Veuillez patienter...

Contact

37-39 rue Boissière
75016 Paris
France

Appeler : 01 41 40 99 80

GaultMillau © 2025 Tous droits réservés

Des vendanges à la lampe frontale

Des vendanges à la lampe frontale

Justine Knapp | 16/09/2024 17:27
Désactivez votre adblocker

Pourquoi des domaines choisissent-ils de vendanger durant la nuit ? Dans le Languedoc, en Provence ou en Savoie, des vignerons et vigneronnes détaillent ce qui les incite à récolter de nuit.

Il est cinq heures du matin. La température a commencé à baisser il y a trois heures et estompe progressivement le souvenir d’une journée écrasée par le soleil d’été et fouettée par les vents comme le climat méditerranéen sait les façonner. Dans la nuit encore profonde, la Montagne d’Alaric, point culminant du massif des Corbières, se devine. À son pied, au fil des terrasses, vallons et coteaux, plusieurs dizaines de lampes frontales s’agitent comme des lucioles.

Un jour de vendanges classique commence au Château La Baronne, à Moux. Depuis 2022, Anne et Jean Lignères ont décidé de vendanger de nuit leurs 100 hectares de vignes. “Pour le côté humain”, explique Jean Lignères, vigneron et médecin de village de père en fils. “Vendanger de nuit permet d’échapper à la chaleur.”

L’équipe fidèle de trente-cinq saisonniers, la “colle” selon le terme local, démarre, sécateur en main une à deux heures avant l’aube et termine à midi pour l’heure du déjeuner, autour d’échanges en espagnol, portugais et français. “On ne ferait plus machine arrière, c’est devenu quasi un acquis social pour eux, sourit Jean Lignères. Pourquoi risquer des accidents quand on peut décaler les horaires sans perdre en efficacité ?

Cueillette de rayon 

L’année dernière, notamment en Champagne, plusieurs vendangeurs et vendangeuses sont décédés pendant la saison à cause des fortes chaleurs. Partout dans le vignoble, le dérèglement climatique et la hausse des températures fait avancer chaque année le début des récoltes. Au Château La Baronne, elles commencent en plein mois d’août, vingt jours plus tôt qu’il y a dix ans – et pas du seul fait de son passage en 2012 à la biodynamie, dont les pulvérisations permetteraient une pleine maturité des raisins plus rapidement.

Un an avant de sauter le pas, Anne et Jean Lignères observent les vendanges de nuit chez des vignerons lors d’un voyage en Israël et commencent à cogiter. Est-ce faisable chez nous ? De retour, une travailleuse viticole occasionnelle et adepte de la randonnée nocturne finit par les convaincre : “Tu prends du 200 lumens, c’est parfait”, conseille-t-elle. Dans la foulée, Jean cueillait trente-cinq lampes frontales d’un rayon Decathlon.

Les raisins, aussi, profitent de l’air clément de la nuit. Ils arrivent plus frais en cave, ce qui évite le recours à des systèmes de refroidissement coûteux financièrement et énergétiquement. Les fermentations peuvent démarrer à une température idéale, entre 15 et 21°C. Plus facilement encore si les levures indigènes privilégiées par le domaine, présentes en partie sur la peau des raisins, n’ont pas été agressées par un trajet sous plus de 30°C.

Frais comme le rosé

Dans un tout autre décor, la Provence se préoccupe, elle aussi, de la fraîcheur du raisin. Pour une obsession commerciale : la pâleur de son rosé, nuance préférée par les consommateurs. Les vendanges de nuit y sont amplement répandues. “Les autres régions productrices de rosé se sont inspirées de nous”, remarque Valérie Rousselle, propriétaire du Château Roubine aux 120 hectares, parmi les premiers à se lancer en 1995.

