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Le Petrus nouveau est arrivé

Le Petrus nouveau est arrivé

Immense sommelier et directeur de salle, Antoine Petrus qui a fait une grande partie de sa carrière à Paris, est récemment sorti du rang, a migré vers le sud pour s’engager avec humilité dans de nouvelles missions qui relient la terre à la table.

Philippe Toinard

Au départ d’Aix-en-Provence, direction la départementale 14 jusqu’au hameau de Couteron. La végétation s’épaissit, la pinède se dessine, la route se fait sinueuse et offre parfois à la sortie d’un lacet, une vue sur la montagne Sainte-Victoire. Un dernier virage. Sur la gauche apparaît Château La Coste, à la fois domaine viticole, centre d’art et d’architecture, lieu de gastronomie et d’hôtellerie, propriété du discret Patrick McKillen surnommé « Paddy » et de Mara, sa sœur.

La porte du domaine franchie, les premiers ceps de vigne certifiés en agriculture biologique depuis 2013 saluent le visiteur avant de dévoiler une œuvre d’art magistrale. Une parmi les 40 disséminées sur les coteaux du vignoble et intégrées dans différents espaces du domaine. Un centre d’art contemporain à ciel ouvert que l’on découvre en suivant le parcours Art et Architecture. Sur la droite, le chai de vinification construit en 2008 par l’architecte Jean Nouvel s’efface pour laisser place à un petit village typiquement provençal avec sa bastide, ses places ombragées, ses boutiques, bars et restaurants. À la terrasse de l’Auberge La Coste, Antoine Petrus patiente, un verre de Grand Vin Rosé 2023 à portée de lèvres, attentif aux faits et gestes du personnel de salle : « Le service, je l’ai en moi, c’est viscéral, je ne peux pas m’empêcher de regarder comment chacun se comporte, le personnel comme le client. »

Palais royal

« Je suis venu ici pour faire du vin. » Prolongement logique pour ce porte-parole des vignobles, actuellement sommelier pour Le Petit Ballon (vins en ligne par abonnement) dont le parcours et les récompenses, à 40 ans passés, laissent pantois. Pour l’expérience, Paul Bocuse à Lyon, El Bulli en Espagne, Le Crillon, Lasserre, Le Clarence, Taillevent à Paris, Maisons et Terroirs de Provence à Châteauneuf-du-Pape. Tantôt sommelier, directeur de salle, consultant ou directeur général quand il n’est pas auteur pour l’édition et la presse. Pour les médailles, Trophée Ruinart 2007 du Meilleur jeune sommelier de France, Meilleur ouvrier de France sommellerie 2011, Meilleur ouvrier de France maître d’hôtel, service et arts de la table 2018 et tout récent président de la classe Meilleur ouvrier de France en lieu et place de Gérald Louis Canfailla. « Mon parcours, il est comme Château La Coste, il a évolué avec le temps. Je ne me voyais pas rester au cœur du sacro-saint triptyque sommellerie, restauration, gastronomie. J’ai eu besoin de me fixer des objectifs, de rencontrer des difficultés car si tu restes dans ta zone de confort au service dans une salle de restaurant, tu régresses. »

Il arrive ici avec beaucoup d’humilité, n’est pas là pour occuper un poste vacant ni pour prendre la place de quelqu’un mais pour accompagner le domaine et les Hommes. Ce n’est pas non plus un plan de carrière mais une volonté de conserver de l’appétit, de l’émerveillement, de la curiosité saine. La rencontre avec Paddy et Mara n’a jamais été programmée, elle s’est faite il y a une dizaine d’années, peut-être quinze. Personne ne s’en souvient. Un hasard de rencontres, de discussions et une question qui revient : « Peut-on imaginer des cuvées moins techniques, plus proches du fruit ? » Antoine, par sa récente proximité avec le sud, la vallée du Rhône, la Provence, la Corse, en est convaincu mais il faut le boire pour le croire. Le temps passe, il vinifie à Sartène en Corse, région qui peut parfois, selon les terroirs, être confrontée à des hauts degrés d’alcool. Le vin est longtemps élevé pour affiner les matières. Il repasse par Château La Coste, quelques bouteilles de vin sous le bras qu’il fait goûter à Paddy et Mara : « Voilà ce que l’on peut faire. » La réponse est presque immédiate : « Faites ça. »

