Ode à la nature et à la création

Les habitués de Chaumont-sur-Loire connaissaient bien l’ancienne ferme Queneau, entourée de ses prés et de son paisible troupeau de chevaux. C’est ici, à 300 m de l’entrée du site, que se niche le tout nouvel hôtel du Bois des Chambres, inauguré en juin 2022. Imaginé par l’architecte Patrick Bouchain et l’atelier Construire, que dirige Loïc Julienne, ce refuge s’articule désormais autour d’une grange et d’une étable du XIXe siècle magnifiquement restaurées – destinées à accueillir des événements culturels –, le tout adossé à deux bâtiments contemporains qui reprennent, comme des ombres portées, les formes des corps de ferme historiques.

Derrière les façades, rythmées par des bandes de pins Douglas lasurées de noir et de blanc, se nichent 39 chambres à l’atmosphère intime. Elles sont décorées par l’architecte d’intérieur Isabelle Allégret, qui a accompli un remarquable travail sur la couleur. Le rez-de-chaussée est habillé de camaïeux de verts, de bronze et de bleus profonds tandis que, à l’étage, la dominante blanche met en valeur les volumes des plafonds cathédrale. Partout, de beaux rideaux de lin gris séparent les espaces salon et chambre, instillant une atmosphère chaleureuse et douillette, avec des couettes et des édredons recouvrant des lits carrés aux formes inédites de 2 x 2 m. Au rez-de-chaussée, certaines chambres, parfaites pour les familles, se prolongent par de petites cabanes sur pilotis posées dans le jardin, pour jouer les Robinson le temps d’une nuit. Ici, pas de téléviseur, mais des compositions florales signées de la designer Clarisse Béraud. Ces délicates alliances de branches fleuries, de clématites et pois de senteur font entrer la nature dans les pièces, comme un trait d’union avec les jardins alentour. Dessinés par le paysagiste Bernard Chapuis, ces derniers se déploient autour d’allées en espaliers qui mènent à des cultures maraîchères, des champs de fleurs et des parterres réservés aux aromates, le tout rafraîchi par un étang.

À deux pas des bâtiments se dresse le restaurant Le Grand Chaume, dont le gigantesque toit célèbre un savoir-faire ancestral ressuscité par une nouvelle génération d’artisans locaux. Symbole du lien intime entre nature et création qui fait toute la philosophie de Chaumont, la charpente de la salle n’a pas été recouverte. Telle une voûte céleste, celle-ci est transpercée d’une forêt de petites flèches blanches. Le restaurant offre aux hôtes la cuisine durable du chef Guillaume Foucault, servi sur des tables en forme de toue, ces barques à fond plat typiques de la Loire. Des luminaires rehaussent délicatement les assiettes en porcelaine de Limoges de la maison Bernardaud. Cet éclairage tamisé participe à infuser une atmosphère de conte de fées, mi-contemporaine, mi-Renaissance, comme un ultime hommage aux richesses d’une région où s’égrènent les plus beaux châteaux de France.

• Chantal Colleu-Dumond, directrice du Domaine de Chaumont-sur-Loire

Pourquoi créer cet hôtel au cœur du domaine?

Chantal Colleu-Dumond : Ouvert 363 jours par an, le domaine accueille désormais 500000 personnes chaque année [200000 en 2007, NDLR]. Séduits par ce lieu qui mêle histoire, nature et art contemporain, les visiteurs sont de plus en plus nombreux à séjourner à proximité pour profiter plus longtemps de l’ambiance de Chaumont, de son utopie artistique. Pour les recevoir, nous avons déjà créé 6 espaces de restauration répartis entre le château, la cour de la ferme et le Festival international des jardins. Il ne manquait plus qu’un hôtel…

Comment ce lieu a-t-il été pensé?

C. C.-D. : Le Bois des Chambres n’est pas un hôtel comme les autres. Il poursuit tout d’abord un dialogue avec l’histoire des lieux puisqu’il est né de notre volonté de sauver deux anciens corps de ferme appartenant au domaine. Cette restauration exemplaire d’un patrimoine en danger a été menée grâce au financement de la région Centre-Val de Loire. À côté de ces bâtiments, les nouvelles constructions abritent des chambres modulables, permettant des réunions amicales et familiales. Toutes sont largement ouvertes sur l’extérieur, intimement liées au végétal. L’art y a aussi une place importante, avec des sculptures, des installations et des photographies d’artistes dans les chambres et les espaces communs. Hôtel d’art et de nature, ce refuge célèbre l’esprit du domaine et en élargit l’hospitalité.

Comptez-vous utiliser les anciens corps de ferme pour des événements?

C. C.-D. Grâce à cette restauration, Le Bois des Chambres pourra en effet héberger des manifestations artistiques et thématiques. Nous allons lancer les Conversations sous l’arbre, des rencontres mensuelles entre le public et des scientifiques, des artistes, des paysagistes, des philosophes, qui échangeront sur le patrimoine, les jardins et l’art contemporain. Le tout dans l’atmosphère chaleureuse et sereine de ce lieu unique.

Une restauration écoresponsable

Au Bois des Chambres, les anciens corps de ferme ont été réhabilités dans le respect de leur histoire: le sol, les murs de pierres et les charpentes ont été restaurés à l’identique. Les bâtiments contemporains privilégient le bois, et l’isolation a été réalisée à partir de paille compressée issue de filières locales. Le chauffage et l’eau chaude consommés sur l’ensemble du site sont produits via une chaudière qui fonctionne au bois, avec des arbres du domaine abattus en raison de leur âge. Ce système assure en outre un débouché pour l’activité régionale. La gestion de l’hôtel est à l’image de celle du domaine. Sont privilégiés le recyclage, l’économie circulaire et les pratiques qui permettent de prendre soin de la planète.