Dans la serre aux agrumes de Christophe Hay, à Fleur de Loire
À Blois, au restaurant Fleur de Loire, Christophe Hay cultive une quarantaine de variétés d’agrumes dans sa serre, véritable orangerie ligérienne. Du citron caviar au yuzu, ils infusent toute sa cuisine et deviennent le fil lumineux de son univers.
Des agrumes sur les bords de Loire : à première vue, l’idée semble saugrenue. Et pourtant, à Blois, Christophe Hay a fait de ces fruits du soleil un pilier de son identité culinaire. Dans l’écrin lumineux de Fleur de Loire (4 toques), il cultive une quarantaine de variétés d’agrumes, qui nourrissent la créativité du restaurant tout au long de l’année. “Le tout premier agrume qu’on m’a offert, se souvient-il, c’était un citronnier des 4 saisons, en 2016. Depuis, je suis tombé amoureux de ces arbres.”
De ce premier citronnier, cadeau de son amie décoratrice d’intérieur Caroline Tissier, est née une passion devenue collection. Au fil des voyages et des rencontres, le chef a rapporté des trésors d’Asie, d’Amérique du Sud ou du bassin méditerranéen : lime rouge du Costa Rica, cédrat maxima, citron caviar, orange naruto, yuzu japonais ou encore main de Bouddha. Autant de nuances d'acidité, d'amertume et de parfums qu’il apprivoise, saison après saison.
Une “cuvette de soleil” à Blois
Sa serre, dessinée sur mesure par Les Serres d’Antan, s’élève à l’arrière du bâtiment principal, dans une petite “cuvette de soleil” bordée de murs anciens. Le soleil s’y reflète toute la journée, créant un microclimat propice à ces hôtes méditerranéens.
Inspirée des orangeries des années 1930, la structure en fer et en verre accueille les agrumes en pot, que l’on sort aux beaux jours avant de les rentrer à l’approche du gel. “C’est mon jardin secret, confie le chef. Ce sont mes bébés. Je les taille, je les arrose, je veille sur eux. Il faut être attentif : un peu comme avec les humains, il y a des signes de fatigue, de stress, des périodes où la sève se retire.”
© Mathilde Bourge
Certaines variétés japonaises, comme le yuzu, ont même trouvé place en pleine terre : “Le Japon est sur la même ligne que la France, les températures sont comparables. Ces arbres résistent bien ici, sur les bords de Loire.”
De la serre à l’assiette
Dans les cuisines de Fleur de Loire, les agrumes sont omniprésents. De l’amuse-bouche au dessert, ils marquent le palais, apportant cette fraîcheur, cette tension et cette lumière qui signent la cuisine du chef.
Un condiment citron-sel-gingembre accompagne un bœuf wagyu ; une infusion de feuilles d’agrumes parfume un dessert à la boutique ; le pomelo, pelé à vif et chauffé juste assez pour séparer les alvéoles, offre un croquant inattendu. “On utilise tout : le jus, le zeste, le ziste. Le cédrat, avec sa peau épaisse, nous sert sur un dessert à la fraise pour apporter onctuosité et parfum.”
Christophe Hay aime explorer les nuances : acide, amer, sucré et salé. “Il existe autant de sensations et de parfums que d’agrumes. Aucun ne se ressemble”. Parmi ses favoris, le bizzarria, un fruit hybride entre citron et orange, qu’il flambe au Cointreau dans une sauce accompagnant une crêpe soufflée de brochet. “On y retrouve ce côté orange amère tout en gardant l’acidité : c’est fascinant à travailler.”
© Fleur de Loire
Une empreinte vivante
À Fleur de Loire, la serre d’agrumes s’ajoute à la truffière, au potager et à l’élevage de bœuf wagyu, dessinant un écosystème presque autonome. Les équipes vont y cueillir les fruits du jour, observer les feuilles, sentir le parfum des fleurs. “Cela permet de sortir de la cuisine, de comprendre comment les choses poussent, d’être en lien direct avec la nature”, se réjouit le chef, issu d’une famille d’agriculteurs depuis cinq générations.
Pour lui, cultiver ses agrumes, c’est une manière de renouer avec la terre, d’enraciner la création dans le vivant. “Avoir ces arbres, c’est du bonheur. Ils apportent du parfum, de la fraîcheur, mais aussi une forme de paix.”