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Thomas Vételé, chef de l’Hôtel du Couvent, & Avit Ghibaudo, maraîcher de la Ferme Notre-Dame

Thomas Vételé, chef de l’Hôtel du Couvent, & Avit Ghibaudo, maraîcher de la Ferme Notre-Dame

Morgane Mizzon | 02/09/2024 11:38

De l'omelette du petit-déjeuner servie au lit jusqu'aux gnocchis au pistou du restaurant, tous les plats de l’Hôtel du Couvent à Nice sont pensés par un chef, Thomas Vételé, qui œuvre grâce aux produits d’un maraîcher, Avit Ghibaudo. Rencontre au cœur de ce couvent du XVIIème siècle avec un binôme qui fait rimer bon goût et durabilité.

Depuis les hauteurs de la ville, l’Hôtel du Couvent contemple le tumulte du Vieux Nice, la chorégraphie des avions et la baie des Anges d’un regard paisible. Il règne dans la cour de ce tout nouvel hôtel, l’un des plus attendus de l’année, un calme olympien.

C’est, entre autres, cette énergie à part qui a poussé Thomas Vételé à devenir le chef de l’établissement qui compte un restaurant, un bistrot et une guinguette. Pourtant, coutumier des grands hôtels (ex-chef du Shangri-La Paris, de l’Hôtel Royal Savoy à Lausanne), Thomas était lassé des établissements de luxe, et s’apprêtait à changer de voie lorsqu’il a été contacté par l’Hôtel du Couvent. Le directeur Valéry Grégo lui a présenté l’approche holistique de son hôtel, la volonté de préserver le potager et les agrumes du jardin déjà présent lorsque les sœurs Clarisses résidaient ici au XVIIᵉ siècle, et le défi de travailler au maximum avec les produits d’un seul maraîcher. Thomas Vételé a été séduit.

Le maraîcher s’appelle Avit Ghibaudo et il cultive seul dans sa ferme Notre-Dame installée à Touët-sur-Var (Alpes-Maritimes), à une cinquantaine de kilomètres de l’hôtel. Une ferme baptisée Notre-Dame pour fournir un hôtel installé dans un couvent, une rencontre sous les meilleurs auspices.

À quoi ressemble la ferme Notre-Dame ?

Avit Ghibaudo : La ferme est située dans le petit village de Touët-sur-Var à 550m d’altitude, on est dans le Haut-Pays niçois. J’ai une terre de 3 000 m² cultivée en bio. C’est une très belle terre d’alluvions qui n’avait pas été cultivée depuis une centaine d’années. Elle est riche et pleine d'énergie. Mon travail n’est donc pas seulement d’en tirer le meilleur, mais aussi de ne pas l’épuiser et de lui apporter les matières organiques dont elle a besoin. Je suis dans ma troisième année d’exploitation en tant que maraîcher, j’apprends encore avec elle. J’ai aussi un élevage de poules pondeuses installé sur 4000 m² qui fournit tous les œufs de l’hôtel.

Thomas Vételé : On se sent très bien dans la ferme d’Avit. J’aime beaucoup être là-haut, la région est magnifique. C’est ce projet et cette possibilité de connexion avec la nature qui m’a convaincu de rester dans l’hôtellerie. Sans ça, j’aurais changé de vie. Mon seul regret, c’est de ne pas pouvoir m’y rendre plus souvent pour le moment.

Quels sont les défis majeurs de votre collaboration ?

T.V. : Aujourd’hui, je ne décide pas tellement de ce que je mets dans l’assiette. Je ne peux pas appeler en disant “je veux ci, je veux ça demain". Il faut accueillir ce que la terre nous donne et rien d’autre. Cela implique de déconstruire la façon dont on apprend à penser la cuisine à l’école. On a commencé à parler de plantation avec Avit, alors qu’on avait pas encore établi de carte pour l’hôtel. Pour le moment, on en est encore aux balbutiements de notre collaboration. Ce n’est pas Avit qui me fournit la totalité des légumes. Il nous faut du temps pour comprendre ce dont l’hôtel a besoin et ce que la terre peut nous donner. Il y a de la frustration et c’est aussi ça le rapport à la terre, elle peut être ingrate ! Je rêvais de petits pois pour l’ouverture (juin 2024) et on a pas pu en avoir que très peu. J’ai une carte qui a tenu huit jours et ensuite, il a fallu tout revoir.

