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La vérité sur la paella

La vérité sur la paella

Une masse de riz jaune constellée de moules, de crevettes, de poivron rouge et de poulet : telle est la paella des marchés ou des traiteurs français. Mais la paella, la vraie, c'est d'abord un plat traditionnel, une identité culturelle, un lien étroit avec la fête et des règles de préparation strictes.

Sophie Brissaud

Le terme paella désigne à la fois un ustensile – une large poêle en fer à deux anses – et le plat qu'on y prépare. C'est aussi un symbole festif, car l'expression « ir de paella » – « aller en paella » –, signifie faire la fête. D'ailleurs, en Espagne, on préfère parler d'« arroz en paella » (« riz en paella ») ou simplement d'« arroz », paella tout court désignant la classique paella valencienne, au sujet de laquelle s'affrontent les puristes, comme pour toute recette emblématique.

Avant tout, la paella, c'est le riz. Il est l'âme du plat, sa raison d'être quand les autres ingrédients se mettent à son service. Dans le cas d'une paella aux fruits de mer (paella a banda) – « a banda» signifie « les à-côtés » –, la fonction principale des ingrédients est de donner tout leur goût au riz. D'ailleurs, la banda est traditionnellement servie avant le riz, dont on se régale ensuite, car il a concentré toutes les saveurs.

La richesse des zones humides

Après l'Italie, l'Espagne est le deuxième producteur de riz en Europe (entre 800 et 900000 tonnes par an). La céréale, acclimatée par les Arabes au VIIIe siècle, a trouvé son paradis naturel dans les zones humides littorales de la péninsule Ibérique : l'Andalousie (marais du Guadalquivir), la région de Murcie, le marais d'Albufera au sud de Valence, la Communauté valencienne et le delta de l'Èbre en Catalogne méridionale. Au cours de cette longue histoire agraire, le riz est devenu indissociable de la vie espagnole en tant que ressource économique, culture de subsistance et base des gastronomies locales.

L’espèce botanique Oryza sativa – le riz – se divise en deux catégories : Oryza indica, le riz à grain long, et Oryza japonica, le riz à grain rond. L’Espagne a toujours préféré le second, orientant ainsi de façon décisive sa préparation du riz. Si le riz japonica, aux grains courts et perlés, a moins de goût que le riz indica, il se révèle un excellent conducteur de saveurs, ce qui le rend idéal pour la paella. L’amidon qu’il libère à la cuisson lie harmonieusement les préparations et leur donne une texture onctueuse. Au sein de cette vaste zone de culture littorale, trois AOP (appellation d’origine protégée) se détachent : Calasparra (Murcie), Albufera (Valence) et Delta de l’Èbre (Catalogne méridionale). Sous cette estampille se trouve le plus souvent un riz de variété bomba – la vedette incontestable de la paella –, mais il peut également s’agir d’autres variétés locales comme sénia, bahía ou hybrides. 

Paella © Sébastien Dubois
© Sébastien Dubois

Arroz bomba, le super riz

Le riz bomba, issu d’une plante peu productive, est à peu près trois fois plus cher que les autres. Pourquoi le préférer ? « Parce que sa cuisson est plus facile à mener que celle d’un riz sénia ou bahía, explique Alberto Herraiz, chef propriétaire du Fogón Ultramarinos à Paris. Ces deux autres riz ne sont pas de moindre qualité, mais le bomba est le plus apprécié pour ses exceptionnelles capacités d’absorption : un peu plus de deux fois son volume d’eau. En outre, il gonfle dans le sens de la longueur, ce qui lui assure une bonne tenue à la cuisson. » Et comme l’écrivait si bien Jorge Luis Borges, « Dans une paella bien faite, chaque grain de riz garde son individualité. » Le riz bomba est capable de réaliser une parfaite osmose entre le bouillon, les ingrédients, les aromates et lui-même. Une cuillerée restitue la saveur identifiable de chaque ingrédient, plus un autre goût issu de la combinaison de ces saveurs. Grâce au riz, le tout devient supérieur à la somme de ses parties : c’est là que réside le secret de la paella.

Le riz rond permet aussi de contrôler la consistance d’une paella : elle peut être humide, moelleuse, ou au contraire sèche avec un socarrat, une couche de riz grillé au fond du récipient, très appréciée des amateurs. On l’obtient en reposant la paella sur le feu après cuisson, mais le socarrat ne doit avoir que l’épaisseur d’un grain de riz et ne doit surtout pas brûler. Ceux qui aiment cette couche croustillante peuvent aussi se régaler d’une paella ultrafine, où le socarrat domine. Quiconque a goûté la base croquante d’une paella fine préparée dans les règles de l’art ne pourra plus revenir aux barquettes de riz jaune vendues sur les marchés. De toute façon, une paella ne se réchauffe pas !

Paella : à faire, à ne pas faire

  • Si vous n’avez pas de riz bomba, utilisez un riz rond de Camargue, un riz italien à risotto ou un riz japonais.
  • Ne mélangez pas différents types de riz.
  • Comptez 100 g de riz par personne.
  • Ne lavez jamais le riz.
  • Pour savoir si votre paella est bien cuite, croquez un grain de riz : il doit éclater et céder sous la dent, sans la présence d’un « noyau » ferme au centre du grain. Si le grain est encore dur à cœur, laissez la paella quelques instants sur feu doux. La loi du« al dente » n’a pas cours en Espagne.
  • Après avoir lavé et séché votre paella (le récipient), huilez-la jusqu’à la prochaine utilisation.
  • En dehors du feu de bois ou de charbon, la meilleure source de chaleur pour une paella est un réchaud à gaz à large foyer.
  • Le fond légèrement concave d’une paella traditionnelle la rend inadaptée aux plaques vitrocéramiques, mais il existe des paellas à fond plat (en acier inoxydable ou en métal émaillé).
  • On trouve de tout dans les paellas françaises, mais la recette de la vraie paella valencienne ne contient pas de fruits de mer.
Cet article est extrait du Magazine Gault&Millau #10. Celui-ci est disponible en librairie et sur le e-shop Gault&Millau.
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