Vignoble, la Corse a la cote
Vermentino, sciaccarello ou niellucio… ça ne vous dit rien ? Pourtant, ces cépages endémiques corses sont en train d’envahir nos tables. La « hype » des vins de Corse est parfaitement justifiée : gustativement intéressants, ils apportent aussi une réponse aux enjeux que pose le réchauffement climatique.
Une valorisation des cépages autochtones
La vigne est présente sur l’île de Beauté depuis l’Antiquité, mais le vignoble a presque disparu, ici comme en métropole, avec la crise du phylloxéra au XIXe siècle. C’est dans les années 1960 qu’il va renaître de ses cendres, jusqu’à atteindre 27 000 ha de surface en 1976. À cette époque, les Corses, comme beaucoup, ont fait le choix d’une viticulture productiviste avec de gros rendements. Une stratégie qui va conduire à une crise majeure du vignoble – 20 000 ha vont être arrachés avec le soutien de l’Europe, qui versera des primes en compensation.
Dans les années 1980, la Corse se tourne alors vers une production de qualité, avec une idée simple mais nouvelle : valoriser des cépages endémiques, le sciaccarello, le vermentino, le niellucio… Ils représentent aujourd’hui 73% de l'encépagement de l’AOP de Corse. Cette dynamique est alors appuyée par la création du Centre de recherche viticole de Corse (CRVI), en 1982. En 2009, six cépages endémiques aux noms chantants – aleatico, minustello, carcajolo noir, biancu gentile, codivarta, genovese – ont été introduits dans le cahier des charges de l’AOP Corse par ce centre. Et le CRVI mène actuellement des recherches sur une cinquantaine de cépages.
Des cépages hors de la standardisation
Alors que nous trouvons du merlot, du chardonnay ou du pinot noir aux quatre coins de la planète, la force du vignoble corse tient à sa capacité à valoriser des cépages identitaires qui ont un réel intérêt gustatif. Prenons le sciaccarello, originaire d’Ajaccio, un cépage avec une palette aromatique d’une grande richesse. Il donne généralement des vins à la couleur peu soutenue avec une aromatique sur des fruits rouges (cassis, cerise, framboise) associée à un bouquet d’épices (poivre, garrigue, cannelle) adjoint à une belle longueur en bouche et une grande complexité. Que demande le peuple ? Une particularité qui s’exporte bien au-delà des frontières françaises. Le vignoble corse ne représente que 1% de la production française, mais exporte 20% de ses volumes.
« C’est fou de commencer à vendanger un 7 août ! Honnêtement, aujourd'hui, il n'y a plus de règles. »
Un millésime 2022 sous le signe de la précocité
L’été 2022 a été extrêmement chaud sur l’île de Beauté, avec des températures qui sont montées régulièrement aux alentours de 39-40 degrés : « Depuis trois ou quatre ans, on aperçoit une accélération du réchauffement climatique et on ne pensait pas que ça serait si soudain. Ces hautes températures nous font réfléchir sur la maturité et les acidités de nos vins ! L'enjeu majeur est le manque d'eau. Le manque de pluviométrie ainsi que nos retenues d'eau très anciennes sont un vrai problème ! » s’inquiète Éric Poli, président du Conseil interprofessionnel des vins de Corse (CIVC).
En effet, depuis plusieurs mois, les ressources en eau sont au plus bas, même si quelques orages sont venus accompagner le début des vendanges : « C’est fou de commencer à vendanger un 7 août ! Honnêtement, aujourd'hui, il n'y a plus de règles. Cela dépend des cépages, de l’exposition et si les vignes sont irriguées », poursuit Éric Poli. Les vendanges ont commencé sur des cépages précoces comme le biancu gentile ou les muscats à petits grains et, malgré ces températures hors du commun, la vigne semble avoir moins souffert qu’ailleurs : « Le millésime 2022 s’annonce de très bonne qualité, même si les rendements seront en baisse de l’ordre de 10 à 15%. Néanmoins, certains cépages souffrent de la chaleur, comme le sciaccarello, et commencent à flétrir », s’attriste notre interlocuteur.
Le réchauffement climatique est un sujet qui préoccupe les vignerons corses : « Le réchauffement climatique nous impose de nous adapter. Les pistes vont vers l’adaptation de nos pratiques culturales et la replantation de variétés endémiques », conclut Éric Poli. Les cépages autochtones ont donc encore de beaux jours devant eux…
Vous voulez goûter ? Voici nos 5 cuvées coup de cœur qui permettent de découvrir ces cépages autochtones.
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AOC Corse
Clos Fornelli
« La Robe d’Ange »
2019
Blanc sec
Au pied du massif de la Castagniccia, Josée Vanucci et son mari Fabrice produisent des vins très aboutis. « La Robe d’Ange » est une cuvée 100% vermentino. C’est un vin rond et équilibré qui fait la part belle à des arômes floraux et aux agrumes. Un vermentino qui accompagnera parfaitement des repas de poisson et de fruits de mer Idéal pour cette fin d’été.
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Vin de France (Calvi)
Clos Culombu
« Storia Di e Signore »
2020
Blanc sec
Le clos Columbu mène depuis peu des essais sur des cuvées produits avec des cépages autochtones. Pour la cuvée « Storia Di e Signore », c’est un assemblage 25% vermentino et 75% de brustianu, cualtacciu, biancu gentile, codiverta, riminèse et genovese. Ce blanc atypique nous offre une palette aromatique large allant de la pomme à l’abricot. La finale est saline et salivante. Le deuxième verre se fait attendre.
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AOP Ajaccio
Domaine Vaccelli
« Granit »
2018
Rouge
Cuvée iconique du domaine, « Granit » est un 100% sciaccarello de gastronomie. En bouche, on découvre des arômes de fruits noirs (mûre, framboise noire, cassis) et des senteurs de garrigues. Un vin puissant avec des tannins soyeux. Une cuvée qui se doit d’être accompagnée d’un repas. N’oubliez pas de la carafer pendant une heure ou deux pour qu’elle développe tous ses arômes. Un grand vin de l’île de Beauté.
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Vin de France
Clos Canereccia
« Amphore Carcaghjolu Neru »
2018
Rouge
Le Clos Canereccia aime magnifier les cépages autochtones et ce 100% carcajolo noir ne déroge pas à la règle. Comme l’indique son nom, cette cuvée a la particularité d’être élevée en amphore et cela donne un profil de vin gouleyant et élégant. Au niveau des arômes, nous sommes aussi bien sur des fruits noirs que sur des épices. Les arômes sont nets avec une très belle longueur. Une curiosité à découvrir au plus vite.
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AOC Muscat du Cap Corse
Domaine Yves Leccia
2017
Blanc liquoreux
Généralement boudés par les consommateurs, les muscats du Cap Corse valent le détour. Cette cuvée produite par le domaine Yves Leccia est un 100% muscat petit grain. Ce liquoreux à la robe jaune doré dévoile des arômes de fleurs blanches, de miel et d’épices. La finale est pleine de fraîcheur. À déguster comme un dessert en fin de repas.
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