Le design au service de la gastronomie
Passionnés d’art et d’architecture, Michel et Sébastien Bras ont installé La Halle aux Grains au sein de la Bourse de commerce, qui abrite la collection Pinault. Une ode au grain qui se traduit dans et sur l’assiette, avec l’appui de la designer Élise Fouin. Retour sur une collaboration réussie.
Depuis 2021, Michel et Sébastien Bras ont élu domicile au troisième niveau de la Bourse de commerce de Paris, où s’expose la collection d’art contemporain Pinault. Là, ils ont installé La Halle aux Grains. Offrant une vue imprenable sur l’œuvre de l’architecte Tadao Ando, qui a transformé l’édifice, le restaurant-café, ouvert de midi à minuit, a été imaginé par les architectes de l’agence NeM, Lucie Niney et Thibault Marca, et l’espace et ses objets par les designers Ronan et Erwan Bouroullec.
Dans ce lieu chargé d’histoire, l’établissement s’inspire de l’origine du bâtiment, une halle aux blés, et se place sous le signe du grain. Véritable fil conducteur, il se décline dans tous les domaines : la cuisine, bien sûr, mais aussi les vins, la déco, le textile ou encore les arts de la table, qui tiennent une place à part entière. Pas question ici de choisir parmi des pièces ou services existants. Les frères Bras ont souhaité une vaisselle spécifique, design et pratique. Ils se sont tournés vers la créatrice Élise Fouin et ont fait appel au savoir-faire de la maison Jars pour la réalisation. « Comme les Bras, j’ai une sensibilité pour les matières. Du fait de mes origines, d’avoir vu mon père travailler la terre au volant de son tracteur, j’ai ce fort attachement à la ruralité. Je me suis servie de cela pour puiser l’inspiration qui a guidé mon projet, celle du sillon et du semoir », confie Élise Fouin.
Ainsi, les assiettes, tout comme les bols, reprennent l’idée du semoir et de sa roue dentée qui aide à ouvrir la terre pour y déposer les semences. Il est symbolisé ici par un unique cran en relief, comme un sillon tracé dans le grès, et un petit rond évoquant la graine. Le plat rectangulaire imaginé pour les tartes de l’instant et les dessous des tasses, elles-mêmes sans anse pour mieux appréhender la matière, rappellent des paysages de champs et sont eux aussi rythmés de multiples rainures.
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Un projet technique
Au cours des deux années qui ont précédé l’ouverture de La Halle aux Grains, de nombreux allers et retours ont eu lieu entre Michel Bras et Élise Fouin, pour affiner un détail, ôter un excès de matière, le tout dans la justesse pour donner encore plus de sens et de force au projet. Un exemple parmi d’autres, le sillon creusé sur chaque assiette. Sa vertu est loin de n’être que décorative. « Placé à 14 heures, il fournit aux cuisiniers un point de repère et de départ pour réaliser le dressage avec harmonie, indique la créatrice. Mais il possède une autre fonction, utile au service. Il permet de savoir comment présenter l’assiette aux convives, un soin du détail très important pour les Bras. Il donne aussi à la personne une idée instinctive du sens de dégustation. »
Autre particularité de cette collection créée sur mesure, l’empilement de tous les contenants devait être facile en raison du peu d’espace de stockage disponible dans le restaurant. « J’ai donc imaginé des assiettes et des bols assez plats, sans fioritures, ce qui renforce la notion de minimalisme, poursuit Élise Fouin. Il fallait aussi que chaque contenant soit simple à manipuler pour le bien-être des équipes. »
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L’art du détail
Pour Michel et Sébastien Bras, rien n’est le fruit du hasard. À l’exemple du bol qui sert à offrir le bouillon en guise d’accueil. En l’absence de cuillère, le récipient doit être saisi pour boire, ce qui induit un contact avec la matière dès le début du repas. Il a été conçu avec un fond plat pour être présenté retourné et pouvoir y déposer le couteau imaginé spécialement par A+B Designers & Forges de Laguiole.
La vaisselle révèle son irrégularité volontaire, comme autant de traces du travail de la main. Après de multiples essais, à la fois de fabrication et de nuances, la teinte retenue est la couleur du grès, sans aucun ajout de pigment. Selon les pièces, un émail transparent est appliqué pour valoriser la matière. Une façon de renforcer cette notion de naturalité et d’évoquer la terre nourricière. La seule exception à cette règle est le support qui accueille les quelques graines qui éveillent les papilles. Imaginé comme le reste de la collection en céramique, c’est finalement en sarrasin qu’il est proposé… et offert à la dégustation. Un beau symbole qui fait le trait d’union entre contenu et contenant.
