Le plat signature évolutif : innover tout en rassurant
Le plat signature a-t-il encore sa place sur les cartes des restaurants ? Certains chefs ont trouvé la parade pour le conserver tout en innovant. Florilège.
Alors que le plat signature était l’apanage des chefs pendant longtemps, il paraît aujourd’hui un peu désuet. De nos jours, la plupart des cuisiniers jouent avec les saisons et ne souhaitent surtout pas s’ancrer dans une spécialité, préférant la magie de la création quasi quotidienne. Mais l’entre-deux est-il possible ? Sébastien Bras, Mathieu Viannay, Arnaud Lallement, Anne-Sophie Pic ou encore Thomas Chisholm ont tous un plat signature à la carte, qu’ils font évoluer au fil des ans. Une manière pour eux d’innover, tout en rassurant leur clientèle, qui souhaite absolument goûter le plat en question.
Une centaine de versions du coulant de Sébastien Bras
L’artichaut et foie gras “hommage à la Mère Brazier” de Mathieu Viannay, les berlingots d’Anne-Sophie Pic ou même le Homard “hommage à mon papa” d’Arnaud Lallement… Ces plats emblématiques figurent à la carte de ces chefs depuis de nombreuses années, mais jamais tout à fait de la même façon. Une farce, un assaisonnement ou un mode de cuisson peut changer d’une saison à une autre, tant que la trame principale reste la même.
Le champion toutes catégories du plat signature évolutif est sans doute Sébastien Bras. Au restaurant Le Suquet (4 toques) à Laguiole, il sert encore le célèbre coulant au chocolat que son père Michel Bras a imaginé au début des années 1980. “Ce dessert, c’est la retranscription d’un moment passé en famille. On revenait d’une journée de ski et ma mère nous avait préparé un grand bol de chocolat chaud dont l’odeur embaumait la pièce. Cela peut paraître anodin, mais c’était un instant de cohésion que mon père a voulu recréer sous forme de dessert, avec un gâteau solide à l’extérieur, mais coulant à la découpe”, nous raconte le chef.
Quarante ans plus tard, Michel Bras a laissé la place à son fils Sébastien, qui n’a pas réussi à le retirer de la carte. “J’ai essayé il y a quelques années, mais tous les clients le réclamaient !” Alors, pour satisfaire les convives sans se lasser, le chef du Suquet a décidé de proposer des versions différentes du coulant, tout en laissant en permanence celui au chocolat à la carte. “Je garde la même structure, avec une coque extérieure rigide et un cœur qui coule à la découpe. Aujourd’hui, plus d’une centaine de versions ont été proposées, aussi bien sucrées que salées”, énumère Sébastien Bras. Sa version favorite ? Le coulant à la courge, avec une enveloppe en chocolat et une crème glacée au beurre noisette. “C’est un triptyque qui fonctionne à merveille”, assure-t-il.
© Flora Bras © Anne-Claire Héraud“L’adaptation est l’essence même de notre métier”
Pour Thomas Chisholm, du restaurant Chocho (1 toque) dans le Xᵉ arrondissement de Paris, l’histoire est un peu différente. Alors qu’il travaillait encore chez Grive, le jeune chef s’est demandé quel était le meilleur moment d’un repas. “Celui où l’on sauce m’est apparu comme une évidence”, se souvient-il. Est alors né le fameux “plat à saucer”, à la carte de son restaurant depuis l’ouverture. “Il est toujours composé d’une purée, d’une sauce, d’une huile aromatisée et d’un condiment, que l’on vient saucer avec un pain maison. On l’adapte selon les saisons, on l’emmène dans un univers différent à chaque fois, mais il est toujours là”, explique Thomas Chisholm, qui propose actuellement la dixième version de ce plat. “Depuis l’ouverture de Chocho, plusieurs chefs à travers la France ont repris l’idée. C’est très flatteur, mais ça m’incite d’autant plus à le garder à la carte, car cela veut dire que c’est une bonne idée”, sourit-il.
© Antoine MotardDe son côté, Sébastien Bras ne se lasse pas non plus de son coulant en constante évolution, tout comme le gargouillou, autre plat signature à base de légumes de saison. “Ce n’est jamais exactement le même d’un jour à l’autre, car il s’agit d’une photographie de la nature à un instant-T, selon la cueillette. C’est d’ailleurs tout l’intérêt de ce plat ! De la veille au lendemain, même du déjeuner au dîner, on ne sait jamais vraiment comment il va évoluer. Selon moi, cette adaptation est l’essence même de notre métier !”
À 52 ans, le chef du Suquet avoue même que le coulant au chocolat reste son péché mignon. “Souvent, après la coupure vers 17h, je passe en pâtisserie pour voir s’il en reste. La texture est différente de celle du gâteau servi aux clients, car le chocolat a refroidi. Le biscuit a ramolli et l’intérieur est moins fluide, mais ça reste mon goûter favori ! Je me suis même demandé si l’on pouvait proposer cette version aux clients, mais je ne l’ai jamais fait”, s’amuse le chef. La preuve que ce dessert signature a encore de beaux jours devant lui.
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