48 heures à Arcachon
Nouvelle-Aquitaine/2023
La «ville des quatre saisons» (et sa voisine Pyla-sur-Mer) a longtemps mal porté son passé médical et vécu jusque dans les années 1970 un peu planquée. Un passé qu’elle est aujourd’hui fière de défendre et de sauvegarder.
© julien-paoletti
Printemps, été, automne, hiver… Direction la «ville d’hiver», sur les hauteurs. Tout commence au milieu du XIXe siècle avec les frères Pereire, Émile et Isaac, hommes d’affaires, qui décident d’acheter la ligne de chemin de fer reliant Bordeaux à La Teste. Jusque dans les années 1820, Arcachon n’est qu’une dune recouverte de sable, de pins et de quelques cabanes de pêcheurs. La mode des bains de mer, puis le décret impérial de Napoléon III de 1857 font du Bassin une villégiature estivale prisée pour les effets vivifiants de l’océan.
Mais si Arcachon attire la haute société en été, il en est autrement l’hiver. La solution va résider dans le fléau du siècle : la tuberculose. Le projet va être de faire de la ville un sanatorium à ciel ouvert composé de nombreuses villas dans lesquelles les médecins font la tournée des malades. Les patients, eux, y viennent en famille, se promènent, participent aux mondanités, jouent au casino mauresque.
De 1863 à 1870, les frères Pereire achètent une cinquantaine d’hectares de forêts de pins sur les hauteurs de la ville et y construisent 96 «chalets» locatifs, vrais bijoux architecturaux. Ils souhaitent reproduire dans le Bassin le modèle des villages suisses, lieux privilégiés par les aristocrates pendant l’hiver. Ces chalets locatifs se distinguent par un rez-de-chaussée semi-enterré, un premier étage composé de pièces de réception, et d’un deuxième pour les chambres avec balcon. On les reconnaît par l’alternance de pierres de taille et de briques, leurs charpentes de bois travaillées ainsi que par leurs toitures ornées de lambrequins dentelés, telles les villas Antonio ou Brémontier.
À droite, à gauche, on monte, on grimpe, on redescend, allée du Docteur-Pereira, allée Faust ou Velpeau, Sully ou Hennon… la visite se poursuit dans les rues sinueuses de la « ville d’hiver » dont les courbes, sur conseils des médecins, ont été pensées pour éviter les courants d’air et briser les vents vifs du climat océanique. Le résultat est là, on gagne 1 à 2 degrés par rapport à la «ville d’été» ! Respirez un bon coup et profitez de ces effluves térébenthinés qui attirèrent tant d’aristocrates européens. Car le succès de la station curative arcachonnaise décide bientôt de grands bourgeois et des promoteurs à acheter des lots pour y construire des villas à louer aux malades. Propriétaires et architectes rivalisent alors d’imagination. D’inspirations mauresque, gothique, néocoloniale… Villas Marguerite, Siébel, Giroflé ou Castellamare, ces «fofolles» représentent la deuxième génération de villas arcachonnaises. Durant quatre-vingts ans, malades et bien-portants affluent du monde entier.
Puis l’amélioration de l’hygiène fait baisser le nombre de tuberculeux, entraînant une diminution de la clientèle. Mais surtout, on comprend (enfin !) que la tuberculose est contagieuse. On ne vient plus à Arcachon qu’en petit comité. Les maisons diminuent alors en taille, c’est la troisième génération de villas, dites « les modestes ».
Les guerres mondiales, la Grande Dépression, le boom des antibiotiques, puis le tourisme balnéaire de masse dans l’autre Sud, vers la Riviera, ont raison de l’intérêt porté à Arcachon. La ville, honteuse de son passé médical, se referme sur elle-même. Des villas sont rachetées, démolies et remplacées par des maisons des années 1970. En 1977, le casino mauresque, laissé à l’abandon, brûle. Les Arcachonnais prennent alors conscience de leur patrimoine architectural et s’associent pour le préserver. Depuis 1985, les villas sont inscrites à l’inventaire des sites pittoresques de la Gironde. Si aujourd’hui, la plupart d’entre elles sont divisées en appartements, les prix de certaines, pas encore découpées, atteignent des prix stratosphériques. Arcachon est bien de nouveau dans le viseur des investisseurs.
Aux villes d’été, à fleur d’eau, et d’hiver se sont peu à peu ajoutées, à l’est et à l’ouest, la «ville d’automne» et la «ville de printemps». Les anciennes maisons de pêcheurs et d’ostréiculteurs sont plus modestes, plus petites, mais tout aussi charmantes que les villas en hauteur. Certaines sont des miniatures de ces dernières, d’autres plutôt néocoloniales, néo-Renaissance ou néobasques. Mais toutes sont finalement le parfait reflet des modes et des marottes d’une époque. Surtout, toutes sont, au fil des quatre saisons, à l’image de ce qu’est devenue Arcachon, de ce qu’est devenu tout le Bassin : l’un des hot spots les plus désirables de la côte ouest. Même si l’on aime y afficher une apparente décontraction. I. B.
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