A.G. : Je pensais connaître un peu le métier de chef, mais un chef d’hôtel, c’est encore très différent. Par le nombre de restaurants, par la quantité et la variété de produits attendues du petit déjeuner au dîner. Je découvre ces enjeux. L’année prochaine, je ferai plus d’oignons roses de Menton et moins de tomates ! Mais ça a été beaucoup plus simple pour moi que pour eux. Moi j’existais un peu avant, pour Thomas et son équipe tout est nouveau, ils ont dû s'adapter !

Et quels sont les éléments les plus réjouissants de ce partage entre chef et maraîcher ?

A.G. : Ils sont livrés quotidiennement de produits cueillis le jour même. Je suis sûr que les clients dégustent mes légumes de la meilleure des manières, le plus fraîchement possible. Et côtoyer Thomas me permet de réfléchir différemment à mon travail. J’essaye beaucoup plus de variétés que si je vendais en marché. J’apprends à son contact. 

T.V. : En plus des légumes frais, on reçoit en moyenne 200 œufs par semaine, ça donne une qualité indéniable à toutes nos préparations. Ça, c'est une chance inouïe.

Quel plat incarne le mieux votre rencontre ? 

T.V. : La ratatouille. Je la fais la plus simple possible, avec les légumes d’Avit et rien d’autre.

A.G. : Il y a aussi la pissaladière, quand j’ai livré tous les oignons roses de Menton. J’ai adoré manger mes oignons comme ça.  Et le sorbet à la fraise de Carros, c’était la première fois que je réussissais des fraises !

T.V. : Et c’était mon premier sorbet de l’hôtel !  

Thomas, comment exploitez-vous au mieux les produits de la ferme ?  

T.V. : Tout mon travail est guidé par le bon sens. On n'invente rien, on revient à une méthodologie de travail qui existaient aux origines de la cuisine, des choses que l’on faisait déjà à l’époque où ce couvent accueillait les sœurs Clarisses : salaisons, conserves, fermentations. Il ne faut rien gaspiller. On a eu beaucoup de tomates alors, on a fait du concassé de tomates, du "ketchup". On fait des pickles de betterave, du coulis de salade, de la confiture de fraise… 

A.G. : C’est d'autant plus important de songer à la conversation que j’ai une ferme en altitude donc ma saison d’été est plus courte qu'ailleurs dans le sud de la France. 

L’Hôtel du Couvent abrite aussi un magnifique jardin en restanques avec des agrumes et un potager, on retrouve leurs produits dans vos assiettes ? 

T.V. : Bien sûr ! À termes, j'aimerais que toutes les herbes aromatiques que l’on utilise viennent de ce potager. Pour le moment, on a surtout profité de l'incroyable variété d’agrumes : oranges, citrons, pamplemousses, cédrats… On fait des oranges et des citrons givrés par exemple.  

Qu’est-ce que vous rêvez de voir pousser à la ferme un jour ?

A.G. : Je peux répondre pour lui ? Thomas rêve d’un champ d’artichaut. C’est son légume préféré. Le problème de l’artichaut, c'est qu’il prend beaucoup de place et occupe la terre pendant cinq ans. 


© Morgane Mizzon - Giulio Gerardi

Votre petit bonheur en arrivant le matin au potager ou en cuisine ?

A.G. : Observer la croissance de ce qui a été planté, une feuille, puis deux etc. Je suis ému chaque jour. Parfois rien ne pousse pendant deux semaines, et puis tout sort d’un coup. Il y a un peu de magie sous tout le travail. 

T.V. : Mon bonheur serait de commencer ma journée là-haut, y aller plus souvent. On a pour projet d'organiser des dîners directement à la ferme où le trajet de la terre à l’assiette sera réduit à zéro. Les clients pourront cueillir ce que l’on cuisinera le jour-même, ça va être fantastique ! Mais à ce stade-là, je me sens déjà très chanceux. 

 

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