Le renouveau des coteaux-champenois
Les coteaux-champenois sont un peu la face sans bulles de la Champagne. Des vins tranquilles, comme disent les vignerons, des vins « nature de champagne », comme on disait autrefois…des vins de champagne, tout simplement. À découvrir ou redécouvrir d’urgence.
On l’a oublié, mais la Champagne produisait des vins sans bulles avant de faire des champagnes. Ainsi le sacre de Louis XV, célébré à Reims en 1722, le fut avec des vins de Champagne sans bulles (plus de 20 tonneaux de rouge et 12 de blanc). La région rivalisait alors avec la Bourgogne dans la production de vins fins destinés à l’aristocratie. Elle commençait tout juste à faire des vins mousseux, ce qui était alors souvent considéré comme un défaut.
Après la maîtrise des bulles, l’essor du champagne au XIXe siècle fut tel qu’il réduira à peau de chagrin la production de vins désormais dits tranquilles. Certains vignerons attachés à leur tradition, et particulièrement dans certains villages, ont toutefois tenu le flambeau. Ces coteaux-champenois, produits sur la même aire d’appellation que le champagne, n’ont pourtant accédé à l’AOC qu’en 1974. Aujourd’hui, une jeune génération s’y intéresse : les coteaux-champenois ont de nouveau le « vin en poupe » !
Savoir-faire
Le coteaux-champenois peut être de trois couleurs : blanc, rouge ou rosé, même si ce dernier a quasiment disparu. L’appellation peut être suivi du nom du village dont il est issu. On trouve donc des coteaux-champenois Bouzy, Ambonnay, Sillery, Verzenay… Il existe deux écoles pour fabriquer ce vin. Soit le vigneron dédie une vigne particulière et s’en occupe spécifiquement pour produire un coteaux, soit c’est l’assemblage des vins clairs qui est conservé sans champagnisation. Les coteaux rouges sont issus des cépages rouges pinot noir et pinot meunier, les coteaux blancs sont issus de cépage blanc (chardonnay principalement), mais peuvent également venir des jus blancs des raisins noirs précités. Pour faire un bon coteaux, il faut des raisins bien mûrs, un savoir-faire en vinification et une maitrise spécifique de l’élevage des vins. Quelques domaines seulement, parmi les meilleurs de Champagne, produisent de très bons coteaux. C’est logique : ils ont les meilleurs niveaux de maturité des raisins grâce à une viticulture attentive. Ils sont les plus curieux et souvent les plus attachés à leur terroir et, enfin, ils disposent déjà du réseau commercial pour les quelques centaines de bouteilles produites par an. Ainsi, certaines des plus grandes maisons produisent aussi des coteaux, tels Bollinger et son historique « Côte aux Enfants », ou Charles Heidsieck qui produit à nouveau des coteaux-champenois blancs et rouges.
Des motivations spécifiques
La première des motivations à se lancer dans la production de vins sans bulles tient à l’envie de perpétuer une tradition. Même si les vins ne sont plus forcément faits de la même façon ou avec la même ambition. À cela s’ajoute l’envie de vinifier autrement. Pour un champenois, la vinification des vins clairs anticipe toujours la phase de prise de mousse en bouteille. On cherche donc, pour le champagne, à faire des vins blancs qui gardent de la fraîcheur et de la tension. Le gras et la richesse viendront avec la deuxième fermentation en bouteille. Pour les coteaux, on va chercher directement un vin prêt à boire avec un fruit mûr et de bonne ampleur.
Autre motivation : l’envie de montrer qu’on sait faire du vin, une histoire de légitimité. Pour encore trop de consommateurs, le champagne n’est pas du vin, c’est du champagne, (trop) simplement ! Faire des vins sans bulles est une façon pour le vigneron de prouver qu’il sait faire du « vrai » vin. On peut voir également dans ce renouveau des coteaux l’influence de la Bourgogne voisine. Développement du parcellaire, absence d’assemblage d’années et de crus, microvinification, monocépage sont autant de caractéristiques qui ont fait la renommée de la Côte-d’Or et qui incarnent les vins de terroir.
Gagner du temps
Pour les jeunes vignerons qui s’installent ou reprennent une exploitation sans stock, faire des coteaux-champenois plutôt que des bulles à un autre intérêt majeur : ils les vendent beaucoup plus vite. Car c’est le temps qui fait la qualité du champagne. Le temps en cave pendant lequel le breuvage reste sur ses lies dans la bouteille. Les bons vignerons laissent leurs champagnes en cave au minimum deux ou trois ans. Les coteaux, eux, peuvent se vendre au bout d’un an seulement. On gagne du temps et de la trésorerie, d’autant que le prix de vente est sensiblement le même.
Quid du réchauffement climatique ?
La question mérite d’être posée, puisqu’on commence à entendre une petite musique dans le vignoble : « Avec le réchauffement climatique, les vins clairs champenois montent trop en alcool avant la deuxième fermentation en bouteille et perdent de l’acidité, les champagnes risquent de perdre la fraîcheur qui a fait leur réputation. C’est pour cela que les vignerons font des coteaux. » Oui… et non. La grande majorité des vignerons cueillent leur raisin alors que le degré alcoolique est encore bas. Pour eux, le réchauffement climatique permet plus d’éviter la chaptalisation (ajout de sucre dans le moût) que d’avoir des vins trop forts en alcool. Un vigneron de Bouzy nous confiait récemment : « Je rentre des raisins à un bon potentiel d’alcool, mais l’acidité ne baisse pas. Du coup, j’ai des champagnes plus haut en alcool certes, mais avec beaucoup de fraîcheur et ça me permet de les sortir sans dosage. Si je fais des coteaux c’est par envie et non par nécessité. »
Des vins formidables en blanc comme en rouge
Nous avons goûté une centaine de vins, dans les deux couleurs et de tous types (assemblage, monocépage, parcellaire, élevage bois ou cuve), et tous étaient au minimum bons, voire très bons, et surtout très différents les uns des autres. Plus ou moins tendus ou gras, aromatiques ou réservés, boisés ou franchement fruités. En fonction des terroirs et des crus, de l’âge des vignes, de la façon de les conduire, chaque vigneron produit un vin qui lui est propre et qui ne ressemble pas à celui de son voisin. Une nouvelle preuve, s’il en fallait une, de la diversité de la Champagne.
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