Le choix de la gastronomie : Jason Gouzy
Ils sont à peine trentenaires et ont bien souvent acquis un important bagage dans de grandes et belles maisons multitoquées. Ils ont aujourd’hui ouvert ou dirigent leur restaurant en faisant le choix de la gastronomie. Gault&Millau inaugure une série d’entretiens avec de jeunes chefs dont la démarche prouve que la haute cuisine fait encore rêver, mais aussi que la rigueur et l’ambition sont également un moteur pour certains de ceux qui se lancent dans ce métier. Commençons avec Jason Gouzy, du restaurant Pantagruel (2 toques), à Paris.
Il se dit que la haute gastronomie serait boudée par la jeune génération – de chefs et de clients –, mais certains tentent pourtant de renouveler le genre. Et font le choix d’une cuisine audacieuse, technique et française, avec, en salle, le retour de la nappe blanche, d’un art de la table raffiné, d’un service attentif et appliqué. En plus de s’engager à fond dans leur métier, ces équipes entendent le pratiquer avec les valeurs humaines, sociales et environnementales requises aujourd’hui.
Derrière cette modeste vitrine du quartier du Sentier, à Paris, on imagine mal que se cache une table gastronomique. Le chef Jason Gouzy revendique son ambition. Après de nombreuses expériences, à la fois en palace (Épicure, au Bristol), en hôtel de luxe (Le Burgundy) et en bistronomie (Le Galopin), le chef décide en 2019 d’ouvrir Pantagruel, son hommage à la gastronomie française. En contrepied aux murs de béton et autres tables en bois brut, il a choisi les moulures, les nappes blanches, un service à la française et une cuisine qui ne se contente pas de mettre un beau produit au centre de l’assiette.
« J’ai passé la première partie de ma vie professionnelle dans de grands restaurants. Puis je suis allé vers la bistronomie, à l’époque des Septime, Chateaubriand… au moment de la grosse vague d’inspiration nordique. J’ai beaucoup mangé dans ces endroits-là, et j’y ai travaillé. En voyageant à l’étranger, chez de jeunes chefs, j’ai constaté qu’il y avait aussi des cuisines gastronomiques ancrées dans la culture locale, très identitaires. Et que nous, en France, on avait complètement oublié que, notre tradition, c’est l’art de la table, le service, la technique… un passé culinaire dingue, avec de super vignerons. Je me suis mis dans l’état d’esprit d’un étranger qui va dans un restaurant parisien. Ce qu’il veut, c’est manger français. Il veut qu’on lui raconte la cuisine française ! Remise, bien sûr, au goût du jour, avec des influences de partout, voire de la street food, qu’il ne faut pas hésiter à intégrer dans la grande cuisine. »
En témoigne son fameux croque-homard, qu’il a également imaginé en clin d’œil à son ami Omar Dhiab, qui avait conçu avant lui le croque ris de veau. Chez Pantagruel, il met en scène chaque service en trois déclinaisons, sa signature. Une façon de démontrer un savoir-faire, d’aller encore plus loin dans la création. Une forme de générosité, aussi. « Mon souhait, c’est que vous viviez ici quelque chose que vous ne connaîtrez pas ailleurs. Quand je vais au restaurant, j’ai toujours très peur de tomber sur un endroit qui fait des choses comme moi, ou qui les a faites avant moi et que j’aurai copié sans le vouloir. »
Et, pour rendre l’expérience toujours plus inoubliable, il n’a pas hésité, dans son petit restaurant, à réduire encore le nombre de tables, en ajoutant de confortables banquettes, qui forment des alcôves. « Il est difficile, maintenant, dans l’espace dont nous disposons, d’aller plus loin. Il s’agit désormais de se concentrer sur le service, parce que c’est l’humain qui va rendre le lieu intéressant. Mon rêve ultime serait de réussir à recréer au déjeuner l’expérience du soir. C’est un risque, mais le but de nos restaurants n’est-il pas de déconnecter notre clientèle, de la sortir de son quotidien ? »
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