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Corentin Poirier-Martinet, pâtissier allegro con brio

Corentin Poirier-Martinet, pâtissier allegro con brio

Il est le tout premier chef à entrer en résidence à la Villa Albertine, vaste programme français de coopérations et d’échanges artistiques aux États‑Unis. Le jeune chef pâtissier de 26 ans prouve, si besoin était, que la gastronomie peut être (enfin) considérée comme un art majeur, et les cuisiniers et pâtissiers… tels des artistes comme les autres.

Stéphane Bréhier

Après quoi court Corentin Poirier-Martinet ? Les honneurs ? À le voir dans ce lobby d’hôtel fraîchement revampé de la côte basque (le Regina, passé sous bannière Experimental Group, rénové par la décoratrice Dorothée Meilichzon), c’est peu probable. À l’écouter, à décrypter son (déjà) long parcours, à déceler ce mélange de nonchalance et de détermination assumé, le chef pâtissier est bien plutôt un opportuniste. Entendez par là quelqu’un qui sait saisir une perche, attraper sa chance, essayer pour voir, sans a priori, et qui ne s’impose aucune barrière. Il a vu « deux copains devenir MAF [Meilleur apprenti de France, NDLR]. Je me suis dit si eux l’ont fait, moi aussi, je peux ». Il a travaillé – « beaucoup » –, s’est entraîné – « vraiment beaucoup » – et a décroché le Graal. Il était alors, après être passé par Ferrandi et avoir obtenu son baccalauréat professionnel boulanger et pâtissier (avec les félicitations du jury), en apprentissage à l’École de boulangerie et pâtisserie Paris. 

Un jeune homme convaincu

Il ne court pas après les honneurs, donc, mais se donne les moyens d’être remarqué, et par les bonnes personnes. Passages chez Laurent Duchêne, Cédric Grolet, Guillaume Gil, Yann Couvreur, Ramon Morató, Amaury Guichon… Corentin Poirier-Martinet trace sa route. Une route qui le poussera à partir, à hisser les voiles. Ce sera New York, chez Dominique Ansel, où il reste deux ans. Hélas, le Covid-19 aura raison de cet exil. Un mal pour un bien, sûrement. Le Château de Brindos, propriété du groupe hôtelier bordelais Millésime Collection, au Pays basque, se réinvente et rouvre au printemps 2022. Le chef pâtissier à carte blanche, ou presque. Il pose ses valises et découvre la « pâtisserie de terroir », sa capacité à absorber et à transcrire une émotion, une couleur. Quand Corentin Poirier-Martinet entend parler du programme de la Villa Albertine, il se dit une fois de plus « pourquoi pas moi ? » Ils n’ont jamais accueilli de chef en résidence ? – « Et alors ? » De même qu’aucune des autres Académies de France à l’étranger, mis à part Zuri Camille de Souza à la Villa Médicis, à Rome, en 2022 – « Et alors ? » Il faut rendre le dossier de candidature dans dix jours ? – « Et alors ? Qu’est-ce qu’on attend ? » Il bâtit son projet, « mais je l’avais déjà en moi, sans vraiment l’avoir posé. Il a suffi de prendre une feuille blanche et d’y aller ». Et il y va, avec l’aide de sa compagne, Léa Florian, sommelière au Château de Brindos, envoie son dossier à 23 h 57 pour un dépôt limite à… 23 h 59, « c'était chaud ». Il imagine ce qu’il peut apporter à un tel programme, n’a pas peur, assume, explique. Le jeune homme est si convaincu que la pâtisserie – et la cuisine en général – est un art majeur, au même titre que la peinture, la sculpture, la littérature ou le cinéma ; qu’un pâtissier joue une partition avec autant de précision qu’un compositeur, qu’il dessine un dessert avec autant d’engagement qu’un architecte, et qu’il a donc – comme tout autre cuisinier – sa place à la Villa Albertine… qu’il convainc le jury et la décroche, sa place. Il va devoir quitter Brindos – « il est temps sans doute aussi que je fasse ma propre cuisine et que je défende mes convictions… »

Imposer sa marque

Parmi toutes les antennes de la Villa Albertine (10 villes aux États-Unis), le chef choisit San Francisco. « Parce que c’est la ville qui est la plus proche d’un terroir d’exception que l’on peut rapporter à la pâtisserie… Parce que la scène gastronomique y est très riche, mêlant culture et influences, ayant vu la première l’émergence du “farm-to-table”… Parce qu’elle est au cœur de l’innovation technologique et abrite plusieurs universités et centres de recherche effectuant des études sur les liens entre régimes alimentaires et santé, les impacts environnementaux de l’agriculture et la production alimentaire… » Ce hub lui a paru propice pour créer des passerelles, des liens, pour imaginer une pâtisserie qui, avec un ADN français, mette en valeur les saveurs paysannes du Grand Ouest. Il aura dix semaines sur place pour réaliser ses recherches et travaux. Corentin Poirier-Martinet ne cherche pas les honneurs, donc, mais il ne néglige aucune piste qui lui permettrait de créer un style, d’imposer une marque de fabrique, de laisser une trace. Un projet de livre (aux éditions Les Ateliers d’Argol), à l’issue de la résidence, est sur les rails. De même qu’un restaurant à Biarritz, en association avec le chef Maxime Chentouf. Le chef veut être un « témoin engagé qui, avec sa cuisine, pourra se faire porte-parole et aborder des sujets sociétaux et environnementaux »… Alors, après quoi court-il ? Il ne court pas, il se donne les moyens de faire ce qu’il aime et ce pour quoi il fait preuve d’un talent certain. C’est tout.

Cet article est extrait du magazine Gault&Millau #1. Pour ne pas manquer les prochains, abonnez-vous.
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