L’altitude est-elle un eldorado pour les vins ?
Face au réchauffement climatique, monter en altitude pour perdre quelques degrés et conserver la fraîcheur dans les vins semble une solution alléchante. Mais qu’implique réellement la viticulture de montagne ?
Vin d’altitude. Une simple formule peut convoquer tout un cocktail de sensations. Fraîcheur de l’air, pureté de l’espace, fluidité d’un ruissellement. Quelle meilleure image dans un contexte de réchauffement climatique, quand certains vignobles peinent à conserver l’équilibre de leurs vins ?
À cette évocation, les vins de Savoie viennent vite à l’esprit, même si les vignes se situent en moyenne à 400 mètres d’altitude. Envisager la viticulture en hauteur concerne aussi des vignobles moins caractérisés par leurs sommets, l’Alsace, la Loire, l'Auvergne ou le Roussillon. Au sud, où les vins ont globalement plus tendance à se charger en sucres et en alcool, l’altitude se vante même sur certaines étiquettes, comme crédit de renouveau.
Mais l’altitude est-elle vraiment l'eldorado projeté ?
Dans le Trièves, en Isère, Jérémy Bricka est engagé entre 550 et 700 mètres d'altitude au milieu des massifs. Grâce aux 3 degrés de moins comparé à 300 mètres plus bas, et surtout grâce aux grandes amplitudes thermiques entre la chaleur du jour et la fraîcheur des nuits, les raisins mûrissent lentement et sans stress susceptible de stopper leur développement. Le taux de sucre ne s’emballe pas avant que la maturité phénolique des peaux et des rafles soit atteinte. Résultat, les vins sont pleinement mûrs, avec des degrés alcooliques faibles et l'acidité a été préservée.
“En 2023, la canicule n’a pas épargné les raisins de la Savoie toute proche et a brûlé leurs acides. Ici, j’ai pu vendanger un mois plus tard et garder un profil frais dans mes vins”, illustre le vigneron. Cependant, cet atout a un coût financier et physique. Le travail dans la pente est difficilement mécanisable, parfois balayé par les courants froids ou la neige.
Pression animale
Dans cet environnement, à 1300 mètres d’altitude dans les Pyrénées, dans le hameau de Bajande, Wilfried Garcia a planté deux hectares de vignes d’une grande diversité de cépages pour tester leur adaptation. Cette année, ses premiers vins se sont montrés très frais : “Des vins à 11 degrés qui en paraissent 14 par leur maturité.” Mais la majorité de la production a été raflée par le gel, susceptible de frapper sur une plus grande période en altitude. D’autant plus problématique que l’instabilité des températures poussent à des sorties de bourgeons inopinées, comme partout dans le vignoble.
“On sous-estime l’investissement en haute-montagne,” a réalisé le vigneron. La part de risque est plus importante compte tenu des phénomènes plus violents, qu’il s’agisse de grêle ou d’orage. Autre lourde pression dans cet espace sauvage préservé, les lièvres, biches, blaireaux ou oiseaux se ruent sur cet îlot isolé de fruits. “Avec les clôtures et les filets au coût supplémentaire, les parcelles deviennent des bunkers.”
Fermentations lentes
À 1600 mètres d’altitude, au milieu des skieurs de fond et des tire-fesses, Angela Weidner et Maxime Aerts ont installé leur cave. Les vins fermentent tout en douceur grâce au froid profond de l’hiver des Hautes-Alpes. Le couple est monté il y a quatre depuis le Gard pour le cadre de vie, l’équilibre des vins et celui de la famille. Dans un premier temps, ce territoire oublié de la viticulture les conquit. Pas besoin d’équipement coûteux de refroidissement, ni d’additifs pour rééquilibrer les vins.
Puis Angela et Maxime découvrent l’isolement, les 45 minutes de route les séparant du premier laboratoire d’analyse. L’espace monopolisé par l’élevage les contraint à une petite surface, plus fragile économiquement. Malgré tout, le duo se projette : “En plus des 45 cépages identifiés dans nos parcelles, nous avons choisi de planter des variétés du tour du Mont Blanc, comme le mollard, le persan ou la petite arvine.”
Lesquels parviendront à s’adapter ? Surtout, dans quelles conditions pourront-ils évoluer ?
“On parle de dérèglement climatique à juste titre, pose le vigneron du Trièves Jérémy Bricka. La météo est imprévisible. On prépare nos vignes à l’excès de chaleur, mais le millésime cette année a été très frais et le problème était plutôt inverse. On est dans l’inconnu.” Même constat côté Pyrénées, chez Wilfried Garcia : “La sécheresse morbide qui touche le Roussillon depuis trois ans n’épargne pas la montagne. Il n’y a pas d’eldorado, le risque est partout.”
- Domaine Jérémy Bricka : 38710 Mens, Trièves
- Domaine Cotzé (Wilfried Garcia) : 66800 Hameau de Bajande, Cerdagne
- Domaine Les Raisins Suspendus (Angela Weidner et Maxime Aerts) : 05200 Saint-Sauveur, Hautes-Alpes
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