauriston, Alan Geaam a fait de cette portion de la rue Saint-Martin son fief, un carrefour au sens propre, où il a installé un bistrot (Qasti), un restaurant shawarma (Qasti Shawarma&Grill), un comptoir de galettes libanaises (Sâj) et… une épicerie (Le Doukane). Une vraie boutique qui, comme ses autres établissements, est une ambassade de la cuisine libanaise.
Gault&Millau : Pourquoi une épicerie ?
Alan Geaam : Je suis fils d’épicier ! Mon père avait une épicerie au Liberia (où je suis né) et, quand on est retournés au Liban, une épicerie à Tripoli. À l’âge de 10 ans, il m’y emmenait, il m’a appris à compter, à accueillir les clients, à choisir les meilleurs produits. Durant le Covid, alors que tout était fermé, j’ai transformé mon bistrot en épicerie pop-up, avec des produits typiques de la cuisine libanaise qu’on ne trouve pas facilement. Les gens ont apprécié.
Autre raison : mon ami, Anthony Rayahel, un foodie-blogueur-youtuber-instagrameur qui fait le tour du Liban, m’a emmené avec lui voir de nombreuses fermes et producteurs. J’ai dit « Let’s go ! » Et nous nous sommes associés sur ce projet.
Enfin, dernier point important : je vis mon rêve français, et j’estime que c’est mon devoir d’amener ma culture dans tous mes projets. J’ai une histoire à raconter.
G&M : Qu’y trouve-t-on ?
A. G. : 90% de produits sont directement importés du Liban, seuls les fromages et les produits frais sont fabriqués en France. Des épices, du zaatar, des condiments, de la crème de sésame (indispensable à la fabrication du houmous), de la mélasse de grenade, du sirop de mûres Mulberry et une grande sélection de vins libanais, méconnus en France.
Le Doukane.
212, rue Saint-Martin, 75003 Paris.
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François Gagnaire, restaurant Anicia, à Paris
En 2014, François Gagnaire quittait son restaurant du Puy-en-Velais et, après un bref passage à l’Hôtel du Collectionneur, ouvrait Anicia (2 toques) dans le 6e arrondissement de Paris. Un lieu de vie ouvert toute la journée (on y sert le goûter en après-midi) qui, dans tous ses aspects, défend et représente sa région, la Haute-Loire. Avec, en produit vedette, la lentille (Anicia est le nom de la variété AOP du Puy), déclinée sous toutes ses formes.
Gault&Millau : Pourquoi une épicerie ?
François Gagnaire : Parce que tout ici parle et vient de la région. Le mobilier, fait par des artisans, les livres, les tableaux, les photos, et même les vidéos sur écran qui présentent des paysages du Velay. Quand nous sommes arrivés ici, nous sommes repartis de zéro, nous avons dû nous adapter tout en gardant nos convictions. Et nous avons diversifié notre offre, en proposant quelque chose de peut-être plus modeste que le précédent restaurant, mais qui correspond en tout point à notre vision. Et parce que si vous cherchez une lentille verte AOP bio, nous sommes l’un des rares endroits à Paris où en trouver !
G&M : Qu’y trouve-t-on ?
F. G. : Des lentilles, bien sûr, mais aussi des confitures, des bières artisanales, des infusions au foin du Mézenc (un mélange de 40 fleurs aux vertus médicinales) ou verveine-citronnelle, une douzaine de liqueurs (verveine, prune, gentiane…) et une rareté fabriquée uniquement en Velais : le fromage aux artisous, de microscopiques araignées qui se développent sur la croûte participant à l’affinage du fromage.
Anicia.
97, rue du Cherche-Midi, 75006 Paris.
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Pierre Rigothier, restaurant Lune, à Vayres
Dans son restaurant, le coin épicerie se résume à une étagère. Mais on y trouve de quoi prolonger le souvenir de son expérience avec des produits cuisinés par le chef et d’autres qu’on ne trouve pas facilement dans cette région en marge de Bordeaux.
Gault&Millau : Pourquoi une épicerie ?
Pierre Rigothier : Avant le confinement, c’était déjà quelque chose que ma femme et moi avions envie de faire. Les circonstances ont fait que ça s’est accéléré. Nous nous sommes alors mis à faire des conserves, des granolas, des pâtisseries… Notre démarche était aussi d’aider nos amis producteurs qui avait perdu quasiment toute leur clientèle. Nous ne sommes que deux en cuisine, il ne faut donc pas non plus que ce soit un sacerdoce. Par exemple, si je fais une terrine de porc Kintoa truffée, j’en mets une partie à la vente. On calcule le prix de vente afin de ne pas perdre d’argent, c’est vraiment de la vente additionnelle, un léger développement du chiffre d’affaires, comme quand vous allez au musée et repartez avec une babiole !
G&M : Qu’y trouve-t-on ?
P. R. : Des bocaux de soupe, de truite ou de bonite confites à l’huile d’olive, du granola, de la charcuterie de Pierre Oteiza, de l’huile d’olive de Xavier Alazard, des produits du Monde de la Truffe.
Lune.
56, avenue de Libourne, 33870 Vayres.
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Joseph Viola, épiceries Daniel & Denise, à Lyon
Pour Joseph Viola, l’épicerie est une activité qui a commencé avant le Covid avec l’ouverture d’une premier comptoir-boutique à Villeurbanne, en 2017. Comme beaucoup de ses confrères, il a, durant la crise, transformé ses restaurants en vente à emporter, et c’est en 2021 qu’il ouvre une seconde boutique face à son bouchon historique de la rue de Créqui, à Lyon. Aux côtés des plats à emporter, une gamme de produits à son nom, accessibles hors de la région lyonnaise via un eshop, quelques épiceries fines et des boutiques d’aéroport.
Gault&Millau : Pourquoi une épicerie ?
Joseph Viola : Les modes de consommation sont en train de changer. Nous le sentions déjà en 2017 avec la première épicerie. On ne peut plus être simple restaurateur, il faut diversifier son panel, devenir bistrotier, épicier, etc. C’est ma fille Julia qui s’occupe de développer la marque. J’établis les recettes, je fais tous les essais et, puisque nous travaillons en stérilisation, je prends un faiseur qui fait toutes les recettes et les cuissons selon les normes européennes afin de pouvoir les expédier à l’étranger. Pas question de travailler en marque blanche, en mettant le logo sur n’importe quel produit, c’est vraiment nous qui le créons. Mettre nos conserves dans les aéroports, c’est faire voyager notre enseigne. Il y a je ne sais combien de personnes qui vont passer devant et se demander, « C’est où Daniel et Denise ? » Car notre métier numéro un, c’est avant tout d’être restaurateur. Je gagne de l‘argent en les mettant là, mais je gagne aussi en visibilité.
G&M : Qu’y trouve-t-on ?
J. V. : En boutique, les fameux pâtés en croûte (il en fabrique 3 tonnes par an !), des bocaux de terrines, gras double, quenelles et autres spécialités lyonnaises, et surtout une gamme de jus, bouillons et fonds de sauce fort utiles pour cuisiner à la maison.
Daniel & Denise.
156, rue de Créqui, 69003 Lyon.
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