Veuillez patienter...

Contact

37-39 rue Boissière
75016 Paris
France

Appeler : 01 41 40 99 80

GaultMillau © 2025 Tous droits réservés

Singapour, la food fan zone

Singapour, la food fan zone

Sylvie Berkowicz | 02/01/2025 12:00

Matin, midi et soir, à toute heure en fait, on trouve à Singapour de quoi contenter son appétit. Du gastro, du bistrot, du tradi, des cuisines de tous les pays… il y en a pour tous les goûts, tous les budgets, et l’on passe sans vergogne dans la même journée de la street food au restaurant gastronomique de renommée mondiale. Immersion dans une cité-État cosmopolite, où manger est un loisir que chacun, quelle que soit sa condition, prend très au sérieux.

La scène singapourienne ne cesse de se réinventer, tout en préservant ses fondamentaux, en particulier ses hawkers centers (marchés de street food) considérés comme de véritables patrimoines nationaux. Toujours plus de chefs y viennent du monde entier, attirés par les offres des groupes d’hospitalité, qui sont ici les vrais acteurs de cette scène. Ces chefs exercent en tant que consultants – accolant leur nom à des restaurants dont ils ne surveillent pas forcément les cuisines – ou décident de s’y installer pour de bon, convaincus par la qualité de la proposition et de la clientèle, la qualité de vie et aussi, plus étonnant, la qualité des ingrédients ! On imagine que tout ce qui se mange à Singapour est importé. C’est effectivement le cas. Mais pas nécessairement de très loin, car dans un si petit pays avec une agriculture marginale, le local correspond en fait à toute l’Asie du Sud‑Est, et principalement la Malaisie, située à une trentaine de kilomètres de l’autre côté du détroit de Johor. Même si le gouvernement singapourien a pour objectif de produire en 2030, de manière durable, 30% des besoins nutritionnels de l’île – dans le cadre du plan «30 by 30» –, on en est encore très loin. En revanche, on peut compter sur ce même gouvernement pour arriver à ses fins. La rigueur et l’efficacité avec lesquelles est géré le pays depuis son indépendance en 1965 en font foi. C’est palpable partout dans la ville. Non seulement dans sa propreté et sa sécurité légendaires, dans ses espaces verts manucurés, dans son architecture avant‑gardiste et dans ses terres gagnées sur la mer, mais aussi dans ses logements publics, où vivent 78 % des habitants : dès la création du pays, le gouvernement a décidé de faire cohabiter les trois principaux groupes ethniques constituant la population : Chinois, Malais et Indiens. Un « mix » qu’il est essentiel de comprendre pour capter l’esprit de la cuisine singapourienne. « Il y a quinze ans, Singapour était très influencée par les cuisines occidentales, explique Malcolm Lee, chef du restaurant Candelnut. D’une certaine façon, elle l’est toujours, car elle est très ouverte aux investisseurs étrangers et à tout ce qui peut faire croître notre pays. Même si l’idée de faire de la cuisine française m’a effleuré, j’ai choisi ce métier pour les goûts, les parfums et la mémoire de la cuisine de ma famille. Une famille peranakan. » Un terme qui signifie « né ici » et qui fait référence aux descendants de Chinois qui, après avoir traversé l’Indonésie, se sont établis dans la région au XIXe siècle et épousé des Malaisiennes. Malcolm Lee rend donc hommage à sa mère et propose des recettes peranakan typiques de Singapour. « Mon restaurant est un sanctuaire pour une cuisine en voie de disparition parce qu’elle requiert énormément de temps de préparation, poursuit‑il. Il faut deux à trois jours pour préparer un curry et plus personne ne dispose de ce temps. Un savoir-faire que ma mère a appris auprès de ma grand-mère, mais avant tout parce qu’elle n’allait pas à l’école. Et dans ma famille, je suis le seul à connaître cette cuisine. »

