48 heures au Gros Caillou
Paris - Île-de-France/2024
Entre ses ambassades et consulats, ce quartier du 7e arrondissement fait une figure un peu guindée. Les salons bourgeois à l’ambiance de velours y côtoient pourtant la gouaille de certains Parigots. Comment pourrait-il en être autrement ? La tour Eiffel, symbole de Paris, domine le Gros Caillou.
© François Roux
Du haut de ses 330 mètres, la dame de fer regarde le Gros Caillou, ce quartier qui s’étire à ses pieds sur 138 hectares entre la Seine, le Champ-de-Mars, l’avenue de la Motte-Piquet et les Invalides. La tour Eiffel s’y promènerait volontiers. À force de voir défiler le monde entier depuis l’Exposition universelle de 1889, elle a nourri des envies de voyages. Ses voisins ont de quoi lui donner un avant-goût. À commencer par le musée du Quai Branly, dessiné par Jean-Michel Wilmotte. Il ouvre des horizons sur les Amériques, l’Afrique, l’Asie et l’Océanie, voire au-delà des frontières du réel dans le chamanisme et autres croyances. Les visiteurs en ressortent riches de savoirs, mais aussi un peu désorientés. Le vaste monde et ses cultures feraient-ils tourner la tête ? Certains s’avachissent dans les chaises longues du jardin, aménagé par Gilles Clément, d’autres cherchent une place au Café Jacques, tout de verre et d’acier.
D’autres encore font trois pas pour butiner Aux Deux Abeilles. Depuis 1985, ce salon de thé bohème, tenu par la même famille, a vu les enfants du quartier grandir et devenir parents. Restés fidèles à leurs souvenirs sucrés, ceux-là sont rejoints par des touristes en goguette et, parfois, par les popes de l’Église orthodoxe russe de la cathédrale de la Sainte-Trinité. Le « centre spirituel et culturel » russe, ouvert en 2016, est juste au coin de la rue. Jean-Michel Wilmotte (encore lui !) dessina cet ensemble coiffé de cinq bulbes. En fibre de verre et matériaux composites (une première mondiale alors), ils furent recouverts de 90 000 feuilles d’or de 24 carats. C’est, aime-t-on se dire, la Russie éternelle, loin des bruits de bottes en Ukraine. Pas besoin, ici, d’agiter un mouchoir blanc pour visiter l’église, qui vaut le coup d’œil. Certaines icônes remontent au XVIIe siècle et tranchent avec le blanc immaculé des murs. Il est déjà question de transformer l’iconostase (cloison intérieure revêtue d’icônes).
Un autre voyage, insolite, se dessine dans les intestins de la capitale. Le Musée des égouts de Paris montre la ville comme on ne l’a jamais vu – ou voulu la voir – dans des odeurs que l’on fuit d’habitude. Les profondeurs de la terre révèlent des galeries qui semblent infinies. Paris, soudain, apparaît comme un gruyère. On y apprend que plus de 300 millions de mètres cubes d’eaux usées et pluviales sont transportés par un réseau d’assainissement de 2 442 kilomètres. « Un Parisien consomme en moyenne 120 litres d’eau par jour dont près de 60% pour l’hygiène et les sanitaires, seulement 1% pour la boisson », indique un panneau. Allons donc chercher ces 1% au grand air, à la terrasse d’un café. Chemin faisant, le nez en l’air, les curiosités du 7e surgissent ici et là : l’exubérance Art nouveau de l’immeuble dessiné par Jules Lavirotte (1864-1929) au 29 avenue Rapp ; les passages calmes dont celui de Jean Nicot (1530-1604), diplomate qui introduit le tabac en France (d’où le nom « nicotine ») ; l’église protestante luthérienne Saint-Jean, de style néogothique, plantée dans un jardin, en retrait du 147 rue de Grenelle ; ou encore la pharmacie herboristerie Cotinat, au n° 151 de la même rue, au décor en bois de noyer classé et restauré récemment.
Reste bien sûr la rue Saint-Dominique, la rue de Grenelle et, enfin, la rue Cler, le ventre du quartier. Les commerces de bouche et bien d’autres s’alignent joyeusement. Le fleuriste des Floralies a débuté là à ses 20 printemps il y a de cela quarante ans. Il a fait tous les baptêmes et enterrements du quartier. Lequel a changé, inévitablement. Beaucoup soulignent la baisse de fréquentation des touristes, un phénomène antérieur au Covid. Pourtant, on a bien vu des étrangers s’enthousiasmer du côté parigot de la rue Cler. Les humeurs en dents de scie des patrons de cafés et de brasseries renforcent, à leurs yeux, l’aspect pittoresque de la capitale digne de la série Emily in Paris. Côté image de carte postale, l’antique Café Brasserie Aux P.T.T. a récemment retrouvé son style initial des années 1930. Au passage, il a troqué son nom pour Aux Téléphones. « Que voulez-vous, plus personne ne sait ce que P.T.T veut dire ! » souligne, un brin désespéré, l’une des associés qui ont installé de vieux téléphones aux murs. Son père travaillait au service des P.T.T. dans le grand bâtiment voisin. Aujourd’hui, Mariage Frères en occupe une partie. Le fameux comptoir de thés propose, les samedis, un atelier de dégustation – seule adresse de la maison à le faire à ce jour. Un autre voyage commence alors dans les saveurs de thé blanc et pétales de rose, de rooibos rouge parfumé d’Afrique du Sud ou encore de Cocada, thé noir parfumé de Colombie… La tour Eiffel prendra bien une tasse de thé. Cela calmera peut-être ses envies d’ailleurs.
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