La fine lame des chefs

Le précurseur de ce mouvement de personnalisation des couteaux de table est Michel Bras, qui avait fait dessiner son couteau par l’architecte Éric Raffy, alors même que naissait Le Suquet, en 1992, sur les collines de l’Aubrac. En 2003, Alain Passard, chef de L’Arpège, tentait lui aussi une incursion dans le design avec l’orfèvre Christofle, en dessinant des couverts pensés pour savourer ses chers légumes…  

Aujourd’hui fabriqués à l’ancienne, à la main et en quantités très artisanales, les couteaux de table des maisons puydômoises ou aveyronnaises sont devenus le nouveau chic des restaurants gastronomiques. Un artisanat haut de gamme plébiscité par les toqués de la cuisine. « Quand c’est beau, c’est bon », rappelle Guy Savoy. 

• Guy Savoy, avec Tarrerias Bonjean

Guy Savoy et le designer Bruno Moretti se rencontrent au bord de l’étang de Thau, cher au chef, pour réfléchir à des couteaux uniques. Leur première collection, conçue pour la cuisine et réalisée par Tarrerias Bonjean (TB), coutelier à Thiers depuis 1648, portera le nom de l’étang. La collection « Ulu & Savik », couteaux de table épurés, à la simplicité presque déconcertante, suivra. « Si nos ustensiles de cuisine sont exceptionnels, ceux de nos tables doivent l’être aussi », estime Guy Savoy. 

• Les Bras, père et fils, avec la Forge de Laguiole

Le fort attachement à leur région a tout naturellement poussé Michel et Sébastien Bras à se tourner vers la Forge de Laguiole pour aboutir une collection de couteaux dessinés en famille. Une collaboration qui a commencé dès l’ouverture du Suquet. L’Aubrac passe désormais aussi de la cuisine à la table du Café Bras au sein du musée Soulages (Rodez), ainsi qu’à La Halle aux Grains au cœur de la Fondation Pinault (Paris). La Forge de Laguiole crée également pour Anne-Sophie Pic, avec le studio C+B Lefebvre, et Olivier Gagnère, avec Jean-Yves Schillinger. 

• Yves Charles, avec Perceval

En 2004, alors qu’il reçoit des amis dans son restaurant, Yves Charles remarque que certains convives s’apprêtent à déguster son magret de canard avec leur propre couteau : « Le Français » de Perceval. Déclic. Le chef se rend à Thiers pour mettre au point un couteau de table qui aurait les qualités de ce fameux fermant signé Perceval. « Je suis venu acheter des couteaux, je suis reparti avec la coutellerie », raconte-t-il. Yves Charles est en effet devenu propriétaire de la coutellerie. Son célèbre « 9.47 » y est né. Le chef a, depuis, revendu la maison Perceval à Félix Poché (en mars 2022). 

• Les Marcon, père et fils, avec Chambriard

Pour leur maison de Saint-Bonnet-le-Froid, Régis et Jacques Macron cherchaient le couteau à viande parfait, revenant à la source de la fonction d’un couteau : son pouvoir tranchant. Lorgnant sur le célèbre « Thiers », fer de lance de la coutellerie Chambriard, devenu l’icône de la cité auvergnate, ils imaginent une pièce qui serait conçue avec autant de soin qu’un couteau de poche, un outil montagnard adapté à la table, svelte, élégant et efficace. Ce couteau siglé trône toujours à leur table et il n’est pas rare de croiser encore aujourd’hui les Marcon dans la boutique de Philippe Chambriard.  

• Les frères Pourcel, avec Claude Giraud

Il y a dix ans, les frères Pourcel ont tenu à être présents dans l’atelier de l’artisan coutelier Claude Giraud pour assister à la naissance du couteau de table destiné à leur Jardin des Sens. Un souvenir précis pour son épouse, Véronique, qui a eu la responsabilité du déjeuner ! Les chefs ont participé au dessin et choisi l’os de girafe pour le manche. Ce couteau siglé, qui se lave à la main, reste une œuvre d’art, à tel point que le maître d’hôtel garde un œil attentif, au cas où un client serait tenté de l’emporter en souvenir…