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Julie Cavil

Julie Cavil

Laurent Vuillaume | 28/06/2022 10:00
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Cheffe de cave de Krug, l’une des maisons les plus prestigieuses de la Champagne, Julie Cavil nous reçoit pour nous faire découvrir, avant sa sortie en septembre, le Clos du Mesnil dans le millésime 2008. L’occasion de l’interroger sur son parcours, la maison et ce millésime.

GaultMillau : Comment êtes-vous devenue cheffe de cave de Krug ? Quel est votre parcours ? 

Julie Cavil : On m’aurait dit ça il y a vingt ans, jamais je ne l’aurais cru ! Pas du tout champenoise, avec des parents qui n’étaient pas dans le milieu du vin, je fais le Celsa, puis une école de commerce, et je travaille pendant six ans en agence de publicité. Six ans pendant lesquels je forme mon goût, je fais des dégustations entre amis. Et la passion monte très vite, alors je décide de me lancer. Mon mari a pris un poste en Champagne, j’ai donc repris mes études, d’abord un BTS viticulture-œnologie, puis le DNO (diplôme national d’œnologue) ; j’ai fait ensuite mes stages chez Moët et Chandon, Dom Pérignon, et j’ai rejoint Krug en 2006. Assez vite, on a senti avec le chef de cave [Éric Lebel, chef de cave durant vingt et un ans, NDLR] qu’il y aurait une suite, et puis voilà… on a commencé une longue transition, petit à petit. En 2014, j’ai pris la direction du service œnologie et, en 2020, celle des assemblages également. C’est une très belle histoire. 

 

G&M : Chez Krug, vous mettez en relation les vins et la musique. Grande Cuvée est l’orchestre, les Clos sont les solistes. Alors, plutôt soliste ou chef d’orchestre ? 

J. C. : Chef d’orchestre, clairement ! Si on peut faire un orchestre, c’est parce qu’on possède une multitude de solistes à faire jouer ensemble. Chaque parcelle est traitée individuellement, écoutée pour elle-même, traitée comme si elle pouvait potentiellement être soliste. Avec nos vignerons partenaires, on cultive les différences, les personnalités, pour avoir une palette la plus contrastée possible pour ensuite les réconcilier dans un seul flacon, comme un orchestre. 

 

G&M : Le soliste du jour, c’est le Clos du Mesnil. Comment ça se passe pour lui ? 

J. C. : Les vins clairs du Clos sont goûtés comme les autres, à l’aveugle, et ensuite on décide de faire (ou de ne pas faire) une cuvée dédiée, de les réserver ou de les attribuer à l’assemblage. Le Clos est élaboré exactement comme les autres vins. On ne choisit pas des fûts différents, on n’opère pas une viticulture différente, on a la même obsession pour les dates de cueillette que pour les autres parcelles. Dans le Clos, il y a des vignes plus jeunes et plus anciennes, plus ensoleillées ou plus à l’ombre. On ne vendange pas tout en une fois. Nous recherchons la plus belle expression de l’agrume. Nous ne voulons ni le côté végétal ni le fruit jaune, on recherche cet équilibre de l’agrume parfaitement mûr. Si on récoltait le Clos du Mesnil en une matinée, ce qui serait faisable, on aurait un joli vin, mais il y aurait probablement un peu de trop mûr, un peu de pas assez mûr… alors, on vendange en plusieurs fois, jusqu’à dix fois certaines années. 

 

G&M : Comment prenez-vous la décision de sortir le Clos du Mesnil 2008 maintenant, ni avant ni après ? 

J. C. : C’est la dégustation qui décide. On déguste très régulièrement les bouteilles pour voir où elles en sont, à quelle vitesse elles évoluent avant dégorgement. Ensuite, on anticipe les essais de dosage, généralement autour de 4 g/l, et on laisse huit mois minimum avant de regoûter. Si on décide de dégorger, il y a encore douze mois avant de les sortir sur le marché… Il faut donc beaucoup anticiper. Parfois, l’ordre des millésimes est bouleversé – comme 1989 avant 1988, ou 2003 avant 2002. C’est vraiment la seule dégustation qui arbitre. C’est une décision toujours très difficile à prendre. Si on s’écoutait, on attendrait toujours plus… mais il y a des amateurs qui les aiment sur cette fraîcheur. Pour « Collection », on garde des bouteilles de millésimes sur lies. On les goûte régulièrement, on voit les arômes se concentrer et évoluer, et quand il présente une nouvelle facette de lui-même, on le représente en « Collection ».  