Dsc 3142

Une street food gastronomique

Chez Quenino, le nom de la cheffe de cuisine Sujatha Asokan n’apparaît quasiment nulle part. C’est plutôt celui de Victor Liong qui est mis en avant, celebrity chef basé à Melbourne choisi par le groupe chinois Artyzen pour incarner le restaurant de son hôtel de Singapour. C’est bardée de distinctions (« Top 5 Female Chefs in Singapore » et « Rising Chef of the Year » en 2019, « 50 Best Essence of Asia » en 2021) qu’elle met son talent au service d’un menu gastronomique puisant autant dans les techniques françaises que chinoises, mais aussi dans ses origines. « Mon père est indien, ma mère chinoise. Chez nous, la cuisine n’était jamais entièrement l’une ou l’autre, mais toujours un peu des deux. Je me suis intéressée à la cuisine espagnole, j’ai voyagé, en Thaïlande, au Vietnam. C’est par un ami que j’ai appris que Victor Liong cherchait quelqu’un pour mettre en place une cuisine asiatique raffinée. J’ai senti que je cochais toutes les cases. Je suis ici celle qui rend les choses réelles. Victor a des idées que je transforme en plats. » Si l’un de ses plats phares est un simple – pas si simple – fried rice inspiré de l’indonésien nasi ulam (mélange de riz et d’herbes aromatiques), elle a pour ambition d’amener cette cuisine vers des codes gastronomiques. « J’ai cette constante inquiétude de faire des plats qui seraient trop étroitement liés à ceux de la street food, vendus dix fois moins chers. Et en même temps, je ne veux pas non plus m’en éloigner, car ce que je veux faire, c’est bien la cuisine de notre région. » Un jeu d’équilibriste qui se retrouve aussi dans le choix de ses ingrédients. Si ses ormeaux viennent d’Australie, son caviar est produit en Malaisie. « On n’imagine pas qu’il est possible d’en produire là-bas. Je ne dirais pas que c’est le top du top, mais nous nous devons de soutenir ce producteur afin qu’il s’améliore. De plus, c’est une histoire intéressante à raconter aux clients, qui sont très étonnés de l’apprendre. »

Dsc 3437

Nombreuses fermes urbaines

Cela fait quinze ans que Julien Royer est en Asie, dix ans qu’il a ouvert Odette, sa table gastronomique multirécompensée installée au cœur de la National Gallery. Au fil du temps et de la découverte des produits, la cuisine de Julien Royer, indéniablement française, s’est subtilement teintée de saveurs asiatiques. Plus légère, plus punchy, plus épicée aussi, mais toujours de façon équilibrée, sans tomber dans la confusion. Côté produits, il ne s’interdit rien, y compris de les importer de France ou du Japon. Cependant, il a réussi à constituer un réseau de petits producteurs, pour la plupart installés en Malaisie. « La qualité existe, affirme‑t‑il. Il faut juste prendre le temps de la trouver. Beaucoup de ceux qui faisaient de l’agriculture intensive reviennent à du simple bon sens. Nous travaillons avec des fermes des Cameron Highlands, une région en altitude où il y a vraiment des différences de température entre le jour et la nuit, ce qui permet de faire pousser des légumes de qualité avec des nutriments exceptionnels. En revanche, tout ce qui est citronnelle, gingembre, agrumes, herbes et salades sont cultivés ici. » Ces produits, il les trouve, comme de nombreux chefs de Singapour, dans des fermes urbaines comme celle de Edible Garden City qui, chaque semaine, fournit environ 90 restaurants de la ville en herbes aromatiques. Fondée en 2012, l’entreprise sociale exploite deux sites : l’un dans le quartier résidentiel de Queenstown, qui sert aussi de ferme pédagogique, l’autre sur le toit du Raffles City Shopping Center. Un autre volet de son activité consiste à implanter et cultiver des jardins potagers pour d’autres, comme celui aménagé au sommet du gratte‑ciel CapitaSpring, destiné à alimenter les restaurants de la compagnie 1‑Group qui s’y trouvent. Un site de production autant que de visite, car nombreux sont les locaux et touristes qui, gratuitement et librement, grimpent jusqu’au 51ᵉ étage pour s’y promener et jouir d’une vue spectaculaire. « Certes, grâce à ce jardin, nous alimentons, en plus des cuisines, le storytelling des restaurants et différents concepts que nous avons ici au sein de CapitaSpring, déclare Christopher Millar, directeur du développement international des affaires chez 1‑Group. Mais nous parlons aussi du patrimoine alimentaire de Singapour, avec certains ingrédients tombés dans l’oubli, qui poussent de nouveau autour de nous. C’est utile en matière d’éducation pour les jeunes, car dans cette jungle urbaine qu’est Singapour, ils n’ont aucun contact avec l’agriculture. Une vitrine comme celle-ci propose un angle différent. Cependant, il faut qu’elle soit utile et productive, sinon ce serait une décoration très coûteuse et pas très intéressante, en fait. »

