La renaissance des vins bretons
Si on retrouve des traces datant de l'époque gallo-romaine, la Bretagne est aujourd'hui une terre vierge de tradition viticole récente. Elle est donc en mesure de tester de nouveaux cépages, innover, inventer, et même partir à la recherche de raisins oubliés. De belles découvertes en perspective.
Depuis la nuit des temps, la Bretagne a goûté au divin breuvage. Tout du moins depuis l’époque gallo-romaine, ce qui remonte tout de même au Ier siècle de notre ère. C’est ce que nous révèle la découverte de deux pressoirs lors de fouilles à Piriac-sur-Mer, en presqu’île guérandaise. Au cours de l’histoire, on en retrouve trace dans des abbayes sur tout le territoire, comme à Landévennec par exemple, mais aussi dans des fermes pour des consommations personnelles. L’ouvrage La Vigne et le Vin en Bretagne de Guy Sandrenan (éd. Locus Solus), évoque aussi Dol-de-Bretagne, en lisière des marais de la baie du Mont-Saint-Michel, et les secteurs de Redon, Langon, Malestroit et Dinan…
Jusqu’à une période récente, seules persistaient des vignes patrimoniales, familiales et associatives, regroupées au sein de l’ARVB (Association pour la reconnaissance des vins bretons). L’organisme, créé en 2006, a donné l’occasion de goûter des vins de très belle facture, réalisés par des vignerons amateurs, mais non dépourvus d’expérience. Si l’idée d’un vin breton en fait sourire plus d’un, d’autres en ont rêvé comme d’une utopie à portée de sécateur. À l’instar du vignoble d’Île-de-France, qui aujourd’hui bénéficie d’une reconnaissance officielle grâce à l’obtention d’une IGP (Indication géographique protégée), le vin breton ne demandait qu’à renaître de ses cendres.
En 2016, tout s’accélère avec un texte européen portant sur la libéralisation des droits de plantation. À partir de cette date commencent à apparaître sur les coteaux de la région des pieds de vigne forts d’une nouvelle identité. Le vin breton devient officiel. En 2022, La Revue du vin de France publie un dossier sur «L’incroyable renaissance du vignoble breton». À ce jour, on dénombre une trentaine d’installations professionnelles à destination de commercialisation. Tous les mois, deux à trois projets voient le jour, comme l’évoque Aurélien Berthou, coprésident de l’Association des vignerons bretons (AVB). Demain, les vignes fleuriront à perte de vue sur les courbes des paysages bretons, pour un vin nouveau qui aura le goût du rêve devenu possible.
L’avenir des vins bretons
Si les vins ont existé de longue date en Bretagne, leur goût devait différer de nos critères actuels. Ils étaient probablement rarement à maturité complète, et donc acides et très légers. Ils suffisaient aux fonctions sacerdotales et remplaçaient l’eau qui n’était pas toujours potable, comme dans beaucoup de régions de France. Aujourd’hui, la Bretagne bénéficie d’un climat plus clément pouvant donner des vins plus riches et moins tanniques. Valérie Bonnardot, enseignante-chercheuse en géographie physique et environnement à l’université de Rennes, suit ce territoire de près : « Si on compare les valeurs des températures moyennes saisonnières de la période récente 1991‑2020 à celles de la période 1961‑1990, un écart d’au moins 1 °C en moyenne annuelle est enregistré. » Plus l’ensoleillement est important, plus les degrés de températures sont élevés, plus il est facile d’atteindre une pleine maturité qui se mesure grâce au taux de sucre – le taux sera d’environ 170 g/l pour un effervescent et 200 g/l pour un vin blanc.
Certains cépages dits précoces vont atteindre leur maturité plus rapidement que les tardifs. Le chardonnay, le sauvignon, le pinot noir et le gamay sont par exemple plus précoces que les cépages du sud de la France comme les carignans ou les mourvèdres. Et encore plus précoce que le chardonnay, le pinot meunier… Certains cépages issus de croisements sont fort intéressants, comme le müller-thurgau originaire de Suisse. Citons également le portugais bleu et le pinot blanc, le pinot gris, l’aligoté, le gamay noir et le gewurztraminer.
Terre vierge de tradition viticole récente, la Bretagne peut tester de nouveaux cépages, innover, inventer, et même partir à la recherche de raisins oubliés.
Un goût d’Armorique
La Bretagne, dont la superficie est proche de celle de la Bourgogne, est dotée de sols et de microclimats très variés. Le socle géologique est majoritairement riche en silice (granite, schiste, grès) avec des secteurs gravelo-sablo-argileux. Le climat océanique donne des vins plutôt légers et croquants : les blancs se rapprochent des chablis pour leur fraîcheur, et les rouges des vins allemands ou bourguignons pour leur délicatesse. La Bretagne est innovante, inventive, riche de multiples expériences et de « métissages ». Au vu de la liberté dans les choix des cépages, nous ne sommes pas à l’abri de faire des découvertes qui vont surprendre nos papilles. Les vins bretons ont le goût de l’aventure et d’horizons nouveaux. Ils ont le goût de l’improbable.
Domaine Les Longues Vignes, premier vin breton officiel
Édouard et Pauline Cazals sont installés à Saint-Jouan-des-Guérets, dans l’estuaire de la Rance. Loin d’être un novice, Édouard, titulaire d’un BTS viticulture-œnologie obtenu à Saint-Émilion, a promené son sécateur de la Nouvelle-Zélande à la Bourgogne, en passant par Bordeaux, chez François Mitjavile ou Jean-Luc Thunevin (Château Valandraud). Fort de cette expérience, mais aussi pourvu d’un vrai bon sens paysan, il a choisi un lieu connu pour avoir produit du vin. Le secteur est en effet mentionné depuis le XIe siècle et la parcelle qu’il a replantée était enregistrée au cadastre au nom de « La Cabane aux Longues Vignes ». Depuis leur belle situation face à la mer, les 4 hectares conduits en bio viennent de voir naître deux premières cuvées « Glaz » (mot breton qui définit une couleur située entre le bleu et le vert), l’une en blanc, l’autre en rouge, dont les maturités sont très belles (millésime 2022) et gardent un croquant d’une délicatesse remarquable. Il aura fallu cinq ans pour faire aboutir ce projet qui a l’identité bretonne chevillée au corps.
Cuvée : Glaz : 87/100
Belle exposition plein sud regardant la vallée de la Rance, terroir de schiste et de quartz, de beaux raisins de grolleau en conversion bio, des levures indigènes, un taux de dioxyde de soufre riquiqui (28 mg), une vinification de type infusion… C’est beau, caressant, soyeux, délicat, subtil, un rien friand en bouche, souple et léger, floral à souhait et avec une lichette de poivre sur l’allonge. Allez, sortez la nappe à carreaux pour un pique-nique avec quelques charcuteries, quiches, cuisses de poulet et rôti de veau !
Cuvée : Glaz : 85/100
Les vignes sont exposées plein sud sur un coteau qui domine la vallée du fleuve de la Rance. En conversion bio, ce 100% chardonnay livre un vin précis dans un style entre fraîcheur et finesse. La fleur d’oranger vient taquiner les agrumes sur fond de poire et de pêche blanche. Après quelques minutes d'aération, le vin gagne en suavité sans perdre son dynamisme ni son côté croquant et vivifiant. Avec des fruits de mer bien évidemment, et même quelques tranches d'andouille de Guémené.
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