Avec Acte 2, Yannick Delpech remonte sur la scène toulousaine
En plein cœur de la Ville rose, Yannick Delpech et ses quatre toques avec sa table gastronomique l’Amphitryon vient de lever le rideau sur un tout nouveau projet que certains indiqueront comme visionnaire.
Moins de quatre mois après avoir mis un point final à sa table d’hôtes, dite clandestine, où Yannick Delpech recevait en toute intimité dans sa maison de Gaillac, le cuisinier tarnais revient sur les planches gastronomiques. Le chef Des Roses et des Orties a décidé de créer un répertoire d’un genre nouveau influencé par sa précédente expérience, dont il retient le goût de la proximité avec les convives. Seuls quinze personnes par dîner sont accueillies dans ce restaurant volontairement sans chichi, mais pas sans âme, où tous les styles culinaires sont possibles. Le nouveau repaire toulousain, intitulé Acte 2 qui a ouvert le 1er décembre 2023, est une parfaite allégorie des divers métiers qu’il a incarnés, de pâtissier à charcutier. Rencontre.
Pourquoi avoir choisi de fermer votre table d’hôtes et d’ouvrir un nouveau projet à Toulouse ?
Yannick Delpech : Même si l’Amphitryon a pris une tout autre direction en 2019 en devenant une adresse mêlant boulangerie, pâtisserie, artisanat et charcuterie, les convives de la table d’hôtes de Gaillac continuaient de me parler du restaurant gastronomique. Je me suis interrogé ainsi sur un concept qui puisse associer la gastronomie à l’esprit de ma table d’hôtes. J’avais envie de replonger dans l’offre gastronomique, sans ressusciter l’Amphitryon et sa brigade de 45 personnes. Je voulais garder la liberté en cuisine et la convivialité que j’appréciais à Gaillac.
Outre la proximité avec les convives, qu’est-ce que la table d’hôtes vous a apporté en tant que cuisinier ?
Y.D. : On peut tout faire et on fait ce qu’on veut : des plats traditionnels, des assiettes gastronomiques… On a l’opportunité de changer de menu tous les jours.
À Gaillac, avez-vous testé des plats auprès de votre clientèle et repérer ainsi ce qui fonctionnerait ?
Y.D. : C’était mon laboratoire pour mes autres établissements ! J’ai testé de nombreuses recettes et d’associations de saveurs. Là-bas, je faisais le marché le matin, j’écrivais le menu et je faisais le service le soir.
Pour autant, Acte 2 ne reprend pas toutes les caractéristiques de la table d’hôtes. Les 15 convives sont désormais répartis dans toute la salle…
Y.D. : En fonction des demandes, il m’arrivera de réunir tout le monde pour orchestrer une table d’hôtes, notamment lorsque je cuisinerai des plats de partage comme un beau pithiviers. Les clients seront bien sûr prévenus au préalable.
En mêlant les genres culinaires, le concept d’Acte 2 risque d’être inclassable. Quel est votre objectif en termes de reconnaissance ?
Y.D. : C’est un sujet auquel je n’ai jamais pensé. J’ai eu la chance d’être très bien noté durant de nombreuses années. Si je le suis à nouveau, bien sûr, j’en serais ravi. Je ne réalise pas mon projet pour obtenir une note. Je n’ai pas suivi en tout cas les codes qui me permettraient d’avoir ce genre de reconnaissance.
Quand on enlève les barrières, culinaires en l’occurrence, on prend davantage de plaisir en cuisine ?
Y.D. : Complètement ! Et je pense que cela va prendre de plus en plus d’ampleur dans la gastronomie française. Je l’espère en tout cas. Le restaurant doit être ouvert et non élitiste. À ma table, c’est le cuisinier qui vous explique son plat et comment il l’a réalisé.
Cela dit, croyez-vous que les clients pour leur part attendent un tel mélange des genres ? On s’offre une expérience gastronomique pour fêter de grands événements, on aime choisir une adresse bistronomique décontractée pour sortir avec des amis le week-end…
Y.D. : La gastronomie française s’est plombée en imposant trop de codes et de formalités. Elle ne se libère que depuis quatre ou cinq ans. Pour bon nombre de convives qui ne s’offriront un restaurant gastronomique que dix fois dans leur vie, c’est intimidant de se rendre dans ces établissements étriqués. En supprimant toutes les barrières, l’expérience gastronomique comme celle que je propose devient plus accessible.
On connaît votre attachement à votre région et à ses producteurs. La direction culinaire d’Acte 2 est-elle surtout articulée autour des produits locaux ?
Y.D. : Je vais adapter au maximum mes assiettes avec les produits locaux, mais je ne m’empêcherai pas d’utiliser de la bonite séchée si j’ai une idée par exemple.
Puisque vous avez décidé de casser les codes, est-ce que la notion de plats signatures existe toujours ?
Y.D. : Ce n’est pas moi qui les définirai mais les clients. S’ils sont nombreux à me demander un plat qu’ils ont aimé, bien sûr, je leur préparerai.
Et peuvent-ils commander l’un de vos plats époque Amphitryon ?
Y.D. : Non il n’y en a aucun. Cependant, dans chacune des assiettes, vous trouvez un clin d’œil à connotation charcutière, pâtissière, boulangère, comme une évocation de mes diverses activités artisanales que j’ai lancée depuis l’Amphitryon. Je réalise par exemple une saucisse de pigeon au barbecue associée à du hareng saur, servie avec un sabayon de moutarde violette. À la suite de ma rencontre avec des producteurs de caviar dans le Val d’Aran, dans les Pyrénées, j’ai décidé de revisiter la crêpe vonnassienne que je sers aux côtés d’un chou-fleur en brioche, façon pain perdu. Et je prépare un dessert avec un chocolat à base de lait de brebis, grâce aux fèves de cacao de chocolatiers situés dans l’Aubrac qui réalisent toutes les étapes de fabrication, dès la torréfaction (Lucifèves d’Aubrac).
Plus d'informations :
- Acte 2, 1 rue Panebœuf, à Toulouse. Ouvert du mardi au samedi soir, le midi sur demande.
- Réservation au 06 79 92 77 30
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