Dsc 3231

Une nouvelle génération de chefs singapouriens

Dans un milieu ultra‑compétitif comme l’est celui de Singapour, chacun cherche sa singularité, mais aussi un propos solide permettant de perdurer. À la vague des chefs internationaux, venus mettre Singapour sur la carte de la gastronomie mondiale, succède aujourd’hui une nouvelle génération de chefs singapouriens (que les clients apprécient de voir en cuisine plutôt qu’un nom sur une enseigne), plus enclins, ici comme ailleurs, à proposer une cuisine casual, locale, ancrée dans la réalité, ou plutôt dans les réalités culturelles de l’île. « Ce qui m’a tout de suite plu ici, c’est justement l’émulation créée par ces différentes ethnicités et religions vivant ensemble sans souci, conclut Julien Royer. « Nous sommes vraiment sur un carrefour de l’Asie du Sud-Est que tout le monde a traversé. Et ça crée, pardonnez-moi l’expression, un “bordel” organisé au niveau des cultures, des saveurs et des cuisines. C’est hyperexcitant, mais il ne faut pas dormir sur ses lauriers, parce qu’il y a de super jeunes chefs qui arrivent. Ils sont passés dans nos cuisines, ils sont partis se former à l’étranger, comme Jimmy Lim de JL Studio à Taïwan ou Kenneth Foong, qui est devenu chef de cuisine du célèbre restaurant danois Noma, et certains reviennent. Cette envie d’entreprendre, de bien faire, c’est assez unique à cet endroit. C’est une saveur de l’Asie du Sud-Est qui est difficile à décrire, mais qui est bien là. Il y a dans cette moiteur et cette chaleur une électricité ambiante qui crée une excitation et un renouveau constants. »

 

Ces actualités pourraient vous intéresser

Anthony Bisquerra, désigné Grand de Demain 2025 lors du Gault&Millau Tour Auvergne-Rhône-Alpes Actus & Rendez-vous

Anthony Bisquerra, désigné Grand de Demain 2025 lors du Gault&Millau Tour Auvergne-Rhône-Alpes

Le chef du restaurant Anto, à Annecy, a reçu le titre de Grand de Demain lors du Gault&Millau Tour Auvergne-Rhône-Alpes de lundi 3 février 2025.
René Meilleur, Gault&Millau d'Or 2025 de la région Auvergne-Rhône-Alpes Actus & Rendez-vous

René Meilleur, Gault&Millau d'Or 2025 de la région Auvergne-Rhône-Alpes

Figure emblématique de la gastronomie savoyarde, René Meilleur a façonné La Bouitte à Saint-Martin-de-Belleville depuis 1976. Son engagement et son talent lui valent aujourd'hui le prestigieux titre de Gault&Millau d'Or 2025 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.
La Maison du Peuple : le projet ambitieux d'Alain Ducasse pour 2026 Actus & Rendez-vous

La Maison du Peuple : le projet ambitieux d'Alain Ducasse pour 2026

Les travaux de La Maison du Peuple, qui deviendra le siège des manufactures d’Alain Ducasse, ont débuté. L’ouverture de ce lieu emblématique est programmée pour 2026.
Anne-Sophie Pic x Marc Lévy : pour un savoureux mélange des genres Actus & Rendez-vous

Anne-Sophie Pic x Marc Lévy : pour un savoureux mélange des genres

L’une est une figure emblématique de la gastronomie française dont le talent rayonne à l’échelle planétaire. L’autre est l’écrivain français le plus lu dans le monde. Anne-Sophie Pic et Marc Lévy, deux célèbres signatures qui s’admirent mutuellement sans jamais s’être rencontrées… jusqu’à ce jour où Gault&Millau décide de mettre son grain de sel. Une délicieuse intuition qui était la bonne, celle de porter cuisine et littérature à l’unisson
Vous êtes pressé le midi ? Ce chef 4 toques propose un menu gastronomique en moins d’1h Actus & Rendez-vous

Vous êtes pressé le midi ? Ce chef 4 toques propose un menu gastronomique en moins d’1h

Vous n’osez pas vous rendre dans un restaurant gastronomique au déjeuner faute de temps ? Ce chef assure qu’il peut vous servir un menu complet et gastronomique en une heure chrono.
Les bonnes adresses d’Emmanuel Kouri Tables & Chefs

Les bonnes adresses d’Emmanuel Kouri

Emmanuel Kouri, chef des Jardins de Kerstéphanie à Sarzeau, nous recommande ses bonnes adresses pour acheter du pain, du vin ou encore des légumes de qualité.

Produit de bouche, équipement de cuisine, art de la table, solution de service ...

Retrouvez la liste complète des partenaires qui font confiance à Gault&Millau

Tous nos partenaires