Armand Arnal & Thierry Dufresne : pollinisation croisée
Le premier est aux fourneaux de La Chassagnette, à Arles, le second est un ancien dirigeant de l'industrie du luxe devenu apiculteur-récoltant, fondateur de la marque La Manufacture du Miel en 2010 et de l'Observatoire français d'apidologie en 2014. Armand Arnal et Thierry Dufresne évoquent leur amour des abeilles et l'importance de protéger ces sentinelles des jardins. C'est dans le potager hyper pollinisateur du chef, à un vol de flamant rose d'Arles, que l'on a assisté au butinage de ces deux passionnés de biodiversité.
Pourquoi vous être intéressé l'un comme l'autre aux abeilles ? Quel a été le déclic ?
THIERRY DUFRESNE : En 2010, quand les cheveux blancs sont arrivés, que ma carrière dans le monde de la mode se terminait et que la retraite approchait, je me suis dit qu'il était important que des entrepreneurs qui ont encore de l'énergie et du réseau essaient de faire quelque chose pour les générations futures. En parallèle, je suis devenu grand-père pour la première fois. Je me suis dit que cette petite-fille n'allait pas me demander comment avait été ma vie avec Karl Lagerfeld, parce qu'elle ne saura peut-être même pas qui c'est, mais elle me dira : « Toi qui as fait partie d'une génération privilégiée, qu'est-ce que tu as fait réellement pour nous ? » Je me suis alors intéressé au sujet des abeilles et à leur importance pour le développement de la biodiversité. Quand on arrive de Paris et qu'on vient du monde du luxe, les gens peuvent se dire « c'est qui ce connard qui vient s'occuper des abeilles ? » J'ai donc tenté de me former et d'acquérir une légitimité en créant à la Sainte-Baume un gros rucher de 450 ruches.
ARMAND ARNAL : Quand on est en rapport avec le végétal comme ici à La Chassagnette, et qu'on observe les choses, on s'aperçoit qu'une rencontre s'opère entre le végétal et l'insecte. Il y a un dialogue qui s'est mis en place : les plantes se sont mises à vouloir séduire les abeilles et inversement. Rencontrer l'Observatoire français d'apidologie, l'OFA, c'était rencontrer des gens avec qui nous allions pouvoir continuer ce dialogue sans être dans une démarche productive. Nous ne cherchons pas, ici, à faire du miel à outrance !