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Gastronomie, outil du rayonnement français

Gastronomie, outil du rayonnement français

Sylvie Berkowicz | 14/03/2022

À l’occasion de l’entrée des chefs Anne-Sophie Pic et Yannick Alleno au sein du Comité Colbert, Gault&Millau s’est entretenu avec eux ainsi qu’avec Bénédicte Épinay, déléguée générale de ce club très exclusif.

Depuis 1954 le Comité Colbert défend et fait rayonner le savoir-faire du luxe français. À l’origine constitué de 14 sociétés (dont celle de son fondateur Jean-Jacques Guerlain) le comité compte aujourd’hui 90 membres. Un grand hôtel (L’Hôtel Le Bristol), des orfèvres (Christofle et Puiforcat), des artisans (Lenôtre, Dalloyau, et Potel & Chabot) des restaurants (Taillevent) puis des chefs (Michel Guérard, Alain Ducasse, Guy Savoy, Joël Robuchon ou Pierre Hermé…) : la gastronomie est très naturellement bien représentée. L’arrivée d’Anne-Sophie Pic et de Yannick Alléno semblait tout aussi naturelle. Rencontres.  

 

  • Bénédicte Épinay, déléguée générale & CEO du Comité Colbert 

Gault&Millau : Comment entre-t-on au Comité Colbert ? 

Bénédicte Épinay : Il y a deux types de démarche. Il arrive qu’on identifie un chef, percevant que ses valeurs sont en harmonie avec les nôtres et nous l'approchons. Mais dans neuf cas sur dix, la démarche est inverse. Chaque année, entre 10 et 20 maisons frappent à notre porte.  Mais l'idée n'est pas d'en faire rentrer un maximum même si avant mon arrivée, le numerus clausus a été supprimé, tout le monde ne peut donc pas prétendre à faire partie du Comité Colbert. Il ne s’agit pas d’une simple adhésion mais d’une démarche qui doit être reconnue par vos pairs. Nous n’avons pas la prétention de réunir tous les chefs français, de la même manière que nous n’avons pas toutes les marques de champagne. C’est la crème de la crème. Les récompenses des guides ne suffisent pas. Ils ne sont pas les seuls critères d’admission même si c’est une voie royale.

G&M : S’agit-il nécessairement de maisons indépendantes ? 

B. É. : Être une petite maison indépendante ou faire partie d’un grand groupe n’est pas un critère de sélection. Nous avons chez nous toutes sortes de maisons qui sont parfois nées de l'aventure d'un homme ou d'une femme et qui aujourd'hui sont détenus par des capitaux chinois. Parce que que la vie est ainsi faite, que pour préserver les savoir-faire, les entrepreneurs ou les banquiers sont allés chercher les capitaux ailleurs qu'en France. En revanche la particularité du Comité Colbert est que chacun a la même voix. Les petits comme les grands.  

G&M : Quelles sont les obligations des membres ? 

B. É. : Il n'y a pas d'obligation. Si ce n’est celle d'assister à des réunions parce que sinon, je ne vois pas l'intérêt d’adhérer. Ensuite vous participez aux opérations si vous avez envie de les faire.  Chacun est libre. Mais en général nos membres sont très engagés.  C'est quand même ce qui les motive à régler une cotisation, à faire partie d’un club aussi fermé. D'ailleurs, nous sommes assez vigilants, nous ne souhaitons pas faire entrer des gens qui sont à la recherche d'un simple label.  

 

  • Yannick Alléno, chef du restaurant Ledoyen et du 1947, Hôtel Cheval Blanc, 5 Toques 

Gault&Millau : Pourquoi avez-vous souhaité faire partie du Comité Colbert ? 

Yannick Alléno : Ça a toujours été pour moi quelque chose de fascinant et cette adhésion symbolise encore plus la réussite du restaurant Ledoyen, j’en suis très fier. Nous faisons déjà rayonner la France à travers nos établissements à l’étranger à Séoul, à Marrakech et Dubaï, et quand nous montons un nouveau restaurant nous avons avec nous des maisons de porcelaine ou de coutellerie françaises. Il y a donc cette synergie entre les disciplines et nous devons absolument marcher en rangs serrés pour être capables de conquérir de nouveau marchés et faire valoir nos savoir-faire. 

G&M : En quoi cette adhésion vous engage-t-elle ? 

Y. A. : En rien, si ce n'est que d'être excellent. Mais c'est important de nous retrouver autour de sujets qui nous concernent tous. Il y a autour de la table les représentants des plus grandes maisons comme Dior, Louis Vuitton, Hermès, etc. C'est intéressant d'échanger nos expériences par rapport à l'économie, aux évolutions sociétales, parce nous devons, nous restaurateurs, nous inspirer de l'expérience des uns et des autres. Nous avons fait ici une évolution extraordinaire sur l'accueil des personnes en situation de handicap dans notre métier. On en a embauché six aujourd'hui et il faut que la restauration s'implique dans ce domaine. Nous avons fait des réunions avec les plus grandes maisons, notamment avec L’Oréal, qui nous a aidés avec son expérience à franchir le pas et à nous rassurer sur le bien fondé de notre démarche. Il y a vraiment de la diversité au sein du Comité et on est toujours plus intelligents à plusieurs.  

 

  • Anne-Sophie Pic, cheffe du restaurant Pic, 4 toques 

Gault&Millau : Pourquoi avoir postulé au Comité Colbert ? 

Anne-Sophie Pic : C’était un nom qui faisait briller nos yeux et peut-être pour nous un rêve inaccessible. Dans cette maison où quatre générations se sont succédées, nous avons pris confiance en nous, Il y avait donc aujourdhui une forme de légitimité à postuler pour le Comité Colbert.  

G&M : Au-delà du prestige, qu’y avez-vous trouvé? 

A.-S. P : Beaucoup plus que ce que j’imaginais. D’abord, de la notoriété, une forme de reconnaissance pour notre travail, pour l’histoire de famille Pic. Puis en échangeant avec le Comité, nous nous sommes aperçus à quel point il peut être une aide précieuse pour nous en tant que qu’entrepreneurs, nous mettre en perspective avec d’autres entreprises, qui ont des problématiques qui sont  parfois les mêmes que les nôtres, nous aide à enrichir notre vision pour le futur.   

G&M : Est-ce qu'il y a des domaines en particulier, pour lesquels ces mises en perspectives sont intéressantes ? 

A.-S. P : Notamment tout ce qui a trait à la RSE, comment les entreprises peuvent s’améliorer et s’adapter aux nouvelles normes, ce qui est aujourd’hui le cas des maisons d’orfèvrerie qui sont précurseurs dans l'évolution des matériaux. Il y a aussi la question des produits.  Je me positionne beaucoup sur le fait d’être locavore sans toutefois m'interdire de m’ouvrir sur le monde. Je dois gérer cet équilibre et il serait intéressant par exemple de savoir ce qu’en pense un chef comme Pierre Hermé ?  

G&M : En termes de développement économique, la gastronomie se place-t-elle au même plan que les autres maisons ? 

A.-S. P : Ce qui nous relie, c'est l'artisanat. C'est notre socle commun. Quand j’ai visité les ateliers Hermès, j'ai ressenti la même énergie que dans mes cuisines. Pour ce qui est du développement de produits, il est divers. Aujourd'hui notre maison c’est une panoplie de restaurants, mais c'est aussi Daily Pic et une gamme de produits d’épicerie. Donc finalement, nous avons la même propension à grandir, tout en gardant notre côté très artisanal.

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