48 heures à Chartres, sur les chemins de Péguy et de Proust
Centre-Val de Loire - Pays de la Loire/2025
Chartres, à une heure de Paris – ou éventuellement deux selon l’heure et l’endroit de la capitale dont vous partez –, est une destination facile et majeure. Pour le charme de son quartier ancien, pour son animation commerciale avec beaucoup de bonnes boutiques de bouche, pour ses belles tables, nombreuses en densité pour une préfecture de moins de 40 000 habitants, et bien sûr pour sa célèbre cathédrale gothique du XIIIe siècle, qui émerge à des dizaines de kilomètres à la ronde des plaines à blé de la Beauce.
Le pèlerinage marial qui fait converger les fidèles du monde entier se déroule durant trois jours à la Pentecôte. Dans la tradition chrétienne, comme pour Saint-Jacques-de-Compostelle qui inclut Chartres sur l’un de ses chemins, le pèlerinage se parcourt à pied, et sa notoriété a été encore renforcée par Charles Péguy, qui marcha jusqu’à Chartres depuis Paris, suivant un vœu fait l’année précédente pour son fils malade. Ses deux flèches qui se dressent fièrement au-dessus de la ville, encadrant la célèbre rosace, attirent donc des milliers de pèlerins, et donc de touristes découvrant la ville à cette occasion, et pas seulement dans la nef aux magnifiques vitraux « bleu de Chartres » et sur la grande esplanade.
Péguy à Chartres, Proust à Illiers… À une trentaine de kilomètres de Chartres, voilà Illiers-Combray, seule commune de France portant un nom fictif. C’est en effet chez sa tante Élisabeth, rebaptisée Léonie dans Du côté de chez Swann, et son oncle Jules, devenu Octave, que le petit Marcel passe quelques vacances d’été, autour de 1880, à Illiers, qui va devenir Combray dans son œuvre, site majeur de À la recherche du temps perdu dans la quête permanente de l’innocence de l’enfance et des émotions premières. C’est ainsi que la fameuse réminiscence sensorielle des « madeleines de tante Léonie » provoque chez l’auteur une charge émotionnelle intense.
À Illiers aujourd’hui, pourtant, l’évocation de Proust, peut-on le dire trivialement, ne court pas les rues. On pourrait attendre, pour ce géant de la littérature mondiale, une activité tout au long de l’année, une mise en scène touristique pour profiter de cette renommée. Rien de tout cela, Illiers est un bourg tranquille, avec sa petite église au centre, quelques commerces, et heureusement, pour les admirateurs, un musée Marcel Proust dans la maison de la tante et un itinéraire dans le village, une statue de « P’tit Loup » – surnom de Marcel enfant donné par sa mère, sur un banc devant l’église, œuvre de la sculptrice Ybah – et la fameuse promenade du jardin du Pré Catelan, sur les bords du Loir, qui fut réellement créé par l’oncle Jules vers 1850. Quant aux fameuses madeleines, même si l’on pressent que chaque artisan pourrait en faire une recette personnelle différente, elles ne sont guère mises en valeur. À l’office de tourisme, on nous indique pouvoir trouver des madeleines « à Rapid Market et à Intermarché ».
Pourtant, cette petite promenade en Beauce n’est pas vaine pour les lecteurs gourmands. Les évocations proustiennes suffisent à donner envie de relire Swann, d’une part, et par ailleurs, en poussant un peu au sud-ouest, vous découvrirez Brou, village de même dimension avec ses 3 000 habitants, mais beaucoup plus actif et fourni en commerces, en particulier le mercredi pour son remarquable marché qui occupe tout le centre et attire toute la région. Pour boucler la boucle, vous reviendrez vers Chartres en passant par Dangeau, son église classée du XIIe siècle et sa belle auberge.