Le Plaza Athénée, palace de la haute couture
Chaque mois, le Gault&Millau vous plonge dans l’histoire d’un grand palace parisien. En juillet, découvrez l’univers raffiné du Plaza Athénée.
Il a failli ne jamais s’appeler ainsi. En avril 1913, “Le Plaza” doit ouvrir ses portes. Pour Émile Armbruster, le propriétaire, aucune dérogation n’est envisageable : son établissement doit impérativement ouvrir en même temps que le théâtre des Champs-Élysées. Cette inauguration est un jour de fête à Paris. Mais rien ne se passe comme prévu. "Le nom Plaza n’avait pas été déposé", raconte Laurence Bloch, directrice du Plaza Athénée Paris depuis 25 ans. Émile Armbruster panique. “ Je dois ouvrir demain, mais je n’ai toujours pas de nom.” se dit-il.
Déjà propriétaire d’un hôtel situé dans le 9ᵉ arrondissement, baptisé “L’Athénée”, il opte pour la simplicité : au 25 avenue Montaigne, ce sera le Plaza Athénée (la seconde partie du nom lui appartenant déjà).
Cette association de mots n’a aucun lien avec la Grèce ni de signification particulière, mais elle permet à l’établissement hôtelier d'être inauguré comme prévu, en 1913.
Un hôtel féminin
En 1917, le bâtiment est élargi avec le rachat de l’hôtel particulier d’à côté. Accrochés aux fenêtres, des géraniums rouges ornent la devanture du Plaza Athénée sous les stores de la même couleur. Signature du palace parisien, ces fleurs sont apparues sous l’impulsion de Jean Gabin. Lors de son idylle avec Marlène Dietrich, installée en face du Plaza Athénée, il avait demandé à installer des roses rouges sur toute la façade, face à ses appartements. “Pour lui faire plaisir.” Mais le directeur général ne pouvait pas installer chaque jour de nouvelles roses. Il a donc décidé d'installer des géraniums sur toute la façade. À l’époque, “les géraniums n’étaient pas chics du tout, on disait que c'étaient des fleurs de concierge.” Mais le rouge a fait sensation et une histoire d’amour est née entre cette couleur et le Plaza Athénée.
Cette façade est omniprésente dans les clichés de mode de Christian Dior. Le styliste passait beaucoup de temps au palace. “En voyant la clientèle très élégante, il s’est dit qu’il voulait la même clientèle pour sa boutique. Il a donc décidé de s’installer tout près, au 30 avenue Montaigne”, raconte Laurence Bloch.
©DR
Ses modèles logent au Plaza et de nombreux shootings photos sont organisés devant la façade de l’hôtel. L’une de ses plus célèbres pièces, “le tailleur Bar” est inspiré par les uniformes du personnel du bar du Relais Plaza. Désormais, le Plaza Athénée s’appuie sur cinq mots qui le définissent tout autant que la haute-couture : signature, sur-mesure, précis, sublime et rare.
Hôtel de la haute-couture, il est aussi celui des lustres, présents dans chaque chambre. “Et le tapis à l’entrée est le reflet que ferait le lustre sur le sol”, précise Laurence Bloch.
L’établissement ferme pour travaux en 2013, avant de rouvrir un an plus tard. “Nous avons acquis les trois bâtiments attenants et souhaitions les relier tout en harmonisant l’ensemble sur le plan esthétique”, explique Laurence Bloch. Les lignes arrondies et les voûtes inspirent aux architectes une impression de féminité. La décoration, majoritairement de style haussmannien classique, cohabite avec des éléments art déco, visibles notamment au restaurant Le Relais Plaza ainsi que dans les chambres et suites des 7ᵉ et 8ᵉ étages.
100 ans d’anecdotes
Aujourd’hui, le Plaza Athénée possède 154 chambres et 54 suites. Les clients, souvent des petits-enfants, voire arrière-petits-enfants d’anciens clients, viennent notamment lors des grands événements parisiens : fashion week, tournoi de Roland Garros, matchs de football, mais aussi lors des rendez-vous liés à l’art organisés dans la capitale.
Au Plaza Athénée, chaque client possède sa fiche détaillée appelée “cardex”. Parmi les clients, Frank Sinatra, Elton John, Steven Spielberg, Jermaine Jackson… “Ces cardex retracent l’histoire du client," détaille la directrice des lieux. "On sait quand il est venu, dans quelle chambre, ce qu’il a mangé… Toutes ses préférences sont réunies dans un document pour améliorer l’accueil. Lui servir un thé si on sait qu’il aime ça. Bien noter ses allergies, etc. Réaliser des séjours sur-mesure finalement.”
La légende raconte, par exemple, qu’Alfred Hitchcock exigeait une chambre au premier étage, par peur des incendies. Michael Jackson, lui, aurait utilisé un chariot à linge pour quitter l’hôtel discrètement.
Certaines suites ont été imaginées autour de thèmes. Parmi elles : la suite Haute Couture, la suite des Musiciens, ou encore la suite “Escape Game”, en clin d’œil à l’espionne Mata Hari, arrêtée en février 1917 alors qu’elle séjournait au Plaza Athénée.
©DR
À l’occasion des 100 ans du palace, une valise scellée a été enterrée sous l’hôtel. En son intérieur, le Figaro du 20 avril 1913 annonçant en Une l’ouverture du Plaza Athénée, le sifflet en argent du premier voiturier, un iPad, une bouteille de 1913… “L’idée, c’est que le directeur général, dans 50 ou 100 ans, s’il a envie, puisse ouvrir la valise”, sourit Laurence Bloch.
Aujourd’hui, l’établissement se modernise sous le slogan “Il était une fois… le palace de demain”. Le bar a ainsi été redécoré il y a quelques années. “C’est un bar tendance avec DJ le jeudi, vendredi et samedi soir”, se réjouit la directrice. Cette évolution permet de diversifier la clientèle, “et d’attirer les plus jeunes”. Ancien hôtel résolument parisien, le Plaza Athénée s’affirme désormais comme une adresse emblématique de la haute couture.
Après 22 ans passés aux commandes des cuisines, Alain Ducasse a cédé sa place à Jean Imbert en 2021, vainqueur de l’émission Top Chef en 2012. Son restaurant gastronomique rend hommage à la grande tradition française, inspirée par Auguste Escoffier et Antonin Carême : une cuisine généreuse, servie sur de grandes tables ornées d’argenterie.
©DR
Face aux cuisines de l’établissement gastronomique, une petite salle attire la curiosité : le cabinet des conspirateurs. C’est ici que dînent les personnes qui ne souhaitent pas être vues. Cette pièce retrace toute l’histoire de Jean Imbert avec le Plaza Athénée. Fan des lieux, il s’y rendait régulièrement pour dîner, jusqu’à en devenir le chef.