Petrus Nouveau © Julie Vandal
© Julie Vandal

Imaginer de nouveaux vins

Mains dans les poches, Antoine Petrus arpente le vignoble niché entre 280 et 400 mètres d’altitude, parfois brumeux le matin par la présence de la Durance. Ici, du rolle, nom provençal du vermentino, là du grenache, du sauvignon blanc. Plus loin de la syrah, du cabernet-sauvignon, du chardonnay, du cinsault sur des sols argilo-calcaires ou basaltiques pour une production dominée par les rosés (60 %). Viennent ensuite à égalité, le blanc et le rouge : « Pour ce dernier, il faut que nous allions vers un vin moins dense, moins concentré, moins tannique. Cela passera par des élevages qui amèneront les matières vers plus de délicatesse. »

Antoine est conscient que les vins du Sud, essentiellement les rouges, peuvent moins plaire qu’auparavant. Il faut sans doute inventer un autre style. Même chose pour les rosés : « Il faut veiller à imaginer d’un côté des rosés de fruits et de l’autre des rosés épicés, structurés, aptes au vieillissement, comme certains vignerons savent le faire à Bandol, ou élevés en barriques de bois neuf sans chercher les arômes du bois. » Des vins, quelle que soit la couleur, plus vivifiants, rafraîchissants avec de l’acidité car elle est à la base de l’équilibre et permet de révéler l’amertume : « L’objectif, comme pour l’art selon Paddy et Mara, c’est que les vins touchent le plus grand nombre. » Son travail ne commence pas seulement à compter des vendanges 2025, il s’est déjà penché sur les vins en stocks comme ce 2021 en blanc, encore un peu austère qu’il fera évoluer en jouant sur les matières, l’inox, le bois ou les deux. Pour ce faire, son terrain de jeu sera complété par un nouveau chai qui permettra de poursuivre les élevages car le vin, c’est l’école de la sagesse, du temps.

Un verre pour la route

Dans un monde où la bienveillance se fait rare, Antoine a apprécié que Paddy et Mara le laissent mener toutes ses activités, le consulting, son métier de sommelier au Petit Ballon, son implication au sein des Meilleurs ouvriers de France et ce projet plus personnel, le Petrus, un verre destiné au grand public : « J’avais envie de faire quelque chose de mes mains. » S’il se souvient de son premier vin, un bordeaux quelconque, sec, amer, dégusté en famille dans le Loiret, il ne se souvient pas du verre : « Il ne devait pas être à la hauteur. »

Quelques années plus tard, il se voit offrir ses premiers verres qui traversent les années mais se brisent au fil des dégustations. Des Schott Zwiesel dont il ne lui en reste qu’un exemplaire. Pour l’époque et son âge, à peine vingt ans, c’était la Rolls Royce du verre : « Au fil des années, tous les verriers se sont mis à produire de sublimes verres en travaillant sur le design du buvant, de la cheminée, de la paraison, du pied. Je me suis impliqué auprès de Zwiesel pour tenter de retrouver cette sensation que la prise en mains d’un verre avait eu sur moi. » Ensemble, ils ont imaginé un buvant très fin, une base très évasée, un verre qui sera produit en machine et en soufflé bouche et disponible fin 2025. Gageons que les premiers exemplaires de ces Petrus seront remis à Paddy et Mara pour qu’ils dégustent les vins de leur domaine dans la création de celui qui les aide et les accompagne.

Château La Coste

Cet article est extrait du Magazine Gault&Millau Hors-Série Vins, Champagne & Spiritueux. Il est disponible sur notre boutique en ligne.
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