Chaque année, les phares de ses machines à vendanger enjambent les rangs de vigne de 2 à 6 heures du matin pour éviter que les grains destinés au rosé ne prennent trop de couleur. “Sous l’effet de la chaleur, la peau des raisins rouges a tendance à répandre davantage ses pigments à la chair blanche, résume Valérie Rousselle. La vendange de nuit est une ruse qui réduit le besoin de correction chimique de la couleur par la suite (par l’utilisation de soufre et autres additifs, NDLR)." Pour les vins rouges, dont les grappes mûrissent plus tard dans la saison, les machines exposent à nouveau leur capot au soleil. Le facteur couleur ne compte plus.

Fête dyonisiaque

Changement d’échelle. Retour aux lampes frontales, vissées sur une dizaine de têtes, le double de bras mobilisé pour 25 ares. En Savoie, près du lac du Bourget, Pierre Grobon a choisi de vendanger en 2022 le premier millésime de sa carrière de nuit. Bien-être de l’équipe ? Fermentations sereines ? Arômes préservés ? Si les avantages se sont ensuite esquissés, au départ, il ne s’agissait que d’une question d’emploi du temps. “Le lancement de ma propre activité ne permet pas d’en vivre dès le début. La première année, je cueillais le jour sur un autre domaine, il a bien fallu vendanger ma parcelle la nuit”, expose le vigneron.

Ses proches débarquent à deux heures du matin pour l’aider. Un verre de blanc d’accueil lance une ambiance festive favorisée par l’euphorie de la fatigue. “C’était joyeux et hyper motivant. On a fini juste avant le lever du soleil autour d’un génépi, puis tout le monde est allé se coucher.” L’année suivante, la bande a réclamé à nouveau une nuit de vendanges.

 

Désactivez votre adblocker

Ces actualités pourraient vous intéresser

Les chefs réinventent l’apéro parfait avec le St-Germain® Spritz
Actus & Rendez-vous
Les chefs réinventent l’apéro parfait avec le St-Germain® Spritz
Cyril Lignac, Diego Alary et d’autres chefs remixent l’apéro autour du St-Germain® Spritz avec des recettes ultra créatives à découvrir sur les quais de Seine, dès le 13 juin !
Le chef Jean-Luc Tartarin, figure havraise, est décédé à l’âge de 59 ans
Actus & Rendez-vous
Le chef Jean-Luc Tartarin, figure havraise, est décédé à l’âge de 59 ans
Le chef Jean-Luc Tartarin nous a quittés. Installé au Havre, il était une référence de la gastronomie normande depuis plus de trois décennies.
Denis Martin ouvre La Belle Vie : un nouveau chapitre au cœur du Gard
Actus & Rendez-vous
Denis Martin ouvre La Belle Vie : un nouveau chapitre au cœur du Gard
Après sept années chez The Marcel, Denis Martin s’apprête à ouvrir son propre établissement à Saint-Hilaire-d’Ozilhan. Le chef nous en dit plus sur cet hôtel-restaurant, baptisé La Belle Vie.
En 1969, ces bistrots faisaient courir Paris
Actus & Rendez-vous
En 1969, ces bistrots faisaient courir Paris
Gault&Millau remonte dans le temps et rouvre les pages de ses premières éditions. Cap en 1969, à la découverte de ces bistrots parisiens qui faisaient courir la ville pour le goût et l'ambiance.
À Bagnoles-de-l’Orne, ce manoir défie le temps
Actus & Rendez-vous
À Bagnoles-de-l’Orne, ce manoir défie le temps
Le temps n'a aucune prise sur ce beau manoir du XIXᵉ siècle. Les décennies passent et le Manoir du Lys semble plus moderne que jamais quand on aurait pu imaginer qu'il s'assoupisse en lisière de forêt. Les idées, les envies. les projets qui émanent d'une équipe familiale soudée font que cette adresse, au cœur de l'Orne, ne prend pas une ride.
Eloi Spinnler et Kyan Khojandi signent un plat solidaire chez Colère
Actus & Rendez-vous
Eloi Spinnler et Kyan Khojandi signent un plat solidaire chez Colère
Eloi Spinnler s’associe à Kyan Khojandi pour créer un plat végétarien, relevé et de saison, à découvrir chez Colère. L’intégralité des bénéfices sera reversée à l’association Linkee.
Devenez Partenaires