Ces nouveaux cépages que vous ne connaissez certainement pas
Voltis, souvignier gris, floréal, solaris… Ces noms de cépage ne vous disent rien ? Ils rejoignent progressivement le vignoble pour leur résistance naturelle aux maladies de la vigne, malgré les réticences.
“Souvignier gris, plantet, rayon d’or, seyval blanc.” Le vigneron jurassien Valentin Morel liste ses chouchous avec enthousiasme. Les quatre sont des cépages hybrides qu’il défend plus globalement dans Un Autre vin, un livre médiatisé qui a renforcé la présence du sujet sur la place publique. “Avec ceux-là particulièrement, tu ne peux pas faire d’erreur”, poursuit-il. Sous-entendu : ces cépages sont capables de donner des vins qualitatifs, malgré ce que l’on en dit. Qu’en dit-on au juste ? Ils suscitent l’attention pour leur résistance naturelle aux maladies, autant qu’ils soulèvent les doutes quant à leurs qualités, surtout gustatives.
Pour comprendre leur intérêt, partons d’un fait : la vigne a besoin de traitements phytosanitaires. L’espèce Vitis vinifera, dont provient la majorité du vin bu dans le monde, a besoin d’aide pour lutter contre le mildiou et l'oïdium. Y compris les vignes cultivées en agriculture biologique. “On sait vinifier naturellement à la cave, mais à la vigne, on n’est pas foutu d’avoir du raisin en quantités raisonnables, sans cuivre ni soufre”, résume Francis Rousset des Coteaux des Girondales, vigneron installé en Haute-Savoie et militant pour ces cépages.
À l’inverse, les hybrides résistent aux champignons ravageurs et se passent de traitements. Il s’agit d’autres espèces de vignes créées naturellement. Depuis 1877, des botanistes croisent la fleur d’une Vitis vinifera (la vigne qualitative de référence) avec celle d’autres Vitis moins fragiles dénichées dans le monde. À la clé : “Un meilleur bilan carbone et un meilleur bilan anxiogène. Moins de temps passé à la vigne à traiter, des récoltes généreuses, une viticulture moins interventionniste et donc moins coûteuse”, avance Valentin Morel.
Couper court aux fantasmes
En juillet 2023, une association de défense et de promotion de ces cépages a même été créée sous le nom de Vitis Batardus Liberata. Une quarantaine de domaines a répondu présent à l’invitation lancée aux “hybridophiles” de France. L’objectif : partager les retours d’expériences de chacun et s’impliquer pour vulgariser le sujet auprès du public, notamment pour “couper court aux fantasmes concernant les hybrides”. L’assemblée estivale réunie en Creuse comptait parmi ses membres Lilian Bauchet (Beaujolais), Geoffrey Etienne (Creuse), Didier Grappe (Jura), Valentin Morel (Jura), Francis Rousset (Haute-Savoie), ou encore des curieux venus de Belgique. Ce vignoble pluvieux et froid doit aux hybrides son essor récent, la vigne Vitis vinifera étant trop sensible au climat belge, en tout cas en bio.
Dix ans pour l’appellation
En France, les AOC se familiarisent petit à petit avec ces cépages résistants. Raison avancée : protéger les terres, les points d’eau et les riverains. La porte a été entrouverte par l'autorisation en 2017, pour les vins hors appellation, de 16 variétés (cabernet blanc, solaris, pinotin, johanniter, artaban…).
La Champagne a été la première à s’avancer avec le voltis. À pas prudents. La plantation s’inscrit dans une phase expérimentale de dix ans. Le voltis rejoindra potentiellement le cahier des charges de l’AOC en 2033 et il ne pourra représenter que 10 % d’un assemblage et 5 % de l’encépagement d’un domaine. Même principe pour les appellations Bordeaux et Bordeaux Supérieur avec le floréal, le sauvignac, le souvignier gris et le vidoc.
Cépages miracles
En Savoie aussi, la question se pose. Les domaines savoyards se sont réunis début 2024 pour la dégustation de plusieurs cépages. Lesquels entreront en expérimentation dans le cahier des charges de l’AOP ? Parmi les candidats, des cépages endémiques : verdesse, gringet, persan, joubertin, étraire, séreneze… “Nous avons également évoqué l’intégration de deux résistants, rapporte Raphaël Saint-Germain, très impliqué dans le patrimoine ampélographique de la région, notamment autour de variétés locales oubliées. À mon sens, nous nous éloignerions de notre identité alpine.”
Voilà l’une des craintes partagées concernant ces “cépages miracles”, comme ironisent les sceptiques : la perte de singularité des vignobles et de leurs vins, la perte de diversité ampélographique. À ce sujet, le vigneron et auteur Valentin Morel a construit son argumentaire sur la plantation parallèle et à petite dose de ces cépages, pour diversifier économiquement le domaine. “Ce serait comme se lancer dans une autre culture, mais tout en étant déjà équipé en matériel.” Soit l’art de ne pas mettre tous ses vins dans le même panier.
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