Domaine Belin : des cochons de gastronomie
En 2015, Astrid Barthomeuf a créé de toutes pièces une exploitation agricole, le Domaine de Belin, mais a surtout introduit dans les terres ardéchoises une race de cochons hongrois, les Mangalitza. Un défi qui a su convaincre, entre autres, quelques grands chefs.
Astrid Barthomeuf travaille dans des exploitations de brebis quand elle repère un terrain à reprendre : « J’ai déniché un ancien domaine de chasse comportant de nombreux chênes. Je me suis mis en tête de trouver l’élevage le plus adapté », détaille-t-elle. L’exploitante découvre, en cherchant sur Google, les Mangalitza, une race hongroise de cochons issue d’un croisement, depuis le Moyen Âge, entre des porcs classiques de la région danubienne (les Szalonta et les Bakony) et des Sumadija, de souche méditerranéenne. C’est l’une des plus anciennes races d’Europe, mais elle était en voie d’extinction au début des années 1990. Il ne restait que 160 têtes en Hongrie. Le rebond est venu en 1991, grâce au chef d’entreprise Juan Vicente Olmo, qui a sauvé l’espèce. En 2010, le nombre d’animaux reproducteurs passait déjà la barre des 7 000 cochons. L’une des curiosités du Mangalitza est l’épais pelage blond qui recouvre son corps. Il n’y a qu’un autre type de cochons qui présente une fourrure aussi longue, le Lincolnshire Curly Coated, aujourd’hui disparu.
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Des cochons ardéchois
« J’ai commencé avec trois bêtes, puis j’ai augmenté petit à petit le cheptel, jusqu’à en avoir 250 aujourd’hui », précise-t-elle. Avoir un troupeau de Mangalitza revient à prendre le parfait contre-pied des élevages intensifs. Quand il faut en moyenne six mois pour élever un porc dans l’industrie, deux ans sont nécessaires, en plein air, pour conduire le Mangalitza à maturité, quand il atteint 150 kg. La particularité de la race se trouve dans son importante masse graisseuse. Son nom est d’ailleurs révélateur : « mangalitza », ou « mangalitsa », signifie en hongrois « viande de cochon avec beaucoup de lard ». Ces porcs sont aussi très résistants aux maladies : « La race vit trois fois plus longtemps que les autres. Pendant ce temps, mes animaux développent une forte proportion de graisse, que l’on peut comparer ensuite à du persillage pour du bœuf », souligne Astrid Barthomeuf. La race Mangalitza est même régulièrement comparée à du jambon ibérique, grâce à son potentiel d’affinage et à ses grandes qualités organoleptiques. L’éleveuse peut également se targuer de produire des cochons ardéchois de la fourche à la fourchette : « Mes cochons sont nés, élevés, abattus et transformés en Ardèche. Les terrines et les rillettes sont confectionnées dans un petit atelier au nord du département. Je suis fière quand je vois mes cochons se retrouver sur de belles tables gastronomiques. »
Ce n’est pas le seul argument de poids : « Il faut aussi parler de rémunération, c’est un sujet pour le secteur. Se lancer dans la production de Mangalitza demande un investissement plus important au départ, car nous devons attendre vingt-quatre mois avant qu’une première bête ne parte à l’abattoir. Néanmoins, la qualité gustative fait que l’on revend l’animal transformé 70 € le kilo [contre 13 € en moyenne, NDLR]. Et que l’on peut vivre de son métier et de sa passion ! » s’exclame l’éleveuse. Cette race de plein air a donc de beaux jours devant elle dans l’optique d’une agriculture durable et rémunératrice pour le secteur.
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Une viande d’exception
La viande de porc Mangalitza est de couleur rougeâtre, très veinée, de graisse blanche et crémeuse. Elle est riche en acides gras oméga‑3 et 6 et en antioxydants naturels. Selon des études menées par l’université de Debrecen, en Hongrie, les niveaux d’oméga‑3 de cette race sont de deux à trois fois supérieurs à ceux de nombreuses variétés de poisson. Dans la cuisine asiatique, la viande fraîche de Mangalitza est très recherchée pour élaborer des plats tels que le bulgogi (typique de la gastronomie coréenne) ou dans des recettes très populaires au Japon, comme le tonkatsu, une côtelette de porc panée et frite, ou le sukiyaki, dans lequel la viande est préparée à la manière nabemono (à la vapeur). Le jambon Mangalitza possède aussi de nombreuses vertus nutritives. Il s’agit d’un aliment riche en protéines de haute qualité, facilement assimilables. De plus, il contient une grande quantité de vitamines du groupe B et d’importantes doses de fer et de zinc, indispensables pour notre organisme.
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3 questions à Laëtitia Visse, cheffe du restaurant La Femme du Boucher, à Marseille.
Gault&Millau : Depuis quand travaillez-vous avec le Domaine Belin ?
Laetitia Visse : Depuis un an et demi. Je l’ai découvert en mangeant chez Florent Pietravalle [chef de La Mirande, à Avignon, NDLR] Il m’a dit : « Tu dois vraiment travailler avec cette éleveuse. Je prends au distributeur du Domaine de Belin des demi-cochons et des abats. »
G&M : Connaissiez-vous la race Mangalitza ?
L. V. : J’en avais déjà entendu parler et je savais qu’elle était de très bonne qualité. Ce sont des porcs très gras, et c’était ce que je recherchais. Concernant le Domaine de Belin, on sent que l’éleveuse prend le temps de s’occuper de ses animaux, en plein air qui plus est, et qu’ils sont traités correctement. La viande a un goût noisetté, avec quelques notes de foie gras.
G&M : Quelles recettes faites-vous avec les Mangaliza ?
L. V. : Je n’ai pas créé de plat original, mais j’utilise la viande des demi-cochons Mangalitza pour réaliser des jambons persillés, du boudin noir… J’essaie de magnifier le produit brut. Je mets également sur la carte un confit de côte découverte, dans lequel chaque client sera servi avec des parties différentes du porc. Cela permet aussi de faire de la pédagogie sur l’anatomie de cet animal.
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