 

G&M : Toutes les bouteilles de Clos du Mesnil d’une année sont-elles dégorgées en une seule fois ? 

J. C. : Ça dépend, il y a eu des clos dégorgés en une seule fois. Pour 2008, il y a plusieurs lots, donc plusieurs dégorgements. On ne fait pas de version « Collection » sur le clos. En revanche, il y a une règle sur laquelle on ne transige pas : celle des fameux douze mois de cave après dégorgement.  

 

G&M : Revenons au champagne Krug Grande Cuvée, dont on goûte aujourd’hui la 164e édition. Il repose beaucoup sur ses vins de réserve des années précédentes. Comment sélectionnez-vous chaque année les vins clairs que vous allez utiliser et ceux que vous gardez en réserve pour les années suivantes ? 

J. C. : La première étape, c’est la dégustation de printemps. Tous les vins sont goûtés à l’aveugle avec le comité et je donne déjà mes premières orientations sur chaque échantillon. Quand j’ai des vins qui sont bien structurés, qui ont une certaine vivacité et qui vont pouvoir traverser le temps, j’optionne pour les mettre en réserve. Quand le vin est vraiment magnifique, on se dit qu’on va le garder. Pour d’autres qui étaient très beaux en hiver, un peu moins au printemps, mais dont je sens le potentiel, eh bien je vais les mettre également en réserve. Après ces premières orientations, je repasse dessus plusieurs fois, je retravaille et, en fonction de mes 4000 notes, je crée l’assemblage idéal de « Grande Cuvée ». Les vins de réserve représentent entre 30% et 50% de l’assemblage, ça veut dire que, chaque année, je remets en réserve également ce pourcentage de nouveaux vins de l’année. Krug, c’est l’école de la patience : il y a des vins que je réserve aujourd’hui qui seront travaillés par les générations suivantes ; je travaille sur la transmission dès aujourd’hui. Je laisse des vins, mais aussi des livres entiers de notes sur nos essais, nos décisions et nos choix d’aujourd’hui.  

 

G&M : Vous pouvez nous parler de l’année 2008 ? 

J. C. : Je suis très contente de présenter ces trois cuvées (Clos du Mesnil 2008, le Millésime 2008, et la 164e édition de Grande Cuvée recréée autour du millésime 2008), parce que c’est une année que je trouve absolument magique. C’est une de ces grandes années classiques, au climat vraiment champenois, à la maturation lente, sans à-coups, qui a donné des vins très structurés, très droits, très verticaux comme des chênes de hautes futaies. 2008, c’est toute la différence entre intensité et puissance : ça donne des vins sublimes, charismatiques, mais sans en faire trop. Ils sont très ciselés, et possèdent un éclat, une brillance très particulière. 

 

G&M : 2008 n’est-il pas, sous certains aspects, un peu trop parfait, un peu premier de la classe ? 

J. C. : Chez Krug, on donne des petits noms aux millésimes. 2008, c’est « élégance intemporelle ». C’est le grand classique, le petit rat de l’opéra qui virevolte sans un cheveu qui dépasse. Premier de la classe, oui, mais trop parfait, non. 

 

G&M : Des particularités pour cette cuvée du millésime 2008 ? 

J. C. : Oui, une particularité : c’est une majorité de pinot noir (53%) et un peu plus de meunier (25%) que de chardonnay (22%), mais ce n’est pas volontaire, c’est la résultante de la dégustation. 

 

G&M : Pour schématiser et conclure, pourriez-vous donner trois expressions pour chacun de ces trois vins ? 

J. C. : Clos du Mesnil : « La plus pure expression du chardonnay vue par Krug. »  

Millésime : « La musique d’une année », jamais la même, parfois une fanfare, parfois un quatuor à cordes.  

Grande Cuvée : « L’orchestre », la réconciliation des paradoxes, la musique de la Champagne. 

 

Le Clos du Mesnil 2008 sera disponible en septembre chez les meilleurs cavistes.

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