La Tour d’Argent joue les équilibristes
Le chef Yannick Franques vient de participer à la profonde rénovation de l’un des plus anciens restaurants de Paris. Sans omettre des classiques, comme le canard au sang et les quenelles de brochet, le Meilleur Ouvrier de France concocte désormais une subtile harmonie entre les goûts du passé, et ceux plus méditerranéens.
Elle n’avait pas connu pareille cure de jouvence depuis 1936. La Tour d’Argent vient de vivre quinze mois de travaux. Objectif : épouser le présent sans renier les repères du passé. Sacré défi ! Il ne concerne pas seulement une décoration, trouvant l’équilibre juste entre matières contemporaines et marqueurs historiques, à l’image du fameux bleu de la salle de restaurant. Derrière les fourneaux aussi, on s’est adapté, en piochant désormais dans diverses productions de fermes franciliennes. Arrivé en octobre 2019, le chef Yannick Franques ose le végétal en début de repas. « La Tour d’Argent, c’est un spectacle et cela le restera ! » souligne André Terrail, le propriétaire. Et d’ajouter « la cuisine doit être remarquable. Elle doit savoir lutter face à la vue sur la Seine et Notre-Dame qui hypnotise les clients ».
Lorsque le restaurant a fermé, aviez-vous déjà une vision quant à la direction culinaire que vous souhaitiez donner au moment de la réouverture ?
Yannick Franques : Avant le jour effectif de la fermeture, je savais déjà ce que je souhaitais réaliser lorsque le restaurant accueillerait de nouveau des clients. Je souhaitais vraiment respecter les traditions entretenues par la Tour d’Argent tout en apportant de la modernité. Je voulais trouver un juste équilibre entre le trop classique et le trop moderne.
Quelles modifications avez-vous apportées aux plats emblématiques du restaurant ?
Y.F. : Il faut réinterpréter sans dénaturer les recettes. On doit garder les points de repères au moment de la dégustation. Pour le foie gras des trois empereurs, on sert désormais la brioche de façon individuelle dans un plat argenté. Quant à l’huître chaude à la Brolatti, je la grille désormais, je garde la base de vin blanc pour la sauce et j’ajoute une huile fumée additionnée d’une brunoise de salicornes. Quant au canard, je voulais le remettre au centre de la carte. Concernant le caneton Frédéric Delair, on lève toujours le suprême à la volée, mais nous avons réfléchi à une belle assiette avec la céramiste Sylvie Coquet dans laquelle on peut piquer une fourchette qui maintient un aileron confit et bien poivré. Dans un deuxième temps, on sert un hâtereau, qui ressemble à une brochette, avec la cuisse et du boudin de canard ainsi qu’un champignon confit. On déguste avec une sauce béarnaise montée avec du jus corsé de canard.
Quelles ont été vos sources d’inspiration pour moderniser les recettes historiques ?
© Matthieu SalvaingY.F. : Ce sont tous les témoignages du passé, comme cette fourchette qui existait déjà à l’époque d’Henri IV. Il y a aussi le directeur du restaurant, Stéphane Trapier, qui est présent depuis près de quarante ans. On feuillette dans les archives et on repère d’anciens plats.
Y a-t-il une validation de la part d'André Terrail pour qu’un plat traditionnel de la Tour d’Argent qui a été modifié soit inscrit à la carte ?
Y.F. : Non j’ai carte blanche parce qu’il me fait confiance. Mais, cela ne l’empêche pas de goûter au fil des essais. Monsieur Terrail me lance aussi des défis. Avant la fermeture, il m’avait confié se souvenir d’un soufflé à partager avec deux parfums dont il appréciait le cérémonial quand il était petit. Depuis la réouverture, nous proposons ainsi ce dessert dont on découpe le chapeau devant les convives. Nous avons remonté de la cave des moules à soufflé. Nous les avons réargenté pour qu’ils puissent être utilisés pendant le service.
Avez-vous travaillé davantage le végétal même si l’on vient à la Tour d’Argent pour son canard au sang ?
© Matthieu SalvaingY.F. : Nous avons pris le parti de ne servir que du végétal au moment des canapés et des avant-plats. Nous servons désormais un bouillon en tout début de repas qui ne contient rien d’autre qu’une extraction de champignon de Paris et un sabayon de livèche. Nous avons ressuscité cette tradition qui consistait auparavant à toujours servir un consommé au début du dîner.
Cette réouverture signe aussi la fin de l’utilisation du gaz dans la cuisine qui est désormais ouverte. Dans quelle mesure ces nouvelles dispositions ont-elles ouvert le champ des possibles culinaires ?
Y.F. : Lorsque je suis parti au Japon, j’ai découvert la cuisson au teppanyaki. J’ai donc décidé de ne plus poêler mais d’installer sur chaque poste cette plaque qui permet de saisir les ingrédients à la température que l’on souhaite. Quant à la cuisine ouverte, c’était un projet de monsieur Terrail auquel j’ai adhéré immédiatement. Le soir, lorsque le service le permet, j’ai l’opportunité de tailler le soufflé ou de servir une sauce aux clients
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