Julien DUMAS
Derrière son allure de bon élève, on décèle le goût de la fantaisie, presque de l’espièglerie. On l’imagine enfant, un peu farceur, débrouillard et appliqué. Julien Dumas est tout cela à la fois, et avant tout un jeune chef plein de talent.
Pour Gault&Millau, la révélation d’une progression à venir s’est déroulée curieusement, lors d’un repas que certains pourraient considérer comme raté. C’était bien après un premier trophée, celui de Grand de Demain, remporté en 2015 par ce cuisinier formé à l’école Ducasse et Maximin, côtoyant notamment Jean-François Piège au Crillon. Le vénérable Lucas Carton lui avait ouvert ses portes, il y montrait technique, habileté et assurance, mais pas encore beaucoup de lui-même. Lors d’échanges que nous avions eus après ce repas, nous avions senti une réflexion très positive de sa part, un doute constructif, beaucoup d’envie et de motivation. Quelques mois plus tard, il quittait la place de la Madeleine pour le Saint James.
S’en est suivi un déclic, ou plutôt une progression presque inéluctable pour celui qui veut avancer. Au Bellefeuille, le gastro de ce luxueux hôtel particulier entre les avenues Foch et Victor-Hugo, Julien a quasi carte blanche. Très vite, il a installé un potager tout près de Paris afin de viser l’autosuffisance pour son garde-manger, régler l’approvisionnement sur la saisonnalité, contrôler la chaîne de A à Z. Corollairement, il trouve une liberté nouvelle, un élan fécond pour une cuisine dont chaque plat porte désormais son monogramme.
Au Lucas, il en était resté à 3 toques. Au Saint James, la 4e lui échoit en 2022… Le club des grands s’ouvre désormais pour ce jeune homme qui a appris la Bretagne en vacances lorsqu’il était enfant, à respirer les embruns, à écouter le chant des coques, à regarder les étrilles s’étriller. Aujourd’hui, non seulement il accepte, mais il impose cette sensibilité, il laisse s’exprimer des envies, des souvenirs, de la poésie marine. Il invente un plat « haute mer » dans lequel chaque convive ira à la pêche de sa propre mémoire océane, il habille une araignée de mer de haute couture : un riz cuit dans le jus d’araignée, la chair et les œufs, une purée de corail au piment fumé, l’intérieur en sabayon…
Dans l’exigence qu’il a envers lui-même, d’aller parfois si loin que peu de monde peut le suivre, se trouve cette graine de champion. Il y a du Arnaud Donckele dans cette volonté de surpasser le produit lui-même en allant au cœur, à la quintessence de la saveur. Celle qui le pousse à réaliser quatre bouillons différents pour son rouget, de créer deux condiments, l’un avec le foie – un vinaigre de vin rouge et ail nouveau –, l’autre de nèfle, safran et piment, d’utiliser l’un et l’autre pour ce plat étonnant, viscéral et tellurique.
Gault&Millau d’Or en 2023, 4 toques confirmées, une progression encore cette année : ne croyez pas que ces louanges vont le changer. Il gardera cette part humaine d’interrogation qui l’aide à vouloir le meilleur, tout en offrant déjà beaucoup de certitudes.
M